Chapitre 33-1

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Je vis la colère, puis le doute envahir ses yeux, avant qu'il ne détourne le regard vers la vitre obscurcie.

— Tu penses vraiment qu'elle soit évitable, à ce stade ?

— Je l'espère, fut tout ce que je parvins à murmurer.

Je n'avais jamais été du genre optimiste et je ne l'étais pas plus à cet instant. Oui l'affrontement me semblait inévitable. Mais l'affirmer haut et fort l'aurait rendu plus irrémédiable dans mon esprit et je crois, que pour une fois dans ma vie, j'avais besoin de la possibilité d'une fin heureuse. Ce constat inattendu me laissa songeuse et troublée. Depuis quand étais-je devenue aussi fleur bleue ? La réponse à ma question muette tourna justement la tête vers moi. Depuis que j'avais rencontré cet homme, je n'étais plus tout à fait la même et ce pour de nombreuses raisons, pas toutes dépendantes de ma volonté. En revanche, ses yeux et son regard magnifique et franc m'avait fasciné dès le début.

— Depuis quand es-tu si peu... pessimiste ? me demanda-t-il d'une voix lasse agrémentée d'un demi-sourire, faisant étrangement écho à mes pensées.

— Depuis que j'ai vraiment quelque chose à perdre ? marmonnai-je, l'interrogation paraissant résonner dans l'habitacle, alors que mon murmure avait été à peine perceptible.

Un grondement, faible mais parfaitement audible lui, nous parvins soudain depuis la banquette arrière tandis qu'Allistaire remuait dans son sommeil.

— Il est H.S depuis combien de temps ? nous demanda Cooper d'une voix tendue en ralentissant à l'approche d'un carrefour.

— Avec l'intervention et les médocs, c'est dur à dire...

— ... les substances chimiques classiques n'ont aucun effet sur nous. C'est le choc et la transformation qui le maintenait dans l'inconscience. Combien de temps ?

— Un peu moins de douze heures, je dirais, lui répondit Worth d'une voix à la limite de l'agressivité.

— Nous n'avons plus beaucoup de temps, s'inquiéta-t-il dans un souffle alors qu'il s'arrêtait à un feu rouge. Le commissariat, ne se trouve qu'à quelques rues d'ici, nous appris Cooper en redémarrant une poignée de secondes plus tard. Même si je persiste à penser que c'est une très mauvaise idée, voulez-vous toujours y aller ? Et si oui, pour combien de temps pensez-vous en avoir ?

La sonnerie du portable de Gabriel, choisi cet instant précis pour retentir vivement, augmentant sensiblement la tension latente présente dans le véhicule.

— Nous n'avons pas vraiment le choix, lui répondit Worth en refusant l'appel d'un geste rageur.

— On l'a toujours. C'est juste votre conscience qui vous titille et vous empêche de véritablement envisager toutes les options !

— Parce qu'elle ne vous titille pas, vous, votre conscience ? Vous venez de passer par là, vous-même, vous devriez être le premier concerné !

— Justement c'est le cas ! s'emporta Cooper, ses yeux virant au jaune et sa voix baissant de plusieurs octaves, tandis qu'il se garait brusquement le long d'un trottoir. J'essaye de réfléchir au mieux pour protéger les miens.

— C'est justement ça, la différence fondamentale entre nous, moi j'essaye de protéger tout le monde et pas seulement le camp qui m'importe, ou qui m'arrange !

— Et c'est sûrement ce qui causera votre perte ! rugit Cooper, qui d'un coup, se retrouva à genoux sur le siège conducteur, sa tête frôlant le plafond. Flic ou pas, ne croyez pas que je n'ai pas remarqué le changement de couleur de vos yeux ou l'étrange aura que vous dégagez par moment. Je ne sais pas ce que vous êtes, mais pas cent pour cent humain, ça c'est certain ! Un sorcier peut-être ? Mais peu importe ! Je ne cautionne évidemment pas ce qu'il vient de se passer cette nuit, mais si vous révélez aux humains l'existence des loup-garou, vous savez très bien ce qu'il va se passer... ils vont vouloir tous nous exterminer ! Loup-garou, métamorphes, sorciers et autres, ils ne feront pas de distinctions ! balança-t-il avant d'ouvrir violement sa portière et de bondir dans la nuit.

Leah, qui essayait de se faire la plus discrète possible depuis que nous avions reprit la route, me jeta un regard apeuré.

— Il... il va revenir ? me demanda-t-elle alors qu'elle s'efforçait de ne pas fixer Allistaire qui s'agitait de plus en plus régulièrement.

— Oui, lui affirmai-je avec un aplomb que j'étais loin de ressentir. Il avait juste besoin de se calmer et nous laisser réfléchir. Leah, je t'ai promis de veiller sur toi et je le ferais. Cooper est peut-être un peu tendu et soupe-au-lait quand il est stressé, mais il est digne de confiance.

La jeune fille acquiesça d'un signe de tête, se rencognant contre la portière, le plus loin possible d'Allistaire.

— Encore le commissaire ? demandai-je, alors que Gabriel appuyait une nouvelle fois sur la touche de refus d'appel.

— On doit y aller. Il faut les prévenir, me dit-il d'un ton suppliant, alors que son regard désolé croisait le mien.

— Je sais, mais nous ne parlerons de loup-garou que si nous y sommes obligés, lui dis-je, alors qu'une idée prenait corps dans mon esprit. J'ai peut-être trouvé une alternative... tu me fais confiance ?

— Toujours, me répondit-il d'une voix douce alors que j'ouvrais ma portière.

A l'instant où je posai mes pieds sur le bitume, Cooper apparut devant moi, sortant des ombres comme par magie. Même si je savais depuis le début qu'il était resté à proximité et n'avait pas raté une seconde de notre conversation. Les odeurs, c'est moins facile à dissimuler que les corps.

— C'est vrai, vous avez un plan ? Ou vous avez dit cela uniquement pour me rassurer et être sûr que je prenne soin de la gamine ? me demanda-t-il d'une voix suspicieuse, me confirmant qu'il n'avait pas vraiment essayé de me dissimuler sa présence.

— Je ne peux pas promettre qu'il fonctionnera mais oui, j'en ai un. Cooper, le coup du grand méchant loup, ça ne vous va pas du tout ! lui murmurai-je en souriant, tandis que je le frôlais pour rejoindre Worth qui m'attendait déjà sur le trottoir, non loin du capot de la voiture. Vous connaissez un endroit sûr où nous attendre ?

— Comme je ne parviens à joindre personne, pas certain que l'on puisse encore le qualifier de sûr. D'autant plus que c'est relativement loin. Mais je peux les emmener chez moi, sinon. C'est une cage à poule, mais ce n'est pas loin d'ici et mes voisins ne sont pas curieux.

— Ça me parait bien. Donnez-nous l'adresse et on vous rejoindra là-bas, lui dit Worth en lui tendant son portable. Mettez aussi votre numéro de téléphone. Si je vous envois un message vous disant de fuir, n'hésitez pas et faites-le !

— Les communications ne passent plus, argua avec justesse le jeune homme tandis qu'il s'exécutait malgré tout.

— Mon supérieur parvient à me joindre sans problème. Dès que nous l'aurons rejoint, je pourrais utiliser le réseau d'urgence de la police. Vous ne pourrez pas me joindre, mais moi, oui.

— Ok. Mais comment je vous préviens si nous, nous sommes forcés de bouger ?

— Laissez un mot dans votre appart, on vous retrouvera.

Cooper acquiesça et ayant rendu son téléphone à Gabriel, fit le tour de la voiture et ouvrit la portière de Leah.

— Monte devant avec moi, tu seras plus à l'aise, lui dit-il gentiment en lui tendant la main.

— Vous allez vraiment revenir, hein ? me demanda-t-elle d'une voix qui tremblait à peine, bien que la peur et la détresse dans ses yeux soient visibles.

— On te le promet, lui dit Gabriel avec beaucoup plus de conviction que ce dont j'aurais été capable à cet instant.

Alors qu'une pluie fine commençait à tomber et que nous nous hâtions en direction du commissariat, j'espérai que nous n'avions pas fait une promesse en l'air. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant