Chapitre 29-2

1.8K 288 48
                                    


Malgré les visages hostiles et fermés, exprimant différents degrés de peur et de haine, la foule commença à s'écarter devant nous. Approximativement parvenus à mi-chemin, Worth s'arrêta et nous décala pour laisser passer les brancardiers. Il en laissa passer trois, son regard rivé sur le quatrième auquel il emboîta le pas, dès que ses porteurs nous dépassèrent.

— Qui est-ce ? lui murmurai-je à l'oreille, déjà persuadée que la réponse n'allait pas me plaire.

— Allistaire, me répondit-il d'un ton dévasté, luttant visiblement pour ne pas s'écrouler alors que nous n'étions pas encore totalement sortis d'affaire.

Le vif pincement au cœur que je ressentis m'étonna, et l'inquiétude qui enfla soudain en moi, encore davantage. Je n'étais du genre à me faire du souci pour des gens que je ne connaissais à peine d'ordinaire ! Pourtant l'angoisse était bien présente et réelle au creux de mon ventre.

— Et Monroe ?

— Je ne sais pas. Je n'ai pas réussi à obtenir d'infos. J'espère qu'Allistaire pourra m'en dire plus... s'il se réveil.

Le ton qu'il employa, me fit comprendre que cette possibilité semblait plus qu'improbable, signe que l'état du jeune policier était très préoccupant, voir critique. La tristesse m'envahit, presque aussitôt supplanter par la colère et la rage. Si Kane s'était trouvé devant moi à cet instant, je crois que j'aurais été capable de l'abattre à bout portant sans aucun problème, ni remord. Ce brusque accès de rage, m'avait redonné un peu d'énergie et c'est presque sans soutient que j'atteignis les doubles portes vitrés. Nous allions les franchir lorsque la voix agressive et désagréable du meneur s'éleva derrière nous.

— Alors vous allez vous laisser faire, comme ça ! Une petite menace et c'est fini ! Qui vous dit que ces deux là ne sont pas avec eux ? Qu'ils ne vont pas faire sauter l'hôpital, ou...

Cette fois-ci, c'était trop, j'avais ma dose ! me dis-je en sentant les muscles de Worth se raidirent sous mes doigts. Mue par mon caractère, ma colère et mon instinct, je me retournai brutalement, prête à envoyer mon poing dans la figure de ce Shaft, histoire de le faire taire pour de bon.

— Non Hannah, me dit doucement Gabriel en stoppant mon geste d'une poigne de fer. Ça ne ferait qu'aggraver la situation et c'est exactement ce qu'il cherche ! ajouta-t-il en me désignant les différents téléphones portables braqués sur nous, d'un discret signe de tête.

Je retins mon geste, in-extremis mais au même moment, l'un des ambulanciers toujours bloqués à l'extérieur perdit son calme à son tour et envoya Shaft sur le cul, d'un direct en pleine mâchoire. Dès que le premier coup fut porté, la violence se déchaina et Worth se dépêcha de m'entrainer à l'abri à l'intérieur de l'hôpital.

— Il a eut ce qu'il voulait finalement, dis-je d'un ton lugubre, alors que Gabriel m'entraînait à travers le hall bondé, suivant les brancardiers.

— Non, celui qui l'a frappé est humain, à moins de mentir, ce qui sera compliqué vu le nombre de témoin, ça jouera plutôt en notre faveur qu'à la sienne.

— Tu ne compte pas aller les aider ?

— Pas la peine, me répondit-il alors que trois membres du service de sécurité de l'hôpital, tazer et matraques en mains, nous croisaient en courant.

Malgré l'épuisement que je pouvais percevoir dans son aura, c'est avec assurance qu'il poussa la porte des urgences, brandissant son badge d'inspecteur. Une infirmière tenta de nous refouler, mais un seul regard de Worth, ainsi que les cinq médecins qui la harcelaient de demandes et d'urgences en tout genre, la persuadèrent bien vite de renoncer. Il y avait plus urgent et important que de nous empêcher d'entrer. Nous parcourûmes quelques mètres supplémentaires de couloirs blancs et aseptisés, avant d'être finalement refoulés aux portes du bloc opératoire et dirigés vers une salle d'attente bondée.

Il n'avait beau pas faire très chaud en cette nuit de printemps, la pièce peinte en un doux dégradé de bleu, certainement sensé être apaisant, était surchauffé et étouffante. Tous les sièges disponibles étaient occupés, ainsi que le moindre carré de sol disponible, et il y régnait une atmosphère paralysante de peur, de douleur et de tristesse. Tous ces gens dont les visages reflétaient presque tous les degrés de désespoirs, attendaient des nouvelles de leurs proches.

Pour la première fois de ma vie, je me sentis honteuse d'être une métamorphes. Pas à cause de ma différence, mais parce qu'une partie des miens était responsable de ce chaos et de cette détresse. Parcouru d'un frisson désagréable, j'enfouis mon visage dans l'épaule de Worth. D'une part pour me réconforter et d'autres part, pour ne pas être reconnu. Je commençai presque à comprendre la réaction de toutes ces personnes sur le parking, presque...

Worth me serrant contre lui, rebroussa aussitôt chemin et nous nous assîmes dans le couloir, dos au mur blanc et frais. Le ballet du personnel et des brancards qui nous frôlaient les chevilles était presque incessant, mais comme personne ne nous demanda de déguerpir, nous restâmes là où nous nous trouvions.

— Pourquoi n'es-tu pas dans un lit ? me demanda Gabriel au bout de quelques minutes.

— Tu n'y es pas non plus ! lui rétorquai-je sans réfléchir, regrettant mes paroles à la seconde où elles quittèrent ma bouche.

Le sourire qui étira ses lèvres, chassa momentanément la fatigue et l'inquiétude de ses traits.

— Moi je ne suis pas blessé, contrairement à toi. A moins que tu ne suggères autre chose ?

J'étais sur le point de réagir au quart de tour, quand le ridicule de notre échange me submergea, me faisant éclater de rire. Ce dernier se coinça bien vite dans ma gorge cependant, lorsque les soubresauts m'envoyèrent des éclats de douleurs dans tout le corps.

— Hannah, pourquoi tu saignes toujours ? me demanda-t-il d'une voix inquiète en se penchant au-dessus de moi, pour examiner le bandage de mon épaule, à présent teinté de rouge. Tu as pris le temps de récupéré ?

— Oui, mentis-je, bien consciente qu'il ne me croirait pas une seconde. Mais le confort de la table d'examen laissait clairement à désirer, alors...

— Tu devrais récupérer plus vite...

Mes lèvres se posèrent sur les siennes, le faisant taire d'un baiser que je n'avais aucunement prémédité. J'avais agi sans réfléchir et me demandait encore comment on en était arrivé à se rouler une pelle au milieu d'un couloir des urgences, en pleine crise majeure, lorsque des baskets fatigués et le bas d'une blouse blanche envahit notre champ de vision, nous interrompant plus efficacement qu'une gifle. 

Elémental - Transfiguration Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant