(Fébrilité des atmosphères bondées, il faut parler fort, pourtant, on aimerait murmurer.)
CÉSAR
Ça fait un an quand même, et on ne peut pas l'ignorer. On parlait de changer puis on a perdu de vue le compte des mois. T'as beau te retrouver là, tu sais, rien n'est pareil. Je suis venu parce que je t'aime bien Adil. T'es pas trop con, et attachant sans doute. Mais tu vois il n'y a rien de pire que de laisser le temps faire son effet. On a beau dire, se croire ancré jusqu'à l'épuisement, ça finit par s'éparpiller. Les souvenirs et les sentiments, on le redoute un peu, mais personne n'y échappe.ADIL
J'ai jamais cru à la fuite du temps, ni su ce qui faisait l'aube et l'éloignement. J'ai l'habitude de croire, mais je suis stupide, que même les plus vaines secondes peuvent effacer le poids des années. Un brin d'optimisme qui me pèse dans le corps, et m'enjoint à m'évader en deux trois endroits comme si l'on quittait un bar, pour y revenir la seconde d'après. Revenir pour mieux y jouer encore, que l'on avait jamais su, les yeux fermés pour entendre la musique s'élancer, les poignets décomposés dans le recueillement, et les cordes qui vibrent avec tant d'impétuosité que le piano de fissure de l'intérieur. J'ai toujours cru qu'à la fin du spectacle en sortait la Vie charmée, oublieuse dans ses dons et ses vols.
César, hier importe, puisqu'il nous était réservé. Je regrette de l'avoir abandonné en précipitation. C'est que j'avais cru devoir me perdre un peu pour ne pas cesser de grandir. Que partir m'améliorerait. Maintenant je n'ai plus de plans, il m'est impossible de te dire la couleur du ciel, si bien que je ne vois plus au loin.CÉSAR
C'est bien de croire. Mais il ne suffit plus, il faut, dès lors, savoir.(Ambiance de rue des jours humides, boutiques qui s'ouvrent sur un fond de dimanche.)
JULIE
Je t'ai écrit plus que j'aurais jamais imaginé pouvoir, à midi sous le soleil de la cuisine, dans les fonds de soirée désertés, en cours le matin sur mes paumes et dans mon lit toujours béant. Je ne savais plus contre quoi me battre. Tu m'as coulée en t'agrippant à mes chevilles, à me traîner dans le sable jusqu'à ce que mon corps s'en gorge. T'as beau t'excuser et laminer ton visage de tous ces remords, il n'y a plus rien pour effacer ta pourriture. D'ailleurs dis moi Adil, toutes ces heures dans le silence à plisser les yeux, le nez remué par le plâtre des statues dans les musées. Pour quoi ? Je vacillais dans tes bras à croire qu'il n'y avait rien pour nous séparer, qu'il était dans l'ordre naturel du monde qu'un matin, enfin, je me réveille à t'aimer, puis dans la foulée, je ravisse ton cœur, de même. De même tous ces couloirs où je t'ai vu attendre, ces après-midi interminables à se languir dans un café rouge faune, sur un banc en été.
À voir trépasser le vieux chien, sa gueule qui se referme, les mouches qui lui tournent autour et l'odeur de la mer au loin, puis, dans le grenier en haut on dormait mal. Pour quoi t'as fait tout ça Adil ? Comment as-tu pu croire que tout t'étais permis ?ADIL
J'ai pensé pendant longtemps que j'étais gravement malade, et que les gens étaient des jeux. Aujourd'hui je sais que plus rien n'est vrai, alors, je commence à remarquer des incohérences.
Pourquoi j'ai dit aimer Bastien et ne pas t'aimer toi ? Oui pourquoi ?
Pourquoi coucher avec César si celle que j'avais peur de perdre, c'était encore toi ?
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(déluge)
General FictionIl rit. Il rit en face de Julie et elle rit avec lui. Il rit et tout est beau tout est gris.