Elémental - Transfiguration Tome 1

Chapitre 25-2

Étrangement, la foudre (ou plutôt une horde de métamorphes hostiles), ne s'abattit pas sur nous à la seconde où nos pieds foulèrent la terre battue du terrain vague. Nous parvînmes même à atteindre la blessée sans encombre. Worth s'agenouilla aussitôt près d'elle, lui murmurant des paroles réconfortantes pendant qu'il tentait d'évaluer les dégâts. Son corps disparaissait sous un amas de cagettes et de débris en tout genre, comme si on l'avait projeté assez fort pour qu'elle disparaisse à l'intérieur du tas de déchets. Ce qui était certainement le cas d'ailleurs !

— Viens m'aider ! m'appela Worth dans un murmure pressant alors qu'il s'acharnait déjà à la dégager.

Trop consciente que ce calme et ce répit n'était pas normal, j'hésitai. Mes poils se hérissaient sur mes bras et dans ma nuque, comme si une myriade d'yeux étaient braqués sur moi, attendant le plus infime mouvement de ma part pour attaquer. Je savais qu'ils nous observaient, attendant certainement que nous nous enfoncions plus avant entre les murs décrépits, ou que le corps inerte de la blessée nous prive de tous nos reflexes et moyens de riposter. Un regard désespéré de Worth me força enfin à bouger. Que nous lui venions en aide ou non, le piège s'était déjà refermé sur nous, autant aller jusqu'au bout !

— Maintient sa tête pendant que je la dégage, m'ordonna-t-il à la seconde où je les rejoignis.

J'obéis sans discuter, m'agenouillant au sol près d'elle. C'est en déposant avec délicatesse mes mains autour de sa tête que je remarquai l'uniforme bleu caractéristique, elle était flic. Worth devait la connaître compris-je lorsque ses yeux hantés croisèrent les miens, tandis qu'il lançait des débris au loin sans aucun souci de discrétion. Au bout d'un temps qui me parut interminable, nous pûmes enfin accéder à son corps et ce que je vis ne me plu pas. De grandes balafres sanguinolentes déparaient ses flancs. Elle avait bien été projetée mais par un métamorphes semi-transformé. Et vu la taille des estafilades, on n'avait pas à faire à un chaton !

— Et merde ! C'est ce que je crois ? me demanda Gabriel lorsque son regard tomba sur le corps mutilé de sa collègue. Pourquoi ne nous sont-ils pas encore tombés dessus ?

— Ils attendent que nous nous encombrions de son corps. Là, nous serons totalement impuissants, lui répondis-je d'un ton sinistre, n'aimant pas du tout ce que ce dernier suggérait.

— Tu penses qu'on devrait la laisser là ?

— ça ne me plait pas plus qu'à toi, mais... ils ne s'y attendront pas.

— Tu la laisserais crever ici, sans aucun remords ?

Ce que je vis dans ses yeux me fit plus mal encore que ses paroles. Mais entre sa vie et celle d'une inconnue, mon choix était vite fait, même si cela me faisait passer pour une garce sans cœur.

— Tu sais bien que ce n'est pas ça ! tentai-je de me justifier en me redressant pour examiner ses blessures.

Si j'estimais qu'elles étaient trop grave pour qu'elle est la moindre chance de survie à moyen terme, je n'hésiterai pas à l'abandonner. Ça me ferait mal au cœur et j'en ferai certainement des cauchemars durant longtemps, mais je le ferai sans remord. En revanche, si ce n'était pas le cas...

— Elle peut s'en sortir ? me demanda Worth d'une voix inquiète et un peu plus froide et détachée me sembla-t-il, à moins que ce ne soit que le stress et mon imagination.

Durant une seconde je faillis mentir mais me repris aussitôt. Si nous survivions et qu'il s'apercevait de mon mensonge, il ne me le pardonnerait jamais. J'étais tombée amoureuse d'un boy-scout, je devais faire avec, en espérant que ça ne nous tues pas tous les deux. Je ne sais pas ce qui me surpris le plus ? La prise de conscience ou l'acceptation tranquille qu'il était déjà trop tard pour revenir en arrière !