Chapitre 32-1

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— Comme idée de suicide, c'est pas mal !

— Je vous conseille de cesser très vite le sarcasme, si vous ne voulez pas voir de quoi je suis capable ! gronda Gabriel depuis la banquette arrière, de laquelle il me fixait d'un regard noir, tout à fait équivoque sur ce qu'il pensait de ma suggestion.

Un souffle chaud et musqué traversa soudain l'habitacle, étranglant ma respiration et me filant la chair de poule. L'énergie brute et sauvage sentait le sous-bois, mais était surtout d'une incroyable puissance.

— Cooper, contrôlez-vous et regardez la route ! lui ordonnai-je, en me saisissant du volant pour nous éviter de foncer dans un réverbère.

Il m'obéit, braquant ses yeux transformés vers la route et commença à prendre de grandes inspirations pour se calmer. Son comportement n'était vraiment pas normal !

— Désolé, parvint-il à articuler au bout de quelques secondes, d'une voix tellement grave et grondante qu'elle devait lui écorcher la gorge. Je ne peux pas vous expliquer pourquoi mais, il serait utile de ne pas me provoquer. Trop de sang et trop de stress en trop peu de temps. L'ironie et le sarcasme sont mes manières à moi de décompresser, nous expliqua-t-il en prenant de nouveau une longue inspiration sifflante tandis que ses mains se crispaient sur le volant.

— D'accord, se contenta de lui répondre Worth d'un ton dubitatif.

— Comment va Allistaire ? demandai-je alors que mon regard tombait sur le pauvre inspecteur inerte.

— Ses sutures ont tenu, mais il est dans le coma. Les médecins m'ont dit que le fait qu'il respire seul était un signe encourageant, mais ils ne savent pas si, ni quand il se réveillera.

— Il a été blessé comment ? demanda Cooper, le médecin en lui prenant visiblement le dessus sur son problème de contrôle.

— Pendant l'attaque du commissariat. Il était à peine conscient lorsqu'il est arrivé à l'hôpital alors je n'en sais pas beaucoup plus, mais ses blessures étaient... alarmantes. Du peu que j'ai pu en voir, cela ressemblait à des coups de griffes.

Le brusque coup de frein que donna Cooper m'aurait envoyé valser à travers le pare-brise, si je n'avais pas, pour une fois, mis ma ceinture de sécurité. Ça ne m'aurait pas tué, mais cela n'aurait clairement pas arranger mon humeur !

— Non mais qu'est-ce qui vous prends ?! nous exclamâmes en simultané, tandis qu'il tournait brusquement à droite, engageant le véhicule sur un parking désert, avant de stopper brutalement.

— Il faut que je l'examine, nous dit-il d'un ton lugubre et inquiet en ouvrant sa portière.

La lumière du plafonnier frappa mes yeux hypersensibles, flinguant ma vision nocturne. Lorsque j'y vis enfin de nouveau clair, Cooper avait fait descendre Gabriel et Leah et était en train de soulever l'une des compresses immaculées, recouvrant le torse d'Allistaire.

— Merde ! l'entendis-je jurer entre ses dents, alors qu'il continuait son inspection aussi vite et professionnellement que possible.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? Ses blessures se sont réouvertes ? demanda Worth, me devançant d'une demi-seconde.

— Non, au contraire, lui répondit-il d'une voix défaite, tandis que l'odeur acre de sa peur emplissait l'habitacle malgré les portières ouvertes.

Gabriel l'écarta sans ménagement d'un geste du bras, avant de pousser une exclamation effarée.

— Comment est-ce possible ? me demanda-t-il en se déportant pour me laisser voir.

La plaie, déjà au trois-quarts cicatrisée, ne présentait plus que quelques sillons roses et légèrement boursouflés. Je retins mon souffle, abasourdie ! A moins qu'il ne nous ait menti, Allistaire n'était pas un métamorphe et pourtant ce que j'avais sous les yeux ressemblait méchamment à notre vitesse et capacité de guérison.

— Tu crois que... qu'ils auraient osé...

— ... lui transfuser du sang de métamorphes ? complétai-je à sa place. Non, pas volontairement en tout cas. Et puis, sur un humain normal, cela n'aurait pas cet effet-là ! Voir pas d'effets du tout, d'ailleurs.

— Ça marche bien sur moi.

— Mais tu n'es pas humain, Gabriel, lui rappelai-je doucement, malgré le nœud d'angoisse et d'incompréhension qui s'était formé dans ma poitrine.

Tout cela était incompréhensible, surtout que durant les quelques secondes de notre échange, l'une des traces les plus fine avait disparu, comme par magie !

— Non, ce n'est pas ça, intervint Cooper d'une voix atone en s'extirpant de la voiture. Nous devons rejoindre les miens au plus vite, marmonna-t-il tout en sortant son portable de sa poche arrière avant de s'éloigner de quelques pas.

— Il va mourir ? demanda Leah d'une toute petite voix en passant sa tête dans l'habitacle.

— On fait tout pour que ça n'arrive pas, lui répondis-je, en tentant d'adopter un ton le plus neutre possible, ajoutant même un faible sourire à ma panoplie.

Tout en essayant de rassurer Leah, je tendais l'oreille en direction de Cooper, mais aucun son ne me parvenait des ombres où il était dissimulé. Depuis les premières attaques, tout le réseau téléphonique était saturé par les appels des gens en détresse, effrayés ou cherchant à avoir des nouvelles rassurantes de leurs proches. Même les SMS ne passaient plus. Par acquis de conscience, je récupérai le mien au fond de ma poche et en consultait l'écran, désespérément vide de tous message. C'est alors que celui de Gabriel se mit à sonner. Surpris nous sursautâmes.

— Worth ! Où êtes-vous bon sang ! Vous allez bien ? Nous avons besoin de vous tout de suite ! retentit la voix grave et sonore du commissaire dès que Gabriel eut décroché.

— Nous avons été pris dans une embuscade et Han... mademoiselle Moore a été blessée. Nous venons tout juste de quitter l'hôpital.

— Elle va bien ?

—Maintenant oui, mais...

— Tant mieux, vous êtes toujours avec elle ? J'aurais bien besoin de vous deux sur ce coup !

La surprise que j'avais ressenti lorsqu'il avait pris de mes nouvelles grimpa encore d'un cran, pour aussitôt se teinter de méfiance. Sentiment que je pus ressentir en écho, dans le regard de Worth.

— Commissaire, nous avons dû nous enfuir de l'hôpital lorsque les gens l'ont reconnu. Je ne suis pas sûr que l'amener de nouveau en pleine lumière, quoi qu'il se passe, soit une bonne idée.

— Écoutez, le commissariat est un champ de ruine et beaucoup de personnes sont encore coincés à l'intérieur. Personne ne veut y retourner tant qu'un expert en métamorphes ne sera pas sur les lieux. On a besoin de vous et d'elle, ici, le plus vite possible. Je me porte moi-même garant de sa protection.

La vie était quand même ironique parfois ! pensais-je, en sentant un sourire froid étirer mes lèvres. Mon plan venait à moi sans que je n'aie rien demandé !

— On arrive, répondis-je en me penchant entre les deux sièges pour être certaine que mon interlocuteur m'entende, avant de couper la communication.

— Tu es folle ! s'emporta immédiatement Worth comme je m'y attendais.

— Autant que toi, si tu pensais y aller tout seul en me laissant sur la touche ! La discussion est close.

— Je viens avec vous.

— Ça c'est hors de question ! répondis-je aussitôt à Leah au moment où Cooper nous rejoignait.

— Personne n'ira nulle part avec lui sur la banquette arrière, affirma-t-il d'une voix autoritaire que je ne lui avais encore jamais entendu.

— Qu'est-ce que vous voulez dire ? lui demanda Worth, sa main déjà sur la crosse de son arme.

— Que lorsqu'il va se réveiller, et il va le faire soyez-en sûr, s'il n'a pas un Alpha avec lui pour l'aider à se contrôler, il va faire un massacre ! 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant