28. I try

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Le monde autour de moi s'était arrêté.

Je n'entendis plus que mon souffle sacadé, et un sentiment de nausée remonta le long de ma gorge. J'avais très chaud, le poids des mots s'était abattu sur ma conscience avec une violence extrême et à présent ne cessaient de fuser dans mon crâne. Je voulais remonter le temps, pas de 5 minutes, mais plutôt de 5 ans. Prévenir de ce qui allait arriver, ou me battre pour l'éviter. Revenir au temps où tout était comme normal, où vivre ne représentait pas un danger.
Un contact avec ma peau me fit sursauter et me rejeta dans la réalité : Carl s'était approché de moi, le visage ébahi par ce qu'il venait d'entendre. J'aurais voulu prendre sa main, mais il me fit signe que celà était une mauvaise idée. Je me contentai de toucher légèrement son bras avec le mien et il ne bougea pas, me laissant comprendre que je pouvais rester ainsi.

Enzo baissa la tête et ferma les yeux, comme si une profonde douleur venait d'envahir son corps.
-Enzo, souffai-je, pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Il ne répondit pas à mes appels, jusqu'à ce qu'une larme roule le long de sa joue, discrète mais lourde de sentiments. Il l'essuya du revers de sa main les lèvres tremblantes, et je compris qu'il était plus animé d'une fureur noire que de regrets.
Enzo en voulait à Negan, énormément même. Sûrement pour les mêmes raisons que nous tous. Il avait dû subir les mêmes atrocités. À moins qu'il y ai participé...

-D'abord vous deux, cria Negan sur un ton fielleux, et je peux dire que vous m'en avez réellement fait baver, et maintenant toi !
Sa voix n'avait plus rien d'amusante, il était sur le point d'exploser.
Il prit sa batte et mima un renvoi de balle, très fort. Puis il recommença, encore plus fort.

La peur prit possession de moi mais je ne pouvais m'empêcher de regarder le visage pâle d'Enzo. Il n'avait plus l'air d'avoir dix-neuf ans, on aurait dit plutôt un enfant de dix ans redécouvrant ses pires cauchemars. Sa main gauche trembla un peu, sa respiration fut de nouveau plus bruyante.
Negan inspira longuement, comme pour se re-imprégner de son personnage, et sa voix se fit ainsi plus douce :

-Ah, mon petit Enzo, tu m'en auras fait des petites cachotteries. Tu me devais tout pourtant !
-Je ne te dois rien du tout, répondit Enzo sur un ton glacial qui me stupéfia.

Il n'avait toujours pas levé les yeux vers moi. Une fois de plus il fixa son rival l'expression pleine de haine.

Enzo je t'en prie, regarde moi.

Il savait que je le regardais, c'était certain : tout le monde ne regardait que lui. Mais il ne voulait pas avouer qu'il m'avait menti, ou plutôt caché une part de la vérité.

Je ne t'en veux pas Enzo, s'il te plaît regarde moi, je veux que tu le saches.

-Ah ! Vous vous demandez tous sûrement, mais qu'a fait ce jeune homme pour être auparavant dans mes troupes ? S'écria Negan face à la foule silencieuse.

Non, je n'ai pas envie de le savoir.

-Étant donné que je suis quelqu'un d'honnête, je vais vous le dire, et la réponse est : rien. Rien !
Ce môme avait déjà dix-huit ans, il avait un coup de hache fascinant.

Dix-huit ans. Donc j'en avais quinze. L'année où j'ai rencontré le groupe. Enzo aurait pu nous trouver aussi, mais il est tombé sur Negan. Manque de chance ou coup du destin, les deux peuvent être très cruel.

-Je l'ai récupéré un soir, alors qu'il pillait une maison déjà vide. Évidemment il ne s'est pas laissé faire, mais quand il a vu notre petit groupe, il a bien été tenté.
Tout se passait bien au début; il faisait ce qu'on lui demandait, il se tenait à carreau : un parfait petit soldat. Et puis est venu ce jour, où un de mes gars s'est mal comporté. Je lui ai demandé de le tuer pour moi, ce qu'il a immédiatement refusé. Comme je n'avais plus trop d'idée, j'ai balancé le fautif au feu; vivant bien sûr, sinon à quoi sert la leçon. Et le môme a fait la gueule, mais vraiment beaucoup. Il en a même vomi dans mon atelier. J'aurais dû m'en douter que c'était une mauviette. Le matin même il était parti, et il m'avait même piqué des réserves !

Je restais stupéfaite face à cette révélation.

Enzo tu n'as rien fait, ne t'en veux pas.
S'il te plaît.

Il se tourna une nouvelle fois vers Enzo :
-Je t'avais offert mon hospitalité, je t'avais offert un toit, de la nourriture, et tu es parti sans même me remercier, et en me volant en plus !?

Je vis mon ami frissonner à ce souvenir. Mon dieu, c'était lui, le chef sympathique qui avait pêté les plombs ?

Le regard déjà glacial de Negan s'assombrit soudain. Une vague de mystère enveloppa son personnage. Il marcha face à nous, dans la plus droite des postures. Puis il s'inclina légèrement, sa batte de baseball derrière son dos :

-Alors ceci paraît évident : quelqu'un d'entre vous va mourir. Car trois personnes qui essaye de se foutre de moi, ça paye. Croyez-moi ça paye toujours. Vous pensiez pouvoir me faire croire votre mort, et vivre tranquillement dans vos petites maisons, sans vous soucier de moi ? Il exagéra chaque mot comme pour bien faire comprendre que l'on ne s'en sortirait pas ainsi.
-Et bien non, ça ne marche pas comme ça, pas du tout, reprit-il sur un ton sérieux.
Et je vais.... commencer par quelqu'un dès maintenant.

Le silence se fit dans la petite ville aux airs pourtant si paisible.
J'étais tout d'un coup seule avec ma conscience, seule avec mes choix.
Et la décision que je venais de prendre n'était pas la plus facile.

Je levai les yeux vers la tour de garde, me remémorant le sentiment qui m'avait envahi lorsque quelques minutes plus tôt, je pensais être en mesure de pouvoir contrôler le monde. C'est là que j'aurais voulu mourir. Làbas, en observant le levé du soleil, le changement des saisons et le trajet des nuages dans le ciel.

Comme robotisée, je plaçai un pied devant moi, lentement, élargissant la distance entre Carl et moi, qui m'interrogea dans un souffle :
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Je suis désolée Carl.

Et je fis un pas de plus vers Negan, qui avait reporté son regard sur moi.
-Je crois qu'on a une gagnante !
À sa hauteur, ma tête opina lentement, comme une promesse que je me fis à moi même.
Tout ira mieux après.
Je crus entendre Carl hurler, mais j'étais si détachée de la scène que sa voix me parvint très faible, comme murmurée au delà des arbres.

Enzo et Carl coururent derrière moi, je crus distinguer quelques "non" "ne fais pas ça" "ça devrait être moi". Les deux parlaient mais il m'était impossible de dicerner leurs voix.
Je ne laisserai plus quelqu'un mourir à ma place.
C'est à moi de payer cette fois.
-Vas-y, soufflai-je en serrant les poings.

Il pointa son pistolet sur ma tête, droit sur mon front. Le canon froid touchait ma peau.
Il était tant désormais.
Je vis un instant le visage de Carl éclairer mes pensées, puis le doux rire de ma mère flotta au milieu du cahos, s'entremêla avec la voix assuré de mon frère, qui jaillissait lors de nos nombreux débats animés, le soir pendant le dîner, puis mourut en silence avec les dernières paroles d'Hayden : "Je vous rejoins".

Non, cette fois c'est moi qui vient.

Je sortis de mon état semi conscient, et je fus soudainement certaine que c'était la bonne solution.
Je n'avais plus peur à présent.
Un rictus fendit les lèvres de Negan, le sadisme soulignant ses traits et empourprant son visage.
Il s'approcha d'avantage de moi, puis enclencha son arme. Il me regarda un sourire en coin :

-Désolé, mais ce n'est pas toi qui choisi ma grande.
Il déporta son canon à ma droite et le coup parti.

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▪ Fuir ne vous sauvera pas ▪ Carl GrimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant