8. Flash

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Une musique de jazz battait son rythme dans l'immense salon de Deanna.
J'avais entre temps revêtu ma veste, mais je fus contrainte de l'enlever par la chaleur qui régnait dans la pièce.
On dit bonjour et Carl fut entraîné par Ron, un jeune de notre âge, accompagné de Mike.
Je regardais autour de moi : une ambiance légère et joyeuse flottait parmis les odeurs de lavande, je captais des brides de conversations :

"-C'est vrai que les pâtes fraîches se marient mieux avec les plats, j'ai hâte que quelqu'un nous rammène une machine à pâtes !
-J'espère que un dentiste va arriver en ville.. oui j'aurais vraiment besoin d'un détartrage..
-Je n'y crois pas ! Il n'est même pas venu à la réunion pour décider quelles fleurs on allait planter devant le parc, et lui qui ne faisait que en parler !
- Vous vous rendez compte, je l'ai entendu dire qu'elle n'aimait pas sa voisine..."

Je soupirai d'exaspération. Dans quel monde avions-nous atterri ?
Je balayais du regard la salle : Glenn bougeait frénétiquement son corps, fixant d'un regard espiègle Maggie qui n'arrivait plus à s'arrêter de rigoler.
Il me faisait tellement penser à...
à Hayden...

Flash.
Tout devint blanc. Je vis une ombre, légère et envoûtante : les appels du passé. Je tentais de résister mais fût absorbée.
Le soleil, l'herbe, le sol goudroné.
Hayden qui dansait, le sourire aux lèvres, sur l'air d'une musique entraînante.
Le regard joyeux de mes compagnons, le temps qui fût arrêté ces quelques secondes où nous avions pu oublier que le monde était meurtrier, où l'on avait pu juste être heureux et ne plus y penser.

L'éclats des voix me renvoyèrent face à la réalité. Je grattai le bout de mon nez, et mal à l'aise, décidai d'aller me poser quelque part.
Je m'assis à un petit banc rembouré qui était contre un mur, en face de lui une table puis un autre banc, un peu comme dans les bars d'autres fois.
Le coude sur la table, une main qui soutenait ma tête, je faisais une fois de plus tourner mon vielle élastique que j'affectionnais tant : je m'ennuyais à mourir, et ce mot là était encore trop faible.

-Bonjour !
Je relevai la tête, et deux filles qui devaient avoir un an de plus me souriaient, mais je reconnus tout de suite ce petit sourire niais qui n'exprimait en réalité qu'un manque de connaissances et de connexions mentales.
-Salut, répondis-je avec un sourire las.
Elles étaient maquillées jusqu'au bout des ongles, semblaient avoir passé leurs vies dans une salle de bain.
-Tu venais de quelle ville avant ?

Je souris à mon tour. Une autre ville ? Je crois qu'elles n'étaient même pas au courant de ce qu'il se tramait dehors, mais j'allais en avoir le coeur net.
-Oui, un peu plus haut dans le Nord. Mais ça ne bougeait pas assez alors on a déménagé ici.
-Comment avez-vous voyagez ? questionna l'autre, il paraît que les aéroports et les gares sont interdites d'accès depuis que tout a commencé ?
-On est venu en voiture, mais on nous a donné des équipements de sécurité, pour que l'on attrape pas le virus qui court dehors, il est très dangereux.
-Tant que ça ? s'exclamèrent-elles en coeur.
-Oh... on va dire que vous avez très faim une fois la maladie arrivée.
-C'est pas super pour la ligne ça !
Elles explosèrent de rire, mais un rire sans ironie ni méchanceté, juste une petite blague pour détendre l'atmosphère.

-On va allez danser un peu, tu veux venir ?
-Non ça ira merci, fis-je avec un sourire.
J'eu un rire ironique une fois qu'elles partirent sur la piste de danse. Ces gens ne savaient même pas que l'on vivaient dans un monde apocalyptique, entouré de monstres prêts à vous sautez à la gorge.

Quelqu'un s'assit de nouveau en face de moi, je pinçais mes lèvres, les petites discussions au coin du feu n'était pas mon fort.
Mais c'était Carl. Je poussai un soupir de soulagement.
-Alors, tu t'es faite de nouveaux amis ?
- Ça fait déjà très longtemps que cet élastique est mon ami, mais je m'entend plutôt bien avec ma nouvelle veste, merci.
Il rit, un sourire amusé au bout des lèvres.
-Je t'avoue que ça n'a pas été facile pour moi non plus, mais Ron est sympa. Tu devrais aller lui parler, allez !
Il frappa dans ses mains d'un air énergique, et je fus obligée de céder à ses souhaits.
Je me forçai à me lever, et lorsque je m'avançai vers le milieu de la salle, il me lança :
-L'associable qui va se sociabiliser !
Je me retournai, brandissant fièrement mon majeur devant lui, étouffant un rire. Il m'adressa un sourire confiant et je partis un peu plus légère qu'auparavent.

Ron était effectivement sympa, mais le foot et les jeux vidéos ne m'avaient jamais vraiment passionés.

Je rejoignis Carl, la seule personne capable de me comprendre : d'abord comprendre ce que l'on ressent dans ce monde, mais surtout celle qui le percevait de la même façon que moi : celle d'un adolescent.
Ensemble, nous poussions la porte d'entrée et allions rejoindre le coin que j'avais repéré depuis notre arrivé : un petit ponton qui s'étendait sur le lac.
Instinctivement, j'attrapai la main de Carl et l'entraînai sur les lates de bois qui faisaient la structure du ponton, puis terminai par m'asseoir, la main de Carl toujours dans la mienne.

Je laissais balancer mes pieds dans le vide, Carl faisant de même.
Je tremblais, la nuit était tombée depuis déjà quelques heures et même ma veste ne pouvait plus me réchauffer.
Je frictionnais rapidement mes épaules et Carl, le regard curieux, m'invita ensuite à m'adosser contre lui. Une fois installée, il mit ses bras autour de moi et me serra contre lui. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais plus apaisée. Ma respiration se faisait plus lente, la tension qui tiraillait mes épaules se détendait, et je décidai alors de me laisser aller pleinement dans ce moment de calme. Seul point qui différait : les battements de mon coeur qui, inexpliquablement, s'accéleraient.

Carl prit soudain la parole :
-Tu sais... je t'ai vu.. quand tu regardais Glenn danser.. tu avais l'air perdue.. comme si tu repensais à quelque chose... Tu veux m'en parler ?
-Je ne sais pas si....
Je n'avais jamais raconté mon passé à personne, c'était trop dur..

Un souffle chaud au coin de ma tête.
Le flux de souvenirs, d'images tournoyaient dans mon esprit, coulaient entre les failles de mes rêves, de mes espérances, de mon désespoir.
Ils brisaient la barrière de l'iréel et se répendaient autour de moi comme les rayons du soleil levants.
Et je vis très clairement la scène se déroulait devant mes yeux.

Hayden...

Août 2011
Le soleil frappait sur le campement, ses rayons tentants d'atteindre une tente, où on essayait de garder fraîche la réserve de bouteilles d'eau.
J'étais assise contre un rocher, penchée sur mon cahier d'exercice, me creusant la tête pour réussir cette multiplication, mon niveau avait bien sûr régressé depuis ces 4 mois, mais quand tout se serait arrangé je devrais pouvoir reprendre mon rythme scolaire normal, alors je m'entraînais, comme les jeunes qui vivaient au sein du campement.
L'intégration à cette nouvelle vie était difficile ; papa et maman me manquaient, Amélie, Thomas..
Où étaient-ils tous passés ? Cette question me hantait chaque jour et chaque nuit, à chaque instant.

Mais tout le monde faisait de son mieux, hormis quelques personnes qui, je le pensais, avaient été créées uniquement pour me faire vivre un enfer.
Je détestais cette Léa, sa manière insolante d'augmenter le volume de sa musique quand Hayden lui disait que celà aller attirer des rôdeurs, ou sa façon méprisante de me regarder quand Hayden vérifiait si je n'avais ni morsures ni griffures...
Elle faisait tout pour attirer son attention.
C'était simple, je l'avais découvert dès ces instants : je n'étais peut-être qu'une enfant, mais quand les gens étaient amoureux je ne loupais pas.
Elle elle l'aimait, et lui aimait Anna, sa femme.

Tout le monde était calme, Hayden et Finnick étaient assis au sol et tournaient le bouton de la petite radio pour essayer de capter un signal.
Soudain, le son de la chanson Footloose venant du film du même nom chantonna doucement son refrain.
Hayden sourit, baissa le volume et laissa la musique tourner doucement, tout en commençant à claquer des doigts.
Tout le monde sourit, et Hayden continuait à battre la musique avec tout son corps. Le petit jules le suivit, réalisant des vagues avec ses bras.
Hayden éclata de rire, se leva et l'entraîna sur la piste de danse improvisée. Une petite fille les rejoignit et tous dansèrent le sourire aux lèvres.
Léa allait pour le rejoindre mais se ravisa le froudroyant du regard quand il se leva pour tendre une main à Anna qui l'accepta en riant.
Il l'a prit tendrement dans ses bras et posa son regard amoureux sur elle, puis ils bougèrent au rythme de la musique.
Hayden...
Cette personne qui m'avait sauvée la vie, qui m'avait appris à me battre, qui avait fait de moi une personne capable de survivre dans ce monde, la personne que je considérais comme mon père...

Lac. Ponton. Alexandria.

Je me levai d'un bond, évitant le bras que Carl tendait vers moi pour me retenir, et marchai à vive allure sur le ponton avant de m'enfoncer dans les rues éclairées d'Alexandria.

▪ Fuir ne vous sauvera pas ▪ Carl GrimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant