Pour une fois, lorsque je demandai à Allistaire et Monroe de fermer les yeux, cette dernière obtempéra sans discuter, certainement pressée de quitter ce lieu qui, dans son esprit, se rapprochait le plus de sa conception personnelle de l'enfer. Je ne les autorisai à les rouvrir que lorsque nous fûmes à plus d'une dizaine de kilomètres de la communauté. Le soleil, bas sur l'horizon, nimbait l'habitacle de chaudes couleurs orangés dont j'aurais pu apprécier la chaleur et la beauté, si ces dernières n'avaient pas été estompées par l'horreur vers laquelle nous nous dirigions.
— Je suppose que tu n'as plus le badge provisoire que je t'avais donné ? me demanda Worth, son regard vigilant concentré sur la route.
— A ton avis ? lui répondis-je un peu sèchement. Il est resté chez moi. Tu compte te servir de ce prétexte pour me demander de rester dans la voiture ?
— Je ne suis même pas assez bête pour essayer ! me répondit-il dans un soupir tandis qu'Allistaire partait d'un petit rire nerveux depuis la banquette arrière.
— Nous n'avons pas nos badges non plus, chef. Ils sont restés dans la boîte à gant de la voiture banalisé.
— Et merde ! Si vous débarquez sur une scène de crimes sans vos badges, ni vos armes de services, vous allez vous prendre un blâme ! pesta-t-il en donnant un petit coup sur le volant. Le mieux, c'est que je vous largue au commissariat.
— Si c'est une façon subtile de se débarrasser des petits humains, c'est raté ! persifla Monroe de sa voix chargée de rancune.
— C'est juste une façon de vous éviter des emmerdes ! Je vous dépose, vous récupérez vos affaires réglementaires et vous nous rejoignez. Mais si tu préfères être consignée au bureau, ça peut s'arranger aussi !
— Eléa, t'es lourde, vraiment ! entendis-je Allistaire lui balancer d'un ton désapprobateur et déçu.
Une réplique de la colère de Worth, matérialisée par une bouffée de chaleur, m'envahit soudain par l'entremise de notre lien. Son énervement avait momentanément affaibli les barrières les barrières mentales dressées entre nous, me faisant entrapercevoir une vérité inquiétante. La douche froide avait peut-être apaisé le feu sur sa peau, mais le brasier était toujours là, présent au fond de lui, ne demandant qu'un déclencheur pour s'exprimer de nouveau.
Son regard quitta brièvement la route lorsque je posais la main sur son poignet pour éprouver la température de sa peau. Même si cette dernière était normale, l'éclat rouge qui traversa ses iris avant qu'il ne détourne le regard, me confirma mes pires craintes.
— Oui, je le sens aussi, m'avoua-t-il dans un murmure sourd, alors qu'une grimace de douleur raidissait momentanément les traits de son visage.
— Tu ne...
— On parlera de ça plus tard ! me coupa-t-il alors que nous dépassions les premiers immeubles de la ville.
Il tourna presque aussitôt à droite, nous entraînant dans les méandres et les difficultés de la circulation urbaine, alors que je rongeai mon frein. Il s'arrêta à peine quelques minutes plus tard, non loin du commissariat.
— Vous avez l'adresse ? demanda-t-il à Allistaire, au moment où il s'apprêtait à fermer la portière.
— Oui, c'est bon.
— Ne traînez pas, alors ! lui ordonna-t-il, alors qu'il redémarrait aussitôt.
— Tu as bien conscience que tu ne peux pas te pointer sur une scène de crime rempli d'humain avec des yeux rouges ! attaquai-je aussitôt, alors qu'il appuyait rageusement sur la pédale de frein, le feu devant nous semblant appuyer mes paroles de sa lueur écarlate.
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Elémental - Transfiguration Tome 1
ParanormalDans un monde en pleine mutation où les humains viennent d'apprendre l'existence de leurs cousins métamorphes, Hannah, jeune femme froide et indépendante à été choisie malgré elle pour représenter les siens lors de cette transition difficile et risq...