Elémental - Transfiguration Tome 1

Chapitre 13-1

*Modifié le 05.05.22*

— Ha ! lâcha-t-il laconiquement. D'autres choses que je devrais savoir ?

— Dis-lui ou je le fais, intervint Worth qui ouvrait toujours la marche avec Allistaire et n'aurait, normalement, pas dû pouvoir entendre notre conversation chuchotée.

Le regard surpris et inquiet que me lança Jude se passait de tout commentaire.

— Ses pouvoirs ou les tiens ? me demanda-t-il dans un chuchotement.

— Franchement... je ne sais pas...

— Pourquoi ces messes basses ? Il y a des choses que nous devrions savoir, nous pauvres mortels ? me coupa Monroe d'une voix hargneuse, alors que Jude faisait signe à Worth et Allistaire de s'arrêter.

— Rien qui ne vous concerne ! lui renvoya Jude d'un ton réfrigérant avant de se placer devant la porte fermant l'extrémité du couloir. Cette porte de service mène au Hall principal. D'après notre sentinelle maison, hormis des convives snobs et paniqués, la voie est libre.

— Vous voulez dire que vous vous fiez à une souris ! Comment cette bestiole pourrait-elle faire la différence entre les invités et les hommes de Frye ?

— Parce que vous vous feriez le distinguo à coup sûr ? ne pus-je m'empêcher de lui lancer.

— Cachez vos armes mais gardez-les à portée de mains malgré tout, continua-t-il en ignorant Monroe. Nous allons sortir par l'entrée principale, dans l'agitation générale ce sera plus discret et plus sûr que par l'une des sorties de secours où ils nous attendent certainement. Alors, marchez vite mais sans courir et gardez la tête baissée, surtout toi Hannah, ça doit déjà grouiller de journalistes.

Ses paroles me firent l'effet d'un électrochoc. La panique, les journalistes, cela risquait de se retourner contre nous et le traité de paix. Mon poignard toujours à la main, je réfléchissais à toute vitesse. De toute manière, je n'avais nul endroit où dissimuler une arme dans cette robe.

— Je vais le reprendre le temps que l'on traverse, me dit Jude en tendant la main. Reste près de l'un d'entre nous pour le moment.

— Elle n'en a pas besoin ! Apparemment elle sait parfaitement se défendre sans arme ! persiffla Monroe, me donnant une irrésistible envie de lui envoyer mon poing dans la figure.

— Si l'on pouvait éviter d'aggraver encore plus la situation en montrant de quoi est réellement capable un métamorphe en directe à la télévision, ce serait pas mal, non ? Alors vos remarques idiotes, gardez-les pour vous ! lui assena Jude. On la joue profil bas jusqu'à la voiture. Si quelqu'un reconnait Hannah, on se fera passer pour ses gardes du corps. Ils savent déjà qui tu es ? demanda-t-il à Worth qui acquiesça. Tu as ton insigne ?

— Non, je n'étais pas officiellement en service.

— J'ai le mien ! intervint Allistaire. Ça pourrait faire illusion, non ? demanda-t-il en le lançant à Worth.

Il le clippa à la ceinture de son pantalon, laissant sa veste retomber dessus, puis pistolet en main, s'approcha de moi et se positionna à ma droite.

— On attend quoi là ? demanda Allistaire au bout de quelques secondes.

— ça, lui répondit Jude alors que de petits bruits de pattes se faisaient entendre et qu'une petite boule blanche se laissait tomber son épaule.

Jude ouvrit légèrement sa veste en cuir où le petit rongeur se faufila sous les regards ébahis et dégoutés d'Allistaire et Monroe, puis dans la foulée il ouvrit la porte.

Lorsque nous parvînmes dans le grand hall de marbre, quelques minutes plus tard, le bruit et la pagaille qui y régnaient étaient indescriptible. Ambulanciers, journalistes, policiers et organisateurs paniqués s'y mêlaient dans un chaos à peine maîtrisé. Profitant de la pagaille, nous nous faufilâmes, slalomant entre les blessés légers, les râleurs et les opportunistes filmant tout ce qu'ils pouvaient avec leurs portables. Nous réussîmes à franchir la porte d'entrée juste avant que des policiers en uniformes n'installent un ruban symbolique empêchant momentanément toutes entrées ou sorties sans montrer patte blanche.

— C'était moins une ! me chuchota Worth alors que nous descendions les marches, jouant des coudes pour passer, sans que personne ne fasse véritablement attention à nous.

— Par ici ! nous héla Jude plusieurs mètres devant nous, nous faisant signe de contourner le bâtiment par la gauche, s'engageant dans une grande avenue bordée de place de parking.

Je pressai un peu le pas avant de me rendre compte que Worth avait du mal à me suivre, sa démarche juste heurtée au début, était à présent plus que claudicante. Son teint était blafard, ses traits tiré et sa jambe blessée tremblait.

— Appuis-toi sur moi ! lui ordonnai-je gentiment en revenant quelques pas en arrière.

— Chef, ça va aller ? lui demanda Monroe au même moment me donnant envie de lui montrer les dents et de lui dire de dégager.

— J'ai juste perdu un peu de sang, rien de grave ! Couvre nos arrières jusqu'à la voiture, lui ordonna-t-il en se contentant de s'agripper fortement à mon bras pour se soutenir.

— Rien de grave, hein ? persiflai-je à son oreille en l'entrainant à pas mesurés dans le sillage de Jude et d'Allistaire, désormais assez loin devant.

— Je n'ai pas été assez rapide pour me dégager, son couteau m'a entaillé au moment où je l'ai assommé, m'expliqua-t-il en grimaçant légèrement.

— Dès que l'on est sorti de cette galère, je t'emmène à l'hôpital.

— Mauvais plan. Je suis un flic impliqué dans un possible attentat terroriste métamorphes, ils feront des analyses de sang, c'est obligatoire.

— T'inquiète, on sait par qui passer pour éviter les problèmes, lui répondis-je nonchalamment pour ne pas qu'il perçoive l'inquiétude dans ma voix.

— Ça aurait pu être sympa de me prévenir avant, j'aurais pu en avoir besoin.

— Jude et Christina ont les mêmes infos que moi.

— Oui mais c'était de toi que j'avais besoin, me répondit-il sans prévenir, changeant subtilement de sujet.

Je ne répondis pas, embarrassée par sa réponse ambiguë. Le reste du trajet, fut heureusement court et c'est soulagée à tous les niveaux que nous arrivâmes enfin en vue du SUV de Jude. C'est en guettant anxieusement les alentours que j'aidai Worth à s'installer sur la banquette arrière pendant qu'Allistaire et Monroe nous rejoignaient, hésitant visiblement à monter dans la voiture d'un métamorphe.

— Tu as eu le temps d'enlever les sièges autos ? ricana gentiment Worth pour détendre l'atmosphère tendue, en me lançant un bref regard insondable.

— Ils sont dans le coffre, lui répondit-il sur le même ton, bien que mâtiné d'une pointe d'urgence anxieuse, sous le regard interloqué de Monroe, qui devait trouver le concept d'un Jude père de famille inconcevable.

En même temps, les cheveux mi-long style pirate et les fringues en cuir noir, n'aidait pas vraiment à se projeter, admis-je dans un petit rire intérieur. Je claquai la portière avec précaution pour ne pas faire trop de bruit et fit le tour pour monter sur le siège passager.

— Montez, vite ! leur ordonna Jude en s'installant d'un bond derrière le volant. Nous ne devons pas rester là.

— Ils ont certainement décampés depuis longtemps...

— Ce n'était pas une suggestion, mais un ordre ! coupa-t-il Monroe. Vous ne me respectez pas, soit ! Mais en ce qui concerne les métamorphes, faites-moi confiance et montez dans cette voiture...maintenant !

Allistaire fut le premier à céder, moins réticent que sa collègue qui finit quand même par se résoudre à monter à l'arrière. À peine la portière se fut elle refermée que Jude démarrait. Il roula prudemment, respectant les limitations de vitesse jusqu'à ce que nous sortions de la ville. Un silence de mort régnait dans l'habitacle alors que les arbres remplaçaient progressivement les lampadaires et que des phares apparaissaient soudain dans le rétroviseur.