Chapitre 37-1

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Lorsque je rouvris les paupières, j'étais étroitement blottie dans les bras de Worth, ma tête reposant sur son bras et mon dos collé contre son torse. J'attendis que le regret, la honte et ma colère familière m'envahissent... mais rien ! Seulement une bienheureuse torpeur et un profond sentiment de plénitude

— ça y est, tu as commencé à cogiter ? me demanda Gabriel, la voix encore rauque de sommeil, en m'enlaçant tendrement de son bras libre.

— Tu lis dans mon esprit, maintenant ? lui demandai-je en me tournant pour lui faire face.

— Non, mais je te connais un peu trop bien ! s'esclaffa-t-il, le sourire en coin, mais le regard inquiet.

— Hmm, tu es sûr de ça ? lui demandai-je d'un ton taquin, me sentant très joueuse tout à coup. Parce que, j'ai beau chercher, pas la moindre minuscule trace de regret à l'horizon.

— Ah bon ?! C'est très étrange ça ! me répondit-il, entrant dans mon jeu maintenant que la tension en lui se dissipait. D'autres symptômes inquiétants à déplorer ?

— Voyons, hormis la sensation d'être passée sous un camion, tout me parait normal !

— Un camion, hein ?! Tu vas voir ce qu'il va te faire le camion ! rugit-il en se mettant à me chatouiller.

Nous chahutâmes en criant et en riant comme des enfants, jusqu'à finir transpirant et épuisés dans les bras l'un de l'autre, au milieu des draps emmêlés.

— Bon, je pense qu'une douche s'impose, finit par dire Gabriel en déposant un doux baiser sur mes lèvres. Tu m'accompagnes ?

— Si elle se passe comme la dernière, nous ne sommes pas près de sortir de cette chambre. Il vaudrait peut-être mieux que tu y ailles seul cette fois-ci !

— Je te promet d'être sage, me dit-il en m'attirant à lui tandis qu'il s'asseyait. En plus, tu m'as épuisé ! dit-il dans un soupir exagéré alors que nous nous levions.

— Je vois ! Pas très endurant pour ton âge dit donc ! Il va falloir travailler le cardio !

— Si c'est avec toi, ce sera avec grand plaisir, me dit-il en m'embrassant avant de m'entraîner vers la salle de bain.

Malgré nos petits jeux et quelques baisers langoureux, nous nous lavâmes sagement, prenant simplement du plaisir à être ensemble et surtout à ne pas penser à ce qui nous attendait dès que nous franchirions la porte de cette chambre.

— Tu crois qu'ils ont prévu des vêtements de rechanges ? demandai-je alors que je terminai de me démêler les cheveux, mon regard braqué sur le tas de nippes crasseuses et nauséabondes répandu à mes pieds.

— Certainement, ils avaient bien pensé aux préservatifs ! Tu as regardé dans le meuble sous le lavabo ?

Je m'accroupis pour vérifier, heureuse de pouvoir me dérober à son regard. Derrière les battants de bois, je trouvais deux piles de vêtements, parfaitement pliés et repassés, ainsi qu'un petit panier contenant des sous-vêtements. La seule chose qui manquait était les chaussures, mais heureusement les nôtres étaient encore récupérables.

— Arrête de te prendre la tête, Hannah ! A l'instant crucial, tu y aurais pensé, toi aussi.

— Arrête de lire dans mes pensées, c'est agaçant ! grinçai-je en me relevant, les bras chargés de vêtements.

— Tu es tellement transparente pas moment, même pas besoin d'un super pouvoir ! me taquina-t-il en se penchant pour se servir à son tour.

— D'ailleurs, comment as-tu qu'il y en aurait dans le tiroir ?

— Je ne le savais pas, je l'espérai.

— Cet espoir aurait-il un rapport avec Jude, par hasard ?

Il se redressa en me fixant d'un air étrange et un peu gêné, me sembla-t-il.

— Et pourquoi cette drôle de question ?

— Oh je ne sais pas ? Juste une intuition. Ah, et peut-être aussi le demi-sourire de Jude lorsqu'il nous a ouvert la porte.

— Je te promets que je n'avais rien planifié, me répondit-il d'une voix prudente tandis que son visage se fermait.

— Ce n'est pas du tout ce que je pense, m'empressai-je de le rassurer. Et même si cela avait été le cas, je ne pourrais que t'en remercier, ajoutai-je. Tu nous imagine avec des jumeaux ?!

Son air horrifié était un peu surjoué, mais néanmoins assez naturel pour me faire comprendre qu'un bébé n'était vraiment pas une idée qui l'enchantait, ce qui me soulagea grandement. C'est enfin propres et habillés que nous sortîmes de la salle de bain.

— Tu as une idée de l'heure qu'il est ?

— L'heure de manger, me répondit-il en rigolant alors que mon ventre émettait un grondement caractéristique.

Nous déverrouillâmes la porte et nous sortîmes. Dans le petit hall, tout était calme. Nous nous dirigeâmes vers l'extérieur et constatâmes que la nuit était tombée. L'air frais nous enveloppa lorsque nous atteignîmes la galerie naturelle semi-ouverte, me faisant frissonner. L'air charriait une odeur de pins, de résine et de sous-bois, très vite supplantée par de délicieux aromes de viandes grillées qui nous fit presser le pas. Arrivés en haut des escalier, nous pûmes embrasser la vue en contrebas.

Plusieurs feux de camps avaient été dressés, mais seuls deux étaient encore allumés. En nous rapprochant, je reconnu Jude et Christina assis sur des rondins, une brochette dans la main et un bambin sur les genoux. Ravie et soulagée de constater qu'ils allaient tous bien, je m'empressai de me diriger dans leur direction.

— Ah, vous voilà enfin ! s'exclama Jude en nous voyant arriver. Bien dormis, j'espère ?

Devant son petit sourire goguenard, je n'eu plus aucun doute quant à sa préméditation.

— Comme des loirs, lui répondis-je sur le même ton, en fondant sur le petit être adorable et couvert de bave, qui me tendait les bras, tout en essayant de descendre des genoux de son père.

— Il marche déjà ? demandai-je ébahie.

— Samuel, tu marches jusqu'à tata Hannah ? l'encouragea Christina, un sourire jubilatoire sur les lèvres.

Elle savait que je détestai ce surnom, et même si nous ne nous voyions pas souvent, c'était devenu un petit jeux entre nous. Je lui souris en retour et regardai le petit garçon de treize mois, courir vers moi de sa démarche gauche et chaloupée de bébé. Il couvrit sans problèmes les cinq pas qui nous séparait avant de se jeter dans mes bras. Je le couvris de gros bisous sonores, le faisant rire aux éclats. J'avais toujours adoré les enfants... chez les autres, mais l'idée d'en avoir un à moi me terrifiait. J'aimais néanmoins profiter de leur insouciance et de leur confiance encore intacte.

— Allez, petit démon, il est temps d'aller au lit ! lui dit Christina, en calant un Samuel remuant sous son bras gauche. Le droit étant déjà occupé par sa sœur jumelle, déjà endormie.

Je la regardai s'éloigner, visiblement heureuse et comblée et pour la première fois, me demandai si j'aurais un jour la chance d'être maman. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant