Elémental - Transfiguration Tome 1

Chapitre 16-2

*Modifié le 06.05.22*

Sa question sembla flotter dans l'air durant de longues secondes, à moins que ce ne soit ma conscience qui la ressasse en boucle.

— Ce que je ressens importe peu, lui répondis-je finalement, ne voulant pas faire durer le silence, ni m'appesantir sur la question. Je n'aurais jamais dû t'entrainer là-dedans de toute façon. J'ai eu tort et...

— Stop !

L'ordre excédé claqua comme un coup de fouet dans l'atmosphère ouaté de la petite chambre.

— Non Hannah, pas cette fois. Nous sommes en relative sécurité. Pas d'urgence immédiate, ni de catastrophe imminente, alors répond à ma question, m'ordonna-t-il d'un ton alliant détermination et supplication.

— Très bien ! explosai-je à mon tour. Tu veux savoir ? Tu veux vraiment savoir ? La vérité, c'est que je n'en sais rien !

— Donc les deux fois où tu as répondu à mes baisers, c'était juste pour me faire plaisir ? Tu ne me feras pas avaler ça !

— Non, j'en avais envie et j'en ai toujours envie d'ailleurs ! lui balançai-je, ravie de la surprise qui teinta subrepticement ses yeux. Tu veux vraiment la vérité ? Et bien la voilà ! Je te désir. Tu es séduisant, intelligent, gentil et j'ai l'air de te plaire, quoi de plus naturel ? Je n'ai aucun problème avec ça.

— Bien que je sois très flatté par tous ces compliments, bizarrement, je sens poindre un mais ! ironisa-t-il d'une voix acide.

— Parce que ça te suffirait, toi ? Ce serait seulement ça, alors, s'envoyez en l'air ?

— Excuse-moi d'être aussi cru, mais si je voulais juste « m'envoyer en l'air » comme tu le dis si bien, je n'aurais aucun mal à trouver plusieurs prétendantes prêtes à se prêter à l'exercice avec plaisir.

— Monroe, persiflai-je entre mes dents avant d'avoir pu m'en empêcher.

— Mais tu es jalouse ma parole ! Alors celle-là, c'est la meilleure ! s'esclaffa-t-il. Comment peux-tu affirmer ne rien ressentir d'autre que du désir et sortir ce genre de chose ?

— Mais parce qu'il est justement là le problème ! m'écriai-je, des larmes de frustrations s'accumulant derrière mes paupières. Ce comportement, cette jalousie... tout ça, ça ne me ressemble pas !

— Et tu as peur que ce ne soit dû au lien entre nous, plutôt qu'à de réels sentiments de ta part. Je me trompe ?

— Non, mais tu nous as entendu en parler avec Jude.

— Non, je ne suis arrivé qu'à la fin. Je ne voulais pas écouter, mais... la curiosité a finalement été plus forte que mon bon sens. Crois-tu que je ne me sois pas poser la même question ? Désolée de te décevoir, mais tu n'es pas du tout mon genre de femme, d'ordinaire, me sortit-il avec un petit sourire.

— Ça je le savais. Tu as apparemment un faible pour les brunettes en perdition !

— Christina m'attirait c'est vrai, je ne m'en suis jamais caché. Ce qui me plaisait c'était sa spontanéité et ses réactions franches et sincères, rien n'est jamais calculé avec elle. Au contraire de toi... si belle, mais tellement froide et sophistiquée. Pourtant, depuis le moment où tu es apparue dans cette ruelle... il n'y a plus eu que toi.

— N'importe quoi ! Il s'est écoulé combien de temps entre le moment où l'on s'est rencontré et ma blessure ? Dix minutes tout au plus ! Et à mon réveil, j'étais sur tes genoux, l'horrible gout de ton sang, saturant mes sens.

— Tu aurais préféré que je m'abstienne ?

— On a déjà eu cette discussion et tu sais bien que ma réponse est invariablement, non. Mais tout ça pour dire que tu me baratines.

— Non, je suis loin d'être romantique ou fleur bleue, c'est juste la vérité. Et là, tu préfèrerais que je m'abstienne...ou non ? me demanda-t-il d'une voix mi-moqueuse, mi-enjôleuse en s'approchant de moi, sa bouche à quelques centimètres de la mienne.

— Je préfèrerai être certaine que ce que je ressens vient bien de moi et non d'un foutu lien magique.

— Moi aussi j'aimerai connaître toutes les conséquences possibles de ce lien, crois-le bien. Bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons que toi. Personnellement, je n'ai aucun doute sur ce que je ressens pour toi et ce n'est pas seulement du désir, je peux te le garantir.

Sur ces mots et sans attendre ma permission, il m'attira à lui et déposa un doux baiser sur mes lèvres avant de se reculer aussitôt, me laissant seule comme, abandonnée et je détestais cette sensation. Je restai là, debout comme une idiote, tandis qu'il retournait vers le lit et commençait à remettre les fournitures médicales dans le sac.

— D'accord, tu as gagné.

— Pardon ?

— Je vais te la faire cette transfusion, mais à une seule condition... ces réponses, nous allons aller les chercher tout de suite.

— Mais Hannah, et l'enquête en court ? Je ne peux pas partir et abandonner mon poste comme ça !

— Parce que tu crois que tu as le choix ? De toute manière, tu l'as déjà ton coupable, malheureusement, tu ne peux pas le prouver. Je connais quelqu'un qui pourra nous en apprendre plus sur le lien et peut-être sur Kane aussi. Nous devons comprendre ce qu'il mijote exactement si nous voulons avoir une chance de le contrer.

— Tu es sérieuse, là ?

Pour toute réponse je me saisis du tube, toujours posé sur le lit, et enfonçai le cathéter dans mon bras sans hésiter, avant de lui tendre la main dans un geste impérieux. Il hésita, visiblement surpris par ma proposition, puis se décida à me tendre son bras. Nous ne dîmes pas un mot, tout le long de l'opération, mais plus mon sang passait dans ses veines, plus je sentais le lien s'épaissir et se renforcer tandis que mes sens s'aiguisaient encore et que ma vision se modifiait. Paniquée, je stoppai aussitôt la transfusion.

— Hannah, il y a un problème ? me demanda Worth, qui paraissait déjà avoir meilleure mine.

— Tu ne sens pas ?

— Sentir quoi ?

— Le lien, il modifie mes sens. Ma vision...

— Hannah, regarde-moi ? me demanda-t-il d'une voix inquiète.

Lorsque je relevai la tête et braquait mes yeux dans les siens, il eut un mouvement de recul.

— Merde !

— Dis-moi ?

Au lieu de me réponde, il se leva et revint quelques secondes plus tard, un petit miroir dans la main. Là, devant moi, des iris voilées de blanc me renvoyaient mon regard.