What do you see ?
Je le vois qui sifflote en arrivant, les oreilles nues au creux de son coupe-vent.
Une marche et un regard glacial sur la rue qui dort, le pavé propre des rues du huitième le guette, et à gauche, à peine plus de bruit.
La porte bleue s'est refermée derrière lui, et je le vois qui s'avance vers moi, ses yeux fatigués du matin, éraflé par la musique, le livre corné qu'il a tenu à lire dans le métro.
Je me tiens bien droit, je l'attends. C'est à moi de le faire, je m'en soucie assez peu, mais assez pour que ça reste pénible.
Ce mec que je connais à peine monte une volée de marches sans se précipiter, les lèvres en bataille comme si on venait de lui voler un premier baiser. Je le détaille, regard oblique et désobligeant, sans aucune émotion particulière. Il a cette présence exaspérante, des doigts plein de griffures qui claquent là où ils se posent et une barbe naissante foisonnant ses joues.
Je le vois se poster devant moi, tenue franche, nette, il respire un bon coup, il a compris.
Il va sourire, il va s'enfuir, je vais le courser, le pousser, le mettre à terre, lui faire peur, légèrement, puis lui décocher un bon coup qui marquera cette petite face de merdeux arrogant.
Des bêtes salies par leurs mains qui s'animent avec violence. On éteint nos cerveaux, en panne, les gens qui traînent rallument les lumières, là où on s'était endormis, avec nos airs d'ahuris lorsque le rideau se lève. Léa pleurera en silence en voyant que moi aussi, je me suis blessé. Elle fermera les yeux pour ignorer ma lèvre gonflée et s'en ira sans un regard. Je resterai seul à me demander ce qui ne va pas chez moi, sûrement jusqu'à ce que j'attrape la crève. Je resterai dans mon lit, j'oublierai de prendre mon cachet de prozac et ma sœur me retrouvera au fond des draps, alors, elle aussi ne dira rien.
Ma mère et mon père viendront, ils parleront, je n'écouterai pas, je ne penserai qu'à Léa, je pleurerai simplement et sensiblement. Puis je prendrai une douche et j'aurai les yeux bouffis comme la dernière fois, comme tous ces soirs là. Les mioches de la voisine prendront un bain, je penserai à Adil qui n'est plus là. Alors, peut-être, je ferai finalement le choix de quitter Léa.
Ça y est tout dérape, je le frappe.

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(déluge)
General FictionIl rit. Il rit en face de Julie et elle rit avec lui. Il rit et tout est beau tout est gris.