Chapitre 17-1

2.5K 361 63
                                    

*Modifié le 06.05.22*


— Bordel, qu'est-ce que c'est que ça ? m'exclamai-je en portant machinalement la main à mes yeux. J'aurais absorbé une partie de tes pouvoirs ?

— Ce n'est pas possible, la transfusion ne fonctionnait que dans un sens, me répondit l'inspecteur, inquiet. C'est plutôt le receveur qui ressent les effets secondaires d'ordinaire, pas le donneur.

— D'ordinaire, comme tu dis, grimaçai-je. Le problème c'est... que ce n'est pas notre premier échange ! Nous devons être les seuls assez stupides pour avoir réitéré l'expérience trois fois ! grondai-je en me levant dans un mouvement d'humeur. Je t'avais dit que le lien se renforçait...

— Oui je sais, me répondit-il, l'air légèrement coupable. Mais je n'aurais jamais pensé...

— Chez toi, le phénomène est transitoire, le coupai-je. J'espère qu'il en sera de même pour moi.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

Surprise par sa question, j'arrêtai de faire les cent pas et me tournai vers lui.

— Tu ne savais pas que lorsque tes pouvoirs d'élémentaire s'activaient, tes yeux changeaient de couleur ?

— Tu plaisantes, là ?! souffla-t-il, sidéré.

— J'aimerai bien, ça m'aurait éviter de ressembler à la reine des neiges !

— La reine des glaces, plutôt, ne put-il s'empêcher de ricaner. Finalement, ça ne te va pas si mal que ça !

Je le foudroyai du regard, agacée et inquiète.

— Lorsque ta vision se modifie, tu n'as jamais été tenté de te regarder dans un miroir ?

— Hannah, ma vision ne se modifie pas. Toi, si ?

Je ne répondis pas, sentant la panique me gagner. Mes mains se remirent à trembler tandis que la sensation de la terre qui s'ouvrait sous mes doigts, m'envahissait de nouveau. Je perçus la chaleur de ses paumes sur ma peau avant même de me rendre compte qu'il avait bougé.

— Respire, ce n'est que passager, j'en suis certain. Je suis vraiment désolé, jamais je n'aurais pensé que le transfert agirait dans les deux sens.

— Ce n'est pas faute de vous avoir averti, le sermonnai-je. Je sens toujours ton pouvoir en moi. Cette force brute et incontrôlable et... ça me terrifie, lui avouai-je en osant enfin croiser son regard.

— Je sais, me répondit-il, un air sombre sur le visage. Lorsque cette force m'envahit je... je n'ai aucun contrôle. Je ne maîtrise rien. Je ne sais même pas prévoir le moment où cela va se manifester. Je ne pensais vraiment pas que...

Un bruit étrange et assourdissant venant de l'extérieur l'interrompit brusquement, nous replongeant aussitôt en état d'alerte.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? s'étonna Worth en s'approchant de la fenêtre enténébrée espérant apercevoir quelque chose.

— On dirait... des oies, lui répondis-je au moment où la porte s'ouvrait à la volée.

— Exact. Notre nouvelle alarme personnelle, me confirma Jude, un pli soucieux déparant son front. Pour qu'elles cacardent comme ça, c'est qu'un intru essai de percer nos barrières.

— Kane...

— Il y a de fortes chances en effet. Il va mettre du temps à traverser, s'il y arrive. Mais vous ne devez pas traîner là.

— On dispose de combien de temps exactement ?

— Dix minutes maximum, répondit-il en nous faisant signe de le suivre.

Mon premier instinct fut de vouloir prendre le sac de premier secours, mais vu sa taille j'y renonçai assez vite. En me détournant du lit, mon regard tomba sur le miroir posé sur le matelas. Mon regard avait repris une apparence normale, ce qui aurait dû me paraître évident vu l'absence de réaction de Jude. Pourtant, ma vision était encore altérée et je sentais toujours cette puissance inconnue faire vibrer mon être.

— Hannah, tu fais quoi ? m'interpella Jude, alors que Worth revenait vers moi. Vite, il faut se dépêcher.

Je laissai donc le matériel médical sur le lit et nous le suivîmes dans le couloir où les autres nous attendaient déjà. Christina me tendit aussitôt un sac à dos, puis un deuxième à l'inspecteur.

— Tenez, ajouta-t-elle en nous tendant des clefs. Vous allez prendre notre voiture de secours. Elle est rapide et silencieuse, vous serez loin avant qu'ils ne se rendent compte que vous êtes parti.

— Fuir, c'est bien beau, mais pour aller où ? la ramena Monroe, que j'avais pour ainsi dire oublié. Ce qui m'allait très bien ! Ce mec est un usurpateur d'identité, doublé d'un psychopathe. On devrait l'affronter et l'arrêter et non fuir comme des lâches.

— C'est vrai que cela a été une franche réussite la dernière fois ! ironisa Allistaire. Regarde-nous ! On a tous morflé et c'est à peine si on s'est frotté à ce type ! Nous ne sommes pas assez nombreux, il nous faut des renforts.

— Des renforts conventionnels ne suffiront pas, tu en es conscient Gabriel ? intervint Jude d'un ton grave.

— Qu'est-ce qu'il veut dire par là ?

Personne ne releva la question de Monroe, bien que Jude et Allistaire furent très tentés de répliquer, vu le demi-sourire narquois teinté d'agacement que je vis se dessiner sur leurs visages lorsque leurs regards se croisèrent. Ces deux-là avaient l'air de bien s'entendre !

— J'ai surtout la funeste sensation que tout cela se joue à un niveau dont nous n'avons même pas idée. Nous devons tirer tout ça au clair avant de tenter quoi que ce soit, conventionnel ou non, répondit Worth en attrapant les clefs.

Le cri des oies se faisant de plus en plus sonore, nous suivîmes tous Jude jusqu'au garage ou une grosse berline noire et racée nous attendait.

— C'est une voiture électrique ! s'exclama Allistaire en avisant le logo reconnaissable sur la calandre rutilante.

— Rapide, silencieuse, exactement ce qu'il vous faut ! lui répondit Jude avec un sourire. Le plein est fait, ajouta-t-il en débranchant la prise, avec son humour grinçant habituel malgré la tension palpable qui régnait dans la pièce.

Worth n'attendit pas et se mit tout de suite au volant, tandis que je m'installais côté passager. L'intérieur, aussi luxueux que l'extérieur, sentait bon le cuir neuf et les matériaux nobles.

— Vous avez dévaliser une banque ? ne pus-je m'empêcher de sortir à Jude lorsqu'il s'approcha de ma portière.

— C'est un cadeau de mon père. Il a l'air de penser qu'il a des choses à se faire pardonner.

Ça c'était le moins que l'on puisse dire, pensai-je sarcastiquement, en écho au petit sourire amer qui s'était dessiné sur les lèvres de Jude.

— Où comptez-vous aller ?

— Très bonne question ? commenta Monroe, qui décidemment n'en loupait pas une, en s'installant de mauvaise grâce sur la banquette arrière.

— Trouver des réponses... lorsque nous aurons mis ces deux-là en lieu sûr. J'ai entendu parler de quelqu'un qui pourrait peut-être nous expliquer ce qu'il se passe. C'est peut-être le bon moment...

Jude acquiesça sans un mot, le visage grave. Fais-moi signe lorsque vous serez en sécurité.

— Jude, Hannah, il faut partir ! nous interrompit Christina, d'un ton urgent, ses yeux verts perdus dans le vide.

Jude appuya aussitôt sur un bouton et la porte du garage commença à s'ouvrir.

— Mais... et vous ? Comment allez-vous fuir ? demanda Allistaire sincèrement inquiet.

— On va prendre la voie des airs. C'est gentil de t'inquiéter, lui répondit Jude, alors que la voiture se glissait déjà, telle une ombre, dans la nuit.

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant