Chapitre 24-1

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En tant que métamorphe, j'avais déjà vu mon lot de cadavres, j'étais même à l'origine de nombres d'entre eux sous ma forme animale. Les lapins, mulots et autres petits mammifères devaient me considérer comme leur cauchemar personnel ! Ivy adorant s'en délecter quasiment à chaque fois qu'elle était aux commandes et, comme tout prédateur sauvage, elle ne faisait pas dans la dentelle lorsqu'elle se nourrissait. Mais là, le cadavre que j'avais sous les yeux, même s'il était bien le fait d'un métamorphe, avait été massacré pour le plaisir et les révélations que m'apportaient les blessures ainsi que les odeurs caractéristiques flottant autour du corps, faisait grimper dans le rouge ma tension artérielle.

— Sortons d'ici, il faut absolument que je te...

— Ah ! Ce très cher Gabriel Worth daigne enfin nous honorer de sa présence ! m'interrompit net la voix cassante, autoritaire et extrêmement désagréable, d'un homme grisonnant entrant dans la tente comme un bulldozer.

Dans une grimace à peine maîtrisée, Gabriel se tourna vers le nouveau venu, me faisant discrètement signe de la main de rester en retrait.

— Capitaine Bowls, lui répondit-il froidement.

— Vous êtes conscient que vous avez, au bas mot, trois heures de retard !

— Vos hommes n'ont même pas encore terminé les relevés d'indices préliminaire. En quoi le fait que je sois arrivé plus tôt aurait-il changé quelque chose ?

— Dois-je vous rappeler qu'en tant que lieutenant* de la brigade surnaturelle, vous devez être présent sur les lieux à chaque crime perpétré par l'un de ces... animaux !

La révulsion et la colère qui le traversèrent à l'entente de ces paroles, se répercutèrent en moi comme un écho. Cet homme arrogant, arriviste et imbu de lui-même le révulsait déjà, mais le fait qu'il nous traite d'animaux, lui donnait envie de lui faire ravaler sa suffisance en même temps que ses dents !

— Je suis ici, le corps est encore là, je ne vois donc pas où est le problème ? se força-t-il néanmoins à lui répondre d'un ton tout juste maitrisé en faisant quelques pas vers le corps, plus pour s'éloigner de lui que par réelle nécessité.

— Le problème c'est vous et cette fichue unité qui ne sert à rien ! Pas besoin d'un expert pour voir que cette pauvre fille a été mise en pièce par un de ses monstres ! Mais... attendez... qui est-ce et que fait-elle là ? s'exclama-t-il en m'apercevant. Vous avez osé amener une civile sur une scène de crime !

— Ce n'est pas une civile, elle m'assiste dans mon enquête en temps qu'experte.

— Vous voulez dire que... c'est une...

— Une bestiole, oui ! lui répondis-je avec mon plus beau sourire en m'avançant vers lui avant de lui tendre la main.

Je crus, durant un instant, que ses petits yeux globuleux allaient sortir de leurs orbites tandis qu'il me reluquait comme si j'étais un monstre de foire.

— Je vous rassure, je ne mords pas, je n'ai pas de dents !

— C'est inadmissible ! crachota-t-il visiblement outré qu'une chose comme moi ose lui adresser la parole. Vous êtes fini Worth, c'était l'erreur de trop ! Personne ne peut avoir cautionner ce...

— Si, moi ! intervint une nouvelle voix, venant de l'autre côté du corps. Le spectacle est terminé, reprenez le travail ! rabroua-t-il les techniciens, qui s'étaient tous arrêtés de travailler pour nous observer, en s'avançant vers nous.

— Monsieur le commissaire ! Vous étiez au courant ?

— Et vous l'auriez été également si vous preniez le temps de lire vos mails ! Vous êtes attendu sur la seconde scène de crime, je ne vous retiens pas.

La rancœur et la haine, remplacèrent vite l'humiliation dans le regard de Bolws, alors qu'il nous foudroyait une dernière fois du regard avant de sortir de la tente. Même si le nouvel arrivant avait lui aussi les tempes grisonnantes, il ne ressemblait en rien à son subalterne. Grand et athlétique, il dépassait Worth de cinq bons centimètres et avait le maintient et la posture d'un homme habitué au terrain. Son regard était franc, et ses yeux bruns amicaux lorsqu'ils riva à ceux de Worth.

— Vous savez que je vous apprécie Worth, mais je ne pourrais pas vous sauver la mise à chaque fois. Tant que les politiques vont dans notre sens, vous avez mon soutient, mais vous savez que si le vent tourne, je sauterais probablement comme un bouchon de champagne.

— ... et mon unité avec, termina Worth d'un ton lugubre. J'ai horreur de la politique !

— Et moi donc, mais il faut bien des volontaires pour s'y coller, répondit l'homme en reportant son attention sur le corps ravagé. Que pouvez-vous me dire sur ce crime, qui ne saute pas aux yeux ?

— A part que c'est probablement l'œuvre d'un métamorphe, pas grand-chose à ce stade.

— Et vous, ma chère ? Un avis plus tranché sur la question, peut-être ?

Indécise, ne sachant pas ce que je pouvais révéler ou non devant cet homme. Mon coup d'œil interrogateur à Gabriel, bien que discret, n'échappa d'ailleurs pas à son regard aiguisé.

— Vous savez, c'est grâce à moi que vous êtes là. Pas parce que c'est politiquement correct, ou que l'on m'a forcé la main, mais parce que j'estimai que c'était une bonne idée. Alors, un peu de franchise serait la bienvenue.

— Je vous remercie de votre confiance, lui répondis-je de mon ton le plus professionnel. Mais en ce qui concerne la franchise, chez moi elle va de paire avec la confiance et je ne vous connais pas assez pour vous l'accorder sur la seule foi de votre sourire.

Le rire bref qu'il lança était franc et agréable, ainsi que l'amusement sincère que je lu dans ses yeux. De premier abord cet homme me plaisait bien, mais il m'en faudrait plus que cela pour parler devant lui. L'approbation de Worth étant l'une des conditions sinéquanone.

— Pourquoi ne pas en discuter en allant sur la seconde scène de crime ? suggéra Worth, dont je percevais la tension jusque dans mes os.

— Malheureusement, j'ai bien peur qu'elle ne soit identique à celle-ci. La voir ne vous apprendra certainement pas grand-chose de plus.

— Détrompez-vous ! Il y a beaucoup plus à voir et à comprendre que ce que vous croyez ? La voir, m'aidera à confirmer ou infirmer ma théorie.

— Qui est ?

— Que ses meurtres sont tous liés mais pas de la façon que l'on croyait, lâchai-je finalement à voix basse, après que Gabriel m'ait fait un discret signe d'assentiment. Il y a plusieurs signatures olfactives distinctes sur cette pauvre fille.

— Tu veux dire que ce n'est pas K... le meurtrier au symbole ? se reprit aussitôt Worth, sa bourde n'ayant pas échapper à la perspicacité du commissaire.

— Il était là, mais ce n'est pas lui qui a tué cette pauvre fille.

— Et comment pouvez-vous en être certaine ? intervint le commissaire.

— Je le sens, lui répliquai-je, ne voulant pas trop en révéler.

Je vis que Worth commençait à comprendre où je voulais en venir. L'inquiétude se lisait sur son visage, tandis que celui du commissaire reflétait l'incompréhension et un début d'énervement devant mon refus de lui expliquer plus clairement le fond de ma pensée.

— Commissaire, je vous promets de tous vous expliquer plus tard, mais là, nous devons partir ! dit soudain Worth alors qu'il me saisissait par le poignet avant de m'entrainer derrière lui sous le regard interloqué et surpris de son chef. 

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* J'ai modifié le grade de Worth, de capitaine en lieutenant, car après quelques recherches cela cadre mieux avec les grades de la police Américaine. 


Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant