16. Souvenirs

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Je le connaissais par coeur : je savais ses techniques de combat, sa tendance à toujours lancer ses poings trop bas, ses points forts et ses faiblesses. Et l'avantage était qu'il ne se rappelait pas des miennes.
Parmi toutes les choses que je n'avais pas du tout envie de faire, mettre Carl K.O. rentrait aisément dans mon top 3, mais si moi je ne le tuerai pas, lui oui...

Lorsque le premier coup partit, je compris alors que toutes les fois où l'on s'était entraîné à se battre, toutes les fois où il m'avait assuré être au maximum de sa force n'était pas du tout sa vrai force.
Je compris qu'il faisait semblant de se battre pour ne pas me faire de mal, car quand ce premier coup arriva dans ma machoîre, je m'écrasai au sol.

Finalement je ne savais peut-être pas vraiment comment il se battait.

J'entendis les hurlements approbateurs des hommes de Negan, je voyais flou et eu juste le temps d'entendre Negan crier : "C'est bien mon fils."
Je ne peux pas terminer comme ça, pas sur cette image.
Non.
Je roulai sur le sol pour éviter un deuxième coup et me relevai rapidement, négligeant les supplices de mon corps qui me demandaient d'arrêter.
Je ne peux pas... mais je dois.
J'essayais de me rappeler toutes les fois où l'on se jetaient mutuellement à terre, où je savais que ce n'était qu'un jeu.

-Ok, alors cette fois on va vraiment jouer, me murmurai-je.
Pardonne moi Carl...
Et le deuxième coup atterrit dans son estomac.
Il en eut le souffle coupé, je pense qu'il ne s'attendait pas à ce qu'une fille lui en envoie dans le ventre, dans les deux sens du terme.
Il ne fallait pas que je lui fasse de mal, juste que j'arrive à la maîtriser.
Je tentais une clé de bras mais il retourna l'attaque contre moi et je tombai une deuxième fois au sol.
La douleur m'assaillit comme une coup de fusil. Je gémis, la tête face contre terre.
Je ne fis plus un geste, j'avais trop mal.

Carl s'avança vers Negan un sourire fier sur le visage, mais je ne pouvais pas le laisser gagner. Quand il passa à ma hauteur, je donnai un grand coup à l'arrière de ses genoux et il tomba lui aussi à la renverse à mes côtés, essouflé. Sa tête venait de violemment heurté le sol.
Ses yeux brillèrent de lucidité pendant une seconde, il me regarda, l'air désolé.
-Carl... murmurai-je.
-Tu n'as pas fait ça, pas vrai ?...
-Fais quoi ?
-Tu n'as pas vraiment tué ma mère ?

Je le fixai d'un air dégoûté. Negan l'avait complètement manipulé, il avait joué avec ses sentiments, lui avait raconté des histoires pour gagner sa confiance.
-Je n'ai jamais fait ça, soufflai-je toujours plus doucement pour éviter d'éveiller les soupsons de Negan.
-Mais qui es-tu ?...
Ses yeux bleus transpersèrent les miens, je me mordis les lèvres.

Je devais trouver quelque chose pour qu'il se rappelle, mais je n'avais aucune idée de quoi dire...
Puis la solution me vint comme si elle avait toujours existé au fond de moi.

-J'ai peur dans ce monde, pas pour moi, mais pour les gens que j'aime, récitai-je lentement.

Flash back.
Forêt. Marche. Fatigue.
Toujours sur les routes, un mois après avoir abandonné l'idée de Washington.
-Il nous reste combien de temps ?Demandai-je à Carl.
-Apparemment une ville serait à quelques kilomètres d'ici.
-Je ne parlais pas de ça.
Une larme coula le long de ma joue.
-N'ai pas peur Sarah.
-Je n'avais plus eu peur depuis 2 ans, confiai-je, et maintenant l'angoisse noue mon ventre chaque matin, comme avant...
-Pourquoi ?
Je ne répondis pas.

Nouveau flash back.
Salon. Cheminée. Feu.
On était assis Carl et moi sur le sol, deux semaines après avoir intégré Alexandria.
-Tu n'as plus peur maintenant ? Chuchota Carl.
-Si, j'ai toujours peur, à chaque instant.
-Je me rappelle de ce que tu m'avais dit quand on vivait dehors, pourquoi tu as peur maintenant qu'on est tous ensemble ?
-Dans ce monde, je n'ai pas peur pour moi, mais pour les gens que j'aime.
Je n'ai plus peur de mourir, j'ai peur de faire du mal aux gens que j'aime en mourant. Quand je vivais seule, je n'avais plus peur pour personne, je ne pouvais pas tomber plus bas, mais maintenant j'ai de nouveau une famille à perdre.
-Et toi ? Tu penses que tu ne comptes pas ?
-Personne n'a peur de me perdre Carl.
-Si, moi.

Coups de feu. Cris de surprise.
Je revins doucement à la dure réalité.
On tourna vivement la tête vers les détonations : un groupement de rôdeur étaient venus assister au spectacle. Les règles de survie refaisaient surface, maintenant c'était chacun pour sa peau.
Debout sur mes deux pieds, je chassai mentalement ma douleur à la jambe et mon envie de vomir, et soulevai Carl par ses épaules.
-On doit y aller ! Criai-je, ma voix recouvrant les tirs en rafale.

Personne ne faisait attention à nous, même Negan qui se battait contre les monstres qui l'attaquaient.
Carl tourna la tête vers lui, sembla hésiter une demi seconde puis continua à courir à côté de moi.
On esquiva les rôdeurs, mes coups de mains et de pieds étaient désormais mes seules armes.
Lorsqu'un rôdeur se jeta sur moi, Carl le tira par le dos son tee shirt lui enfonçant son couteau dans le crâne.
On courait toujours plus vite, échappant aux rôdeurs mais surtout à Negan.
Carl avait réussi à attraper à la volée mon sac où Dwight avait remis mes armes.

On s'arrêta lorsqu'on ne pouvait plus faire un pas de plus, que l'on entendait plus que le doux chant des oiseaux et le vent soufflant à l'horizon.
-Mince, soufflai-je les mains sur les genoux, reprenant mon souffle, faut qu'on se tire, maintenant.
-Tu vas bien ?
Je levai la tête vers lui, ne le quittant pas du regard :
-Ça va.

Lui se tenait la tête d'une main, il s'était vraiment fait mal.
Le soleil commençait à se coucher, une sensation étrange me picotait. J'avais retrouvé Carl, mais ce n'était plus Carl.
Il continuait de me fixer intensément, je ne baissais à aucun moment le regard.

Puis il comprit.
Ses pupilles se dilatèrent, il respira fortement.
Il avait compris.

Le moment où les souvenirs le frappèrent s'afficha sur son visage. Il ouvrit la bouche, retenant les larmes qui brûlaient ses yeux.
-Sarah !
Je ne pus m'empêcher de pleurer, les lèvres tremblantes.
-Mais qu'est-ce que j'ai fais !! Qu'est-ce que je t'ai fait !
Si il avait pu se tuer sans fin il l'aurait fait, sa haine contre lui même le torturait à n'en plus finir, je le voyais, mais je voulais juste que ça cesse.
-Ce n'était pas toi..
-Si, c'était moi ! Pourquoi je ne t'ai pas fait confiance ? Pourquoi je l'ai écouté ? Tu as toujours été là ! Et je t'ai fait ça !!
-Calme toi...
-Ron, la horde dans Alexandria, Judith, quand je t'ai rencontré avec Gabriel..
Il énumérait tous les souvenirs qui affluaient dans son esprit, un à un.
-C'était bien réel.. lui répondis-je.
-Tu n'as jamais tué ma mère ! Ce n'est pas Michonne qui m'as fait ça ! C'est Ron ! Mon dieu... Pourquoi je t'ai fait ça ?

Je n'avais rien à dire. Je m'avançais doucement vers lui. C'était bien lui. Celui que j'avais connu avant l'accident, celui qui aidait toujours son prochain, qui aimait sa soeur, qui me connaissait.
Je passais les mains autour de sa taille et le pris dans mes bras.
Tout mon corps tremblait, je n'avais jamais ressentie une sensation d'apaisement aussi forte qu'à cet instant.
Il passa ses mains autour de mes épaules, posant sa tête au creux de celle-ci.
-Je suis tellement désolé Sarah...
-Je ne t'en veux pas, tu n'y es pour rien.
-C'est de ma faute j'ai...
-Ferme là.
Je l'entendis rire doucement. Au bout de quelques minutes, je me reculai, esquissant un sourire rassurant :
-Je crois qu'il est temps de rentrer.
-Moi aussi.

▪ Fuir ne vous sauvera pas ▪ Carl GrimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant