III

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LETTRE DU 05/02/2017

T'as l'air d'un ange, t'es bandant, lèvres coupées, découpées par le froid, et mes dents, qui tirent ta lèvre, y répandent le goût cassant et bizarre de notre amour. On voit des petits oiseaux dormir sous le toit, on a aucune idée du contrôle, ni de la raison qui nous fait manger cette omelette, devant les oisillons qui piaillent. Ça nous fait bien marrer je crois, de savoir qu'on est des criminels, des bandits dans nos vies, la roue arrière du carrosse, c'est nous qui l'avons démontée.
T'essuie la crasse au coin de ta joue, je crache des mots tendres et piquants, on partage la même paire de gants. Tu me pince la fesse droite (ta favorite quand il s'agit de jouer), et on dévale la pente. Le jardin est couleur émeraude, puis vert glacé, puis tout à fait blanc cassé, le neige crème qui allume des désirs sur ta rétine folle, les ondulations de ma bouche sur ton coup. Julie et son bâton de ski neuf nous appelle "les amoureux".
Merci mon grand blond, tu me fais flotter dans un oxygène aromatisé.
À la violette il paraît, et c'est la couleur de ton orgasme les paupières collées aux miennes.
Ta Léa, Léa Léa, qui déterre un trésor,
on a scié l'hiver en cinq, et nous, on saisit la même part. Tes doigts sentent la mandarine quand ils courent sur ma nuque sensible.
Je t'aime dans le secret de notre lit, puis je l'écris sur la montagne et ça te fait rire.
LEA

LETTRE DU 22/03/2017

C'est ton anniversaire, et le printemps depuis hier. Jamais les baisers que je t'ai volés n'ont eu meilleur goût.
J'écris, sur le balcon de la ville, près de la fenêtre qui donne sur ta tête endormie.
Bastien, visage offert au sommeil, qui ne redoute que le réveil.
Tu es beau quand tu dors, et je ne te le dis pas à toi mon amour mais à toi, l'aveugle. C'est ton torse qui perce le vide, une marque de vie qui m'éblouit la vue. Quand tu respires mes mains tremblent, et le papier devient humide. Je me retrouve ensevelie dans le torrent de tes cheveux blonds, qui enlacent mes doigts froids, les draps mousseux avec, toujours, la même satisfaction, la même impétuosité.
Les insomnies me font écrire des poèmes ou chanter en silence, à quelques millimètres de ton visage, en espérant que dans ton pays du rêve tu entendes ma voix.
Est ce que ça te rend heureux, d'être le soupirant de la belle, les couleurs du visage dépeintes ? Ce gars aux poches aux milles soleils, qui gratte les murs en attendant de les voir tomber.
Je m'écroule sur le sol, je roule dans la terre humide, et le vent s'engouffre dans tes poumons à les irriter autant que la cigarette.
Je t'appelle l'homme aux yeux blancs, et tu ne sais pas pourquoi.
Lorsque tu dors avec les paupières cousues à tes légers cernes, ton visage se meut en un organe fait de soie, ouvrage si trépidant, si déchiré et brûlant qu'il semble se consumer devant moi.
Bastien perçoit les formes du monde, peintes dans les fentes de son crâne, il sent dans le repli de sa cuisse la perle dorée d'où a jaillit la vie, mais il ne voit plus.
Encore, ses yeux gris et parsemés des tâches du trottoir clair, comme des vagues dans un film en noir et blanc, le ciel parisien où les oiseaux ont cessé de voler.
Regard vide et usé, images inouïes dans les coutures de sa veste.
Comblé, trop torturé pour regarder autour, et moi, je ne vais que vers l'intérieur.
En chemin contraire, on se baisse pour se tenir fort, il faut que ça soit suffisant.
Je ne veux pas te voir me lâcher Bastien, parce que je suis sure que ça sera toi, qui me laissera un jour. Mais aujourd'hui non. Aujourd'hui tu as les yeux qui s'ouvriront encore, un peu, aujourd'hui tu as envie de me voir je le sens.
Est ce que je suis suffisante, assez lumineuse, est ce que tu ne deviendras pas lasse ?
Je me tais maintenant, tu as ouvert les yeux et tu m'observes de loin.
Ah, tu m'as souri.
LEA

(déluge)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant