35. Démons

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J'eu un léger mouvement de recul, et cherchai instinctevement du regard l'aide de Tobin. Mais lui aussi prit cette expression désolé, comme si il avait à faire à quelqu'un de malade. Comme si j'étais malade.
-Oui, Carl, répétai-je en secouant le talki walky. J'essayai de garder une certaine fermeté dans ma voix mais j'étais de moins en moins sûre de moi.
-On devrait aller se reposer, tout ça te monte à la tête, me dit Camille d'un ton apaisant. Elle posa une main sur l'appareil, et après que j'eu desseré mes doigts de celui-ci, elle le prit dans ses mains.
-Non.. soufflai-je. On continue.
Tobin m'adressa un sourire rassurant et la terre sembla tourner à une vitesse folle.

Je ne suis pas folle.

Il m'aida à me relever et je mis quelques secondes à me reprendre mon équilibre. J'étais certaine d'avoir entendu sa voix, mais j'étais seule contre tous. Personne n'avait apparement ma version. Il y eu un long silence des plus pesant, au bout du quel je me sentis obligé d'affirmer :
-Je vais bien, ça va.

Mes deux camarades hochèrent la tête d'un commun accord et Tobin déclara :
-Alors on y va.

Je me retournai une dernière fois vers tous ces corps sans vie, voulant me prouver à moi même qu'aucun membre du groupe n'y étais. Je relevai ensuite brièvement la tête vers Tobin, qui s'assurait aussi que Camille soit ok. Je les rejoignis en silence et nous reprîmes notre chemin, une pincée d'espoir au fond de nos coeurs.

Les fleurs se balançaient au rythme du vent, les feuilles crissaient sous nos pas.
L'odeur naturelle du début d'hiver s'installait doucement, le soleil était déjà descendu plus bas dans le ciel.
Il devait être aux alentours de 17h30.
Notre but était cependant totalement brumeux : nous n'avions plus aucune piste pour les retrouver. Au début, quelques tâches de sang nous avait donné l'indication d'un potentiel chemin, puis celles-ci s'étaient subitement arrêtées.
Je soupirai en relevant le col de mon sweat, bravant ainsi une nouvelle bourasque de vent. Celui que Carl m'avait offert lorsque nous étions arrivés ici. Lorsque nous pensions enfin recommencer sur de nouvelles bases. Mais tout celà n'était en realité qu'une belle surpercherie enfouie derrière un trop plein d'espoir.

Le souffle de Camille était devenu plus régulier, elle semblait retrouver peu à peu des esprits. Je la voyais jeter régulièrement des coups d'oeil vers moi, comme pour s'assurer que je ne sois pas prise par un nouveau tour de folie.
J'écrasai plus fortement le sol sous mes pieds, comme pour montrer mon mécontantement. Un morceau de bois sur mon chemin eu raison de moi et je shootai dedans d'un mouvement de pied.
Tobin s'arrêta soudain, prenant appuit sur sa jambe droite, sa main gauche le long de son corps tenant toujours son couteau :

-On va faire une pause, on ne les retrouvera pas comme ça, dit-il dans un souffle.
-On ne pourrait pas essayer de les joindre ? Demanda Camille qui s'était elle aussi arrêtée.
-Ce serait trop risqué. Si ils ont encore la horde à leur trousse et qu'ils se cachent, celà pourrait être très dangereux pour eux. On va devoir les retrouver par nous même.

Je soufflai un coup et observer les alentours pour confirmer les convictions de Tobin : on devra attendre avant de les retrouver.
-De plus, si ils sont à nouveau en sécurité, ils nous feront directement signe.
J'aquescai d'un hochement de tête et Tobin vint à ma hauteur pour poser sa main sur mon épaule.
-On va les retrouver j'en suis sûre.
J'approuvai une fois de plus l'esprit dans le vague.

L'appel de Carl m'avait semblé si réel, j'en étais encore troublée. Entendre sa voix au bout du fil était comme la délivrance des giffres qui lacéraient incessamment ma poitrine, les démons qui accompagnaient mes nuits s'étaient décidés à partir. Mais la réalité est toujours plus compliquée et je ressentais de nouveau leur souffle chaud tout près de moi, leurs murmures que j'avais tant combattu pour ignorer susuraient à mon oreille que non, rien n'était jamais terminé.

Ne perd pas la tête.

D'après les informations de Tobin, nous étions à présent dans la zone industrielle de la ville. En effet avant l'apocalypse, une partie de la forêt avait été utilisée pour y construire plusieurs petites usines, ce qui avait mené à un débat entre protecteurs de la nature et industriels. Cependant les ouvriers l'avaient emporté et on savait désormais que deux usines affectées à la fabrication de papiers étaient désormais implantées dans cette immense forêt.
Nous avions marché toujours en direction du Nord depuis la ville, Tobin était donc quasiment certain qu'en prenant vers l'Est nous y serions dans moins d'un quart d'heure. Et il était possible que Rick ayant les mêmes informations ait decidé d'en faire de même.

Sans surprise, nous finîmes par apercevoir entre les feuillages une imposante structure en féraille brut, que la rouille avait commencée à grignoter sur les façades les plus humides. L'endroit semblait aussi calme que la ville, à l'exception d'un rôdeur qui suivait son chemin sans réelle destination.
Je m'écartai des arbres qui nous cachaient et me dirigeai directement vers lui. Je ne m'inquiétai pas du bruit que j'engendrais en écrasant les feuilles mortes sur mon passage ; le rôdeur se retourna et poussa un cri de monstre affamé. Ce rôdeur boîtait et une flèche transpersait la partie droite de son crâne, n'ayant pas réussit à l'abattre. Je plaçai mon couteau sans grande conviction devant son crâne et il y plongea la tête la première en voulant m'attraper. Une fois cette chose à terre, je me penchai et retirai la flèche plantée.
Je l'observais un moment, détaillant toutes ses facettes.

-Ils sont passés par là, conclut Camille en s'avançant à mes côtés.
Son regard plein d'espoir croisa le mien et je me sentis forcée de lui rendre un demi sourire. Un rictus souleva ses lèvres et elle s'avança d'un pas décidé vers l'ancienne usine.

-Camille attend ! J'acourru vers elle avant qu'elle ne puisse se poster devant le rideau de fer qui bravait l'entrée. On ne sait pas ce qu'il y a à l'intérieur, on y va ensemble.
-Ça marche.

Heureusement le système d'ouverture n'était pas électrique mais comme je le pressentais le rideau métallique se releva dans un bruit conséquent.
A mi-hauteur nous passâmes l'entrée pour plonger dans une pièce poussiéreuse. De hauts vitraux tapissaient les murs de fer, s'étendaient du sol au plafond. Les rayons de soleils orangés traversaient les gigantesques paroies de verre et illuminaient la poussière qui dansait partout dans l'air. Un large escalier en métal noir permettait d'accéder à la partie supérieuse de l'usine, où se situait de nombreuses portes fermées.
Le rez de chaussée était parsemé de multiples machines imposantes, toutes recouvertes d'une épaisse couche de suie séchée. Je fis un pas sur le sol en béton. L'endroit était autant à couper le souffle que désert.

-On va vérifier l'étage. Tobin s'avança en prononçant ces mots.

De toute évidence, l'étage était vide aussi. Il nous restait une seule porte, plus en retrait. Enclavée au fond du couloir, elle avait directement attirée mon attention.
Nous nous avançâmes tous à la suite, le couloir devant plus étroit.
Je tournai la poignée qui résista quelques instants puis céda, la porte grinçant lorsque je la poussai avec force.
Mais nous restâmes cloués sur place lorsque la porte s'ouvrit sur la grande pièce au parquet brut.

C'est pire que tout ce que j'avais pu imaginer.

▪ Fuir ne vous sauvera pas ▪ Carl GrimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant