II

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J'avais l'impression que l'on prenait mon coeur à mains nues, qu'il était tiré hors de moi, exposé à l'air frais, dans une lumière blanche de naissance. L'eau claire et transparente coulait sur sa chair, comme pour la laver et l'apaiser, selon un long mouvement lent et salvateur : une caresse infinie dans un ciel désert. Dénudé, exposé à l'œil vif sans artifices, frotté au vent sans cage, juste, là.
Tout me paraissait, non pas haine ni joie, mais blancheur. Un sentiment d'une force extrême, poignant et léger, traversant les âges sans rien d'autre que cette pâleur scintillante. Et la voilà qui subtilise mon coeur pour l'exposer, et, à la place, laisse un courant de vie me traverser la poitrine. Tant d'émotion, de larmes, le balancement d'un nouveau né, abandonné à tout ce qui n'est pas lui. D'une virginité éblouissante, surplombant les couleurs du monde dans un élan sacré et maternel. Secoué par tant de clarté, et ravi, je flotte en dessous de mon coeur et j'aspire à m'assoupir ici, afin de ne jamais cesser la voir. Cette chose, hors du beau, dont s'approche la neige certains jours isolés, cette chose prise de grâce et de lumière filtrée, à l'arôme indolore. Ce qu'il y a d'immortel et d'absent. Qui ne court pas la ville puisqu'elle en a presque disparu. Et voilà qu'avant son grand départ elle vient m'habiter, me toucher de pleine douceur.
Mes larmes ont perdu le goût du sel, et se posent comme les pluies perdues d'hiver, sur le trottoir vide.
Je n'ai pas mal et je n'ai pas peur, mais à vrai dire, je n'ai plus rien qui soit mien.

(déluge)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant