Chapitre 31-1

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La chaleur monta d'un cran supplémentaire à l'instant où je pénétrai dans le couloir. N'écoutant que mon instinct qui avait prit les commandes, je m'élançai entre les murs enflammés, me servant de ma vitesse et du vent créer par ma course comme d'une barrière protectrice naturelle. Je dépassai plusieurs portes, ouvertes ou fermées, sans même prendre le temps de regarder à l'intérieur. Mes sens de métamorphes me guidaient, m'indiquant avec certitude l'endroit où je devais me rendre. Sans que je comprenne pourquoi, Ivy avait inversée nos rôles. J'étais toujours sous forme humaine, mais c'était elle qui était aux commandes et me faisait courir au milieu d'un incendie, pour aller secourir une inconnue. Chose que mon très pragmatique et logique côté humain ne m'aurait jamais laissé faire !

La chaleur, devenue quasiment insoutenable, me brûlait la gorge et m'empêchait presque de respirer lorsque je stoppai devant la chambre 507. Je l'ouvris d'un coup de pied pour ne pas risquer de me brûler les mains sur la poignée en métal et le battant alla cogner contre le mur. La pièce était étouffante et emplie de fumée mais encore exempte de flammes. La femme qui reposait sur le lit avait le regard fixe et le teint cireux des morts. Toujours mue par mes sens exacerbés, je m'agenouillai sur le lino craquelé par la chaleur et regardai sous le lit. Une jeune fille d'environ quatorze ans, recroquevillée en position fœtal et les joues striées de larmes, me fixait d'un regard terrifié. Le fait qu'elle n'ait même pas sursauté en me voyant apparaitre m'indiquait qu'elle était en état de choc, malheureusement je n'avais ni le temps, ni le loisir de la ménager.

— Vite, il faut sortir de là, le feu arrive ! lui enjoignis-je d'une voix rauque et étouffée par la serviette en lui tendant la main.

Voyant qu'elle ne réagissait pas, je lui agrippai le poignet et tentai de la tirer vers moi, mais elle me résista avec une force étonnante pour son frêle gabarit.

— Je... je ne peux la laisser, murmura-t-elle d'une voix tremblante et dévastée. Ma tante... je n'ai qu'elle, je ne peux pas l'abandonner.

— Elle est partie, lui dis-je avec autant de douceur que le contexte me le permettait. Je suis certaine qu'elle n'aurait pas voulu que tu meurs brûlée ou asphyxiée, je me trompe ?

— J'ai appelé... mais personne n'est venu... on ne peut pas la laisser là...

Je n'avais qu'une envie, la tirer de sous ce lit et la traîner de force derrière moi ! Mais mon côté Ivy fit ce que mon côté humain n'aurait jamais fait, elle se releva et jucha le corps sans vie sur son épaule avant de s'accroupir de nouveau et de me rendre partiellement les commandes.

— On l'emmène avec nous, mais il faut partir tout de suite !

Cette fois, elle n'hésita et ne tergiversa pas, saisissant la main que je lui tendais. Gênée par mon fardeau et par le manque croissant d'oxygène, le chemin inverse me sembla interminable tandis que nous avancions au travers d'un nuage de fumées grisâtre quasi impénétrable.

— Hannah !

Le cri rauque et déchirant sembla traverser le brouillard comme un rayon de soleil. Gabriel m'avait attendu ! Un sentiment fort m'étreignit, mélange de gratitude, de peur et... d'autre chose que je ne voulais pas analyser plus avant pour l'instant. Lorsque nous émergeâmes sue le palier menant à la cage d'escalier, le regard éperdu et empli de colère de Worth se riva au miens.

— Mais qu'est-ce qu'il t'a pris ?! Tu...

Il s'interrompit à la seconde où il aperçut la gamine toussante et crachotante, toujours en remorque derrière moi. Puis ses yeux dérivèrent vers le cadavre, avant de m'interroger silencieusement. D'un simple signe de tête, je lui fis comprendre que je lui expliquerai plus tard, avant de m'engouffrer dans l'escalier. A mesure que nous descendions, l'air se faisait plus respirable. Parvenus au troisième étage, nous pûmes nous débarrasser de nos serviettes bouillantes avec bonheur tout en continuant à descendre. Le rez-de-chaussée était encombré à un point tel, que nous restâmes boqués plusieurs minutes avant de pouvoir y pénétrer. J'essayai de me frayer un passage entre les patients déplacés, les blessés en état de choc et les soignants dépassés, abandonnant au bout de quelques mètres. La panique et le chaos avaient atteint un tel seuil que cela ne servait à rien de tenter de se faire entendre. Je me dirigeai donc vers l'extérieur, où un hôpital de campagne avait été installé à la hâte sur le parking, pour gérer les urgences et trier les patients.

A bout de souffle et à bout de force, j'avisai la première blouse blanche qui passait et n'ayant plus la force de crier, agrippait le praticien par la manche.

— Nous avons besoin d'aide, expliquai-je d'une voix rendue tellement rauque par la fumée qu'elle en était presque inaudible, tandis que je déposai le corps sans vie sur le sol.

— Cette personne est morte ! me répondit avec un mépris évident, l'homme qui venait de se tourner vers moi dans un mouvement d'humeur. On a vraiment autre chose à faire !

— Je parlais d'elle et de lui répliquai-je aussitôt en me décalant légèrement sur la droite pour qu'il puisse apercevoir la jeune fille et Allistaire toujours inconscient sur l'épaule de Worth.

Il leur jeta un bref coup d'œil de bas en haut, avant que son regard ne me balaye puis se fixe sur moi, une lueur désagréable traversant ses iris sombres.

— Vous, vous ne seriez pas cette fille ? Vous êtes une métamorphe ?! C'est à cause de vous que tout cela est arrivé ! se mit-il à crier alors que des regards hostiles commençaient à se braquer sur nous.

Gabriel m'avait saisi le poignet et déjà entraîné derrière lui, au moment où les cris de l'homme se transformaient en harangue assassine. Malgré mon épuisement et mes blessures, je me mis à courir derrière Worth, le suivant sans réfléchir. Il essayait de nous éloigner des humains traumatisés et en colère, mais je compris très vite à son louvoiement maladroit, qu'il ne tiendrait plus très longtemps. Au bout de quelques mètres, il dû s'arrêter et se laissa tomber, plus qu'il ne s'assit, derrière une camionnette assez basse pour nous dissimuler momentanément. Ce n'est qu'à l'instinct où je m'appuyai contre la carrosserie glacée que je m'aperçu de la présence de la gamine.

— Ne reste pas là, lui dis-je. Retourne auprès des médecins, ils prendront soin de toi.

Elle ne répondit pas et au lieu de m'obéir, se rapprocha avant de s'assoir à côté de moi.

— Tu ne peux pas rester avec nous, ce n'est pas sûr...

— Ils ne voudront pas de moi, je suis comme toi, murmura-t-elle en se laissant aller contre moi.

Elle tremblait comme une feuille et instinctivement, je passais mon bras autour de ses épaules pour la réchauffer.

— Tu veux dire que... tu es une métamorphe ? lui demandai-je en essayant de ne pas laisser transparaître la surprise que je ressentais.

— Oui, enfin... je vais le devenir. Je n'avais que ma tante, c'était elle qui devait me guider, me...

Elle s'interrompit brusquement avant d'éclater en sanglot. De longs sanglots déchirants et silencieux. Pendant de longues minutes, nous nous tûmes, la laissant évacuer tout le chagrin, le stress et la peur qu'une jeune fille de son âge n'aurait jamais dû éprouver.

— Que s'est-il passé ? lui demanda avec douceur Gabriel d'une voix toujours essoufflée.

Il était avachi contre le véhicule, la tête d'Allistaire sur les genoux et ne paraissait pas en état de pouvoir se relever avant un bon moment. Pour l'instant tout était relativement calme, mais un sombre pressentiment me disait que cela ne durerait pas.

— Nous étions dans le métro quand... quand un homme... des griffes lui sont sorties des mains et il s'est mis à attaquer tout le monde sans raison. Ma tante, s'est interposée et... Pourquoi a-t-il fait ça ? fini-t-elle par me demander, son regard perdu et plein de larmes fixé sur moi.

— Je ne sais pas, mentis-je, trop exténuée et accablée pour expliquer.

Je m'apprêtais à lui redire d'aller trouver les médecins, même si le fait qu'elle soit une métamorphe compliquait les choses. S'ils découvraient ce qu'elle était, que ferait-il ? Dans le climat de suspicions et de terreur qui régnait, tout pouvait arriver et nous ne pouvions pas prendre le risque. C'est alors que je cherchai une solution pour nous sortir de là, que les premiers cris retentirent.

— Ils ne réfléchissent plus normalement, il faut partir d'ici ! dit Worth en tentant de se lever mais le poids d'Allistaire, le retint au sol, il était trop épuisé pour le porter.

— Laisse, je vais m'en charger.

— Tu n'es pas plus en forme que moi, me dit-il, devant s'agripper à la portière pour pouvoir se redresser. Part devant...

Un véhicule s'arrêta brusquement à notre hauteur dans un crissement de pneus, nous mettant instantanément sur la défensive. Puis la portière s'ouvrit et Cooper en jaillit.

— Vite grimpez, ils arrivent ! 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant