▪ Fuir ne vous sauvera pas ▪ Carl Grimes

36. Comme une douce mélodie

Le temps se rétracta quelques instants sous mes yeux horrifiés.

Il n'y avait plus que cette pièce, et nous.
Seulement ces photos plaquées au mur, défiant mon regard. Toutes ces corps fracassés, mutilés, déchiquettés. Toutes ces vies arrachées à la volée par des coups de battes.

Je fis un pas en arrière, l'esprit en alerte.
Toute la pièce semblait se renfermer sur elle même si bien que mon esprit ne discerner pas le danger distinctement.
Mes sens revinrent peu à peu à moi, assez pour que je puisse prendre conscience de la situation à voix haute.

-C'est un des QG du groupe de Negan, soufflai-je à voix basse, désemparée.

Des couvertures jonchaient le sol, et une forte odeur de cigarrette emplissait l'air, rendant ce spectacle d'horreur encore plus insoutenable.
Je n'arrivais pas à détacher mes yeux de cette scène, analysant chaque recoin de son atrocité.
Cette homme avait détruit notre vie. Il avait réussi à transformer ce qui était déjà un cauchemar en quelque chose de plus monstrueux encore, une abîme indéfinissable et si sombre qu'il était presque impossible d'en apercevoir la lumière pour pouvoir en sortir.

Et si notre groupe était tombé sur celui à Negan ? Si c'était la raison de leur disparition ?

Je fis un pas vers les photos. Et mon coeur s'arrêta complètement.
Au milieu de l'amas de clichés morbides était épinglée une photo donc je connaissais parfaitement la scène.
Comme fond de décor s'étalait la petite ville d'Alexandria, avec ses majesteuses maisons et ses verdoyantes plantations.
Au premier plan, le corps affaiblit d'Enzo était couché sur les graviers. Une main était portée sur sa blessure. Sur la droite, un mouvement flou obstruait la photo : je reconnus mon corps retourné et mes cheveux bruns qui avaient volé à cet instant.

Je ne savais même pas qu'on l'avait pris en photo.
Dans l'instant de terreur, je n'y avais même pas porté attention.
Je pris le polaroid et une nausée insoutenable remonta le long de ma gorge.
Ma main trembla si fort que l'on entendit le bruit du papier glacé frottant l'air. Je ravalai ma salive avant que Tobin ne pose sa main sur mon bras.

-On doit y aller, me dit-il d'un ton apaisant.
Je laissai tomber la photo au sol puis me retournai dans un dernier élan.
Je ne voulais pas rester ici un instant de plus.
Le regard de Tobin balaya le reste des images, il en conclut qu'aucune personne du groupe n'était présente dessus puisqu'il nous prit par les épaules moi et Camille pour nous entraîner vers la sortie.
Cependant son visage était crispé et il respirait bruyamment; on savait que l'on risquait gros à ce que l'on nous trouve là.

Au rez de chaussé, des éclats de voix tuèrent le silence.
Je me tournai directement vers Tobin et Camille qui me regardaient déjà.

La respiration de Tobin s'accéléra; ses yeux vacillèrent dans tous les recoins de la pièce.
Il nous fallait une issue.
Au fond de la petite pièce se tenait une fenêtre assez grande pour notre corpulence.
Sans attendre un instant de plus, on se dirigea tous vers elle, et Tobin tenta de l'ouvrir : par miracle, celà fonctionna.
Seule problème majeur : nous étions à l'étage.
Je penchai ma tête et explorai du regard les cinq mètres de vide qui s'étendaient sous nos pieds.
Je pris une grande inspiration; les voix se faisaient de plus en plus fortes, ils n'allaient pas tarder à revenir ici.
Leurs insultes sexistes faisait écho plus bas sous nos pieds, mais rien de leur conversation ne touchait notre groupe.

Je jetai un dernier coup d'oeil à Tobin qui opina rapidement de la tête.
Je reportai mon attention sur mon action et d'un mouvement contrôlé passai ma jambe par dessus le rebord de la fenêtre.
Mon coeur battut plus vite dans ma poitrine; je m'accrochai désespérement l'encadrement en fer qui entourait la fenêtre, et soufflai une dernière puis m'élançai dans le vide.