VII

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Fond de soirée, lumières intermittentes, la musique léchant les corps, qui saturent parfois. La fumée me brûle les yeux, de la fumée bleue des spectacles. On se voit pas dedans, à danser à l'aveugle, se serrer dans le bleu. Mais je n'y suis pas, la fenêtre est ouverte sur la rue, en coin des boulevards lumineux. La rue est noyée sous les rires, les éclats de verre, la musique forte. Ça déchire tout, le voile du sommeil, mes doigts rongés au sang, qui reposent sur, la cuisse de Léa. Les gens lèvent les yeux au balcon, et nous, nos pupilles sont si rouges.
Ça y est je sens à nouveau le goût du vin sur sa langue, agile, pressée. Elle appuie mes lèvres avec une force démesurée, des yeux clos jusqu'à l'extrême. Je lui attrape le poignet, avec prudence, j'ai peur qu'elle me repousse.

-Qu'est ce qu'il y a ?

Ses mains s'agitent désespérément. Un papier, un téléphone, rien, personne n'a rien. Tant pis, je ne veux pas savoir. Alors elle me fixe, longtemps, et ça y est, je la vois vivre devant moi.
Ses douloureuses respirations, irradiant tout son être. Elle se dresse, ses épaules cherchent à toucher le plafond, sa joue rouge est secouée. Secousses, tremblements, ses bras se balancent sur la musique. Elle me regarde. Ses yeux tordent tout en moi, mes organes flétrissent comme du papier mâché. Ses lèvres sont entre-ouvertes mais rien n'en sort. Pas même une caresse. Des iris sombres, qui plongent la pièce en introspection. Les murs rapetissent jusqu'au bout du chandelier. La table valse, les gens sont balayés. Elle arrive vers moi, cette immense souffrance. Son corps rouge malmené, qui avance grossièrement, parce qu'il a trop bu. Qui s'avance pour m'éteindre. Je ne veux pas. Je me lève précipitamment, d'un bond jaillissant de l'eau sombre.
Gorge nouée, irritée, atrophiée, il ne me reste plus que des mains pour la repousser, cette amour fendue.
Je vais chercher à boire. Les mots s'articulent mal, je suffoque à moitié, poing sur la bouche à mordre jusqu'aux pleurs. Je coupe la masse, je m'y fonds, ballotté par des bras, des mains qui m'agrippent et m'éloignent. Je défile, à l'encre sèche. Historique d'une relation à travers une seule chanson. Avant de quitter la pièce, la seule fille que je vois, pleure du vide autour d'elle. Son grand corps est une vague limpide qui écrase tout, moi compris même, lorsqu'elle me dévisage à travers ses larmes.

(déluge)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant