Prologue

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Un rayon de soleil tombait sur la manche légère de mon chemisier blanc, chauffant ma peau à travers le tissu translucide. La brûlure du faisceau en devenait presque douloureuse, mais je n'y prêtais pas attention, perdue dans mes pensées. Mon regard fixé sur son visage statique, espérait un infime mouvement, un tressaillement, quelque chose qui indiquerait qu'il était sur le point de se réveiller, mais rien. Il était aussi immobile qu'une statue. Comme mort, bien que sa poitrine se soulève et s'abaisse à un rythme régulier.

Charles Moore avait été un chef métamorphe craint et redouté. Un homme complexe animé par la loyauté, l'amour, le chagrin, puis par la haine. Beaucoup de gens me demandaient pourquoi je prenais la peine de venir le voir toutes les semaines. À vrai dire, vu nos rapports plus que conflictuels, c'était normal qu'ils se posent la question. Mais pour être franche, même moi, sa fille, je ne le savais pas. Peut-être espérai-je juste qu'il se réveille pour ne plus être dans l'attente. Obtenir des réponses que je n'avais jamais eu. Lui accorder une chance d'être un vrai père... peut-être ? Ou simplement pour que sa vie ne se termine pas si bêtement ! m'emportai-je en dégageant brusquement mon bras de la flaque de lumière.

— Hannah, quelqu'un te demande au téléphone, m'interpella Adam, l'un des résidents permanent du domaine, en frappant doucement à la porte.

— Tu n'as qu'à dire que je ne suis pas là, comme d'habitude ! lui répondis-je avec humeur.

— Il dit que c'est important et cela fait trois fois qu'il appelle, insista Adam en finissant par pousser le battant.

— Dit à cet abruti que si c'est véritablement important, il laisse un message sur mon portable ! m'énervai-je en foudroyant des yeux le messager, qui ne s'en formalisa pas, il connaissait trop bien mon caractère.

À tous les coups c'était encore ce crétin d'inspecteur ! Il fallait toujours qu'il trouve un prétexte ou une excuse pour m'appeler, me dis-je avec irritation en me levant de ma chaise inconfortable. Deux heures que j'étais là et toujours pas le moindre signe encourageant... comme toutes les autres fois. Au début je m'étais demandée s'il ne feignait pas le coma. Sa chute avait été brutale et ses blessures assez graves pour qu'on l'ait cru mort, mais Charles était un métamorphe sacrément puissant qui n'aurait dû avoir aucun mal à se remettre de telles blessures après un temps de repos convenable. Mais son inconscience s'éternisait et je commençais à m'interroger... Avait-il vraiment envie de se réveiller ?

Avec un soupir résigné, je quittai la pièce sans un mot avant de refermer la porte derrière moi. Je me sentais impuissante et j'avais horreur de ça. À l'instant où j'atteignis le rez-de-chaussée j'entendis le téléphone se remettre à sonner. Instinctivement je sus que c'était mon mystérieux interlocuteur qui rappelait. Un drôle de frisson me traversa l'échine lorsque je passai devant l'appareil accroché au mur du salon. Il n'y avait personne en vue et j'hésitai brièvement à décrocher lorsque la sonnerie se tut, me simplifiant les choses.

Légèrement rassérénée je m'avançai vers l'entrée, hésitant à aller voir ma mère et les autres métamorphes du clan, pour finalement me diriger vers la sortie. Depuis que j'étais devenue, malgré moi, l'image des métamorphes auprès des humains, les rapports avec les miens avaient changé, passant de complexes à... ingérables ! Je secouai la tête, agacée d'être encore perturbée par tout ça. J'avais presque atteint la porte d'entrée, quand elle retentit de nouveau. Dans un grognement de colère inarticulé je revins sur mes pas et d'un geste rageur décrochai le combiné.

— Worth, si c'est toi, tu as intérêt à avoir une sacrée bonne raison de...

— Ha, ha, ha, non ce n'est pas...Worth.

Une sueur glacée se mit instantanément à couler dans mon dos à l'entente de cette voix sourde et sardonique qui ne pouvait appartenir qu'à une seule personne.

— Kane, lâchai-je d'une voix blanche alors qu'il raccrochait, ne me laissant dans les oreilles que le son obsédant de la tonalité qui semblait résonner comme un rire affreux et moqueur.


Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant