Chapitre 15-2

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*Modifié le 06.05.22*


Semblant être un habitué des lieux, il ouvrit la seconde porte sur la droite et s'effaça pour me laisser entrer. La pièce, fonctionnelle et confortable, comportait un lit habillé de draps ivoire et gris, orné d'une tête en bois sculpté, et flanqué de deux tables de nuits surmontées de deux lampes en verre coloré, décorés de motifs d'oiseaux pour l'une et de félins pour l'autre.

— Décoration personnalisée, commenta Worth dans un souffle alors qu'il s'avançait en claudiquant vers la chaise se trouvant devant le bureau, placé devant la fenêtre.

— Assieds-toi sur le lit plutôt. Ce sera plus facile, lui dis-je d'une voix guindée, dérangée par l'intimité de l'endroit.

Finalement, le salon m'aurait très bien convenu, me dis-je alors qu'il s'approchait en défaisant la ceinture de son pantalon. Par réflexe je me retournai, déclenchant un éclat de rire spontané, bien qu'un peu heurté, de l'intéressé.

— Pas de panique, j'ai quelque chose en-dessous ! Et puis, c'est toi qui as insisté...

Je me retournai aussitôt à l'arrêt brutal de sa phrase et surtout au sifflement de douleur qu'il venait d'émettre.

— Une égratignure, hein ! persiflai-je entre mes dents, toute mon intention focalisée sur la vilaine plaie déparant le haut de sa cuisse sur une bonne dizaine de centimètre. Assieds-toi, lui ordonnai-je, plus inquiète qu'agacée, mais ne voulant pas qu'il s'en rende compte.

J'attrapai le flacon de désinfectant et plusieurs compresses stériles et imbibai ces dernières du liquide transparent, avant de l'appliquer doucement sur la plaie. Il ne dit rien, mais je le vis se raidir et fermer les yeux lorsque le liquide mousseux entra en contact avec sa peau.

— Ces produits ne sont-ils pas censés ne pas piquer ?

— Tu n'as plus dix ans, non !

— Ce n'est pas pour ça que je suis maso, me rétorqua-t-il avec un regard noir.

— Chochotte ! plaisantai-je gentiment pour le faire sourire, tandis que j'ôtais la compresse et commençait à nettoyer le sang séché avec délicatesse.

— Je peux le faire tu sais, ça n'a rien de compliqu...

— Tais-toi et serre les dents ! répondis-je en passant à la vitesse supérieure, mon regard se perdant un peu trop souvent sur ses muscles bien galbés pour mon propre bien. Elle ne t'a pas loupé, commentai-je quelques minutes plus tard en récupérant une seringue et deux flacons.

— Tu comptes faire quoi avec ça ?

— Antibiotiques et antidouleur, pour les points de suture, précisai-je en lui désignant les récipients correspondants. Ne me dis pas que tu as peur des aiguilles ?

— Tu connais beaucoup de personnes qui en sont fan, toi ?

Je ne répondis pas, m'appliquant à doser correctement les produits.

— Je ne pensais pas qu'un jour, je regretterais les effets secondaires de notre échange malencontreux.

Je me figeai, la seringue à moitié rempli dans les mains. Était-ce un trait d'humour ou suggérait-il vraiment ce à quoi je pensais ?

— Rassure-moi, tu plaisantes ? soufflai-je, en reposant le flacon.

— Si tu me poses la question, c'est que tu penses que non !

— Après tout ce qu'il s'est passé, tu voudrais vraiment que je te fasse reboire mon sang ? Tu es malade !

La grimace qu'il fit fut bien plus éloquente que des mots.

— Je pensais plutôt à une transfusion, en fait, me répondit-il d'un ton posé, suggérant qu'il avait déjà réfléchi à la question. Je suppose que tu as tout ce qu'il te faut là-dedans, non ?

Sous le coup de la colère, j'enfonçai l'aiguille dans son bras avec un peu plus de vigueur que prévu, le faisant grimacer.

— Cet échange de sang, qui n'aurait déjà jamais dû se produire, est arrivé deux fois avec les conséquences que l'on connait et toi... tu voudrais remettre ça ?! criai-je presque, au comble de l'incompréhension.

— Hannah, ouvre les yeux ! me dit-il en me saisissant soudain par les poignets, ce mouvement brusque lui arrachant une grimace de douleur. Cette blessure est plus sérieuse qu'il n'y parait et va m'handicaper un moment, surtout avec des points de sutures. Kane va revenir. Je ne peux pas être sur la touche ou à la moitié de mes capacités.

— Qu'est-ce que tu ne me dis pas ? compris-je à l'instant où son regard plongea dans le mien, intensifiant notre étreinte et le lien invisible qui nous liait, me connectant à lui.

Une douleur sourde et insidieuse commença à se répandre dans ma cage thoracique, irradiant dans tout mon corps au moindre mouvement, comme si le corps de Worth était subitement devenu le mien. Dans un hoquet de stupeur et de douleur, je rompis le contact, le forçant à me lâcher.

— Pourquoi tu n'as rien dit ! l'accusai-je d'une voix sourde et emplie de colère alors que j'attrapais le bas de son pull et le soulevait dans le même mouvement.

— Parce que tu ne pouvais rien y faire ! Hormis t'inquiéter inutilement, me répondit-il dans un sifflement douloureux. Doucement ! Une côte cassée ça n'a rien de grave, mais ça va me pourrir la vie un moment si on ne fait rien.

Un horrible hématome bleu-noir émaillé de rouge, colonisait déjà tout le côté droit de son torse, disparaissant dans son dos. Ne voulant pas le faire bouger plus que nécessaire, je me levai et ce qui je vis m'inquiéta, renforçant mes craintes.

— C'est Kane ?

— Tu avais raison, face à un métamorphe, je ne suis pas encore assez rapide.

— Non j'avais tort, murmurai-je dans un souffle, tandis que je soulevais un peu plus le vêtement, exposant son dos à la lumière.

Sa peau naturellement hâlée était déparée par tout un réseau de cicatrices, s'entremêlant de ses épaules jusqu'à ses reins. À les voir, on aurait pu les croire anciennes, mais je savais qu'elles avaient moins d'un an. Si elles avaient cet aspect, c'était grâce ou à cause de moi, quand pour le sauver, je lui avais donner mon sang de métamorphe pour accélérer sa cicatrisation. Acte qui lui avait sauver la vie mais avait aussi renforcer le lien que je cherchai à tout prix à fuir depuis.

— Hannah, murmura-t-il doucement en faisant mine de se retourner.

— Ne bouge pas, lui ordonnai-je d'une voix voilée. C'est peut-être plus grave que ça n'en a l'air. Tu pourrais avoir un poumon perforé ou...

— Si c'était le cas, je serais déjà mort. Hannah, c'est juste une côte cassée... ou peut-être deux, d'accord ! Ça fait un mal de chien, mais ce n'est pas plus grave que cela. Ce n'est pas ça le problème et tu le sais.

— Worth, tu es humain... du moins en parti ! On...

— Je n'ai apparemment jamais été complètement humain et je ne le suis plus du tout depuis le jour où je t'ai rencontré. Hannah, ouvre les yeux bon sang ! C'est trop tard pour faire marche arrière ! Le lien est là et on ne s'en débarrassera pas. À part s'éviter ou s'ignorer, nous n'avons pas d'autres options et on a vu ce que cela a donné jusque-là !

— Il s'estompera avec le temps, si on ne le renforce pas bêtement.

— Tu y crois vraiment ? me demanda-t-il en attrapant ma main.

— Je l'espère...

— Alors pourquoi passes-tu ton temps à me sauver ?

N'ayant rien à répondre, je me contentai de le fixer, perdue dans son regard et terrifiée par ce qu'il suggérait.

— Tu sais quoi ? Je n'ai pas envie qu'il s'estompe, moi, ce fichu lien ! sortit-il soudain d'une voix rauque en m'attirant sur ses genoux, avant de s'emparer de ma bouche dans un baiser farouche et passionné. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant