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What is wrong ?

C'est le brouillard sous ta langue, qui a le goût âcre des nuits claquées à vomir parce qu'on boit trop.
C'est à dire jusqu'à ne plus sentir nos veines éclater, et nos corps se tenir en titubant, les griffes sorties et les larmes aussi, quant on s'en va vraiment.
La nuit ramène toutes sortes de rêves anémiés, pour qui il est inutile de dormir, alors, on sort.
Montmartre est nu, comme une bête sale et malade, où grouillent certains baratineurs, croix sur leurs coeurs et ils disent s'amuser.
Ce goût de mendicité tressautante, des âmes trouées parce qu'elles ont des gilets par-balle défectueux, ou des ecchymoses en état d'ébullition sur les paumes des amis.
Ce goût a l'odeur lamentable de la ville puante et ruisselante, où l'on perdure.
Je crois que j'ai le crâne aussi jauni que les anciennes photos, et surtout, celles qui vieillissent mal.
Mais toi non. Toi tu fais des origamis dans une piaule décrépie, en pensant que l'oiseau en papier est mort né, et que rien ne va y changer. Toi tu t'appliques pour les choses insensées, et on te dit que tu as un coeur de verre ou bien qu'il ne reflète rien.
Si la nuit dévale ton corps, c'est pour que tu la laisse faire.
Léa, reste fidèle au son de tes pas sur le pavé. C'est à dire, ce son doux et un peu écorché qui cingle comme la monnaie, au fond des fontaines, tu sais.

"On se voit plus Bastien, et l'éternité n'a peut-être fait que diminuer."

Foutaise, l'été avait un goût d'éther (d'anesthésiant), on y trouvait ni tes lèvres ni ta peau, mais ton coeur brûlant et caressé à mains nues (les miennes). C'est fini tout ça mais j'ai bien cru que j'allais mourir à plusieurs reprises, quand tu ne souriais plus. C'est con, surtout, de l'avoir voulu si fort, et aujourd'hui, le vide, l'absence de tout.

"C'est pas parce qu'on a perdu l'éternité qu'on est privé du néant. Tu comprends jamais rien Bastien."

-Léa je ne t'aime plus, et la couleur de tes yeux m'est insupportable.

Ses yeux d'ailleurs se remplissent d'eau, on dirait qu'ils vont glisser puis disparaître dans l'herbe montante, mouillée et frivole. L'éclat miroir de la lune bleue n'éclaire que leurs corps désunis, chacun dans un côté du lit.
Ils s'excusent en quittant l'hôtel, d'avoir laissé les draps inanimés, les oreillers si lourds de cris et de silence. Le crépitement intense et douloureux de leur dernière étreinte les as fait se serrer les yeux voilés. Les genoux frémissants qui veulent fuir la brume, se tendant à l'extrême.
C'est le brouillard sous leur langue, qui a le goût âcre des nuits claquées à s'éviter parce qu'on ne veut plus se voir.

(déluge)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant