10. Run

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Courir.
La première chose qui nous a tous frappée en plein coeur lorsqu'on prit conscience de la situation.
Courir. Avertir tout le monde et se mettre en sécurité.

Il y avait des morts partout, et sûrement de nombreux vivants qui allaient le devenir.
Et pourtant je n'arrivais pas à faire un geste. Je serrais les manches trop longues de ma veste, la bouche ouverte, mais ne prononçant pas un mot.
J'entendais des bruits, des voix, qui me parvenaient aux oreilles comme si j'étais sous l'eau.

-Sa.... rah !!! On ... y aller !!
SARAAHH !!
Je sortis de ma stupeur, Carl me secouant désespérement par les épaules.
-Allez, il faut y aller ok ? On va essayer d'atteindre une maison, d'accord ?
Il avait passé ses mains derrière ma nuque et avait posé ses pouces sur mes joues, à l'extrémité de mes oreilles. Il essayait tant bien que mal de me résonner :
-Quoiqu'il arrive, on reste ensemble, ok ?
-Oui, souffai-je doucement.

Pendant deux ans j'avais pourtant été confrontée seule à ce monde, j'avais déjà dû faire face à de nombreuses hordes qui pouvait atteindre un compte phénoménal, mais l'enjeu aujourd'hui n'était plus le même : j'avais de nouveau des gens à perdre, une nouvelle vie à détruire.
Je n'avais pas peur pour moi, mais j'avais peur pour eux.

Mais dans cet état tu ne pourras jamais les sauver.

Je sautillais quelques secondes sur place pour relancer mon énergie.

Plus le temps d'avoir peur.

Carl et moi courions jusqu'à notre maison ; elle n'était pas la plus proche mais sur Judith se trouvait à l'intérieur, nous devions donc nous y rendre avant tout.
Sur notre route Ron nous avait rejoint, ainsi que plusieurs habitants de la ville que je ne connaissais pas, dont Madame machine à pâtes fraîches.
Ils étaient tous effrayés, mais pas de la même façon que Carl et moi, plutôt de la même façon que le jour où nous avions été jeté dans ce monde de fou.
C'était la première fois qu'ils prenaient conscience que le monde n'était plus ce qu'il était. Sauf que c'était actuellement le pire moment pour s'en rendre compte.

Arrivés à la maison, on se barricadait tous à l'intérieur.
On tentait tant bien que mal de calmer l'angoisse et la peur qui paralysaient tous les visages.
Carl se détacha du groupe, prenant une voix qui se voulait forte et imposante. Il me fit beaucoup penser à son père à cet instant :

-Vous n'avez rien à craindre, vous êtes avec nous. On va vous expliquer ce qu'il ne faut surtout pas faire, et dès lors où vous accepterez celà, tout se passera bien, il expliqua lentement, détachant chacun de ses mots.

Tous hochèrent timidement de la tête sauf Ron qui jeta un regard noir en sa direction :
-Pourquoi on devrait t'écouter toi ? Tu te crois plus fort que nous ?
-Il a vécu tout ce temps dehors et pas nous Ron. Il sait ce qu'il fait donc on le suit, il n'est plus question de qui est le leader mais il est question de survie.
C'est Tobin qui avait répondu à Ron. Je le connaissais très peu mais je savais combien il se sentait plus proche de nous, qu'il voyait la réalité telle qu'elle était et qui n'essayait pas de se cacher lui même les yeux. J'aimais déjà cet homme.

Ron parut vexé, en tout cas il ne dit plus un mot et s'adossa les bras croisés contre un bureau.

-Bien, reprit Carl, les choses les plus importantes, celles que vous ne devez jamais oublier sont :
Ils peuvent...

Vous voir.
Il peuvent vous entendre.
Ils sentent votre odeur.
Et si ils vous attrapent vous êtes morts.

J'avais dû apprendre à grandir en très peur de temps, et les trois phrases qui restaient toujours gravées dans ma mémoire me revenaient encore à chaque seconde, dans chacun de mes rêves :
Ils peuvent te voir
Ils sentent ton odeur
Ils sont attirés par le bruit
Et si ils t'attrapent tu es morte.

Enfin, mort... pour certain...

Après son explication, Carl monta à l'étage s'assurer que Judith allait bien, et lorsqu'il redescendit, il m'entraîna loin du groupe.
-Tu auras besoin de ça, commença t-il une fois que nous étions seul dans le petit couloir déservant les chambres. Il dégagea sa main et me tendit un pistolet.
-Carl ?! M'exclamai-je. Mais qu'est-ce que tu fais avec ça ?! Negan te tuerait si il voyait ça !
Et cette image seule était bien la pire de toutes celles que je pouvais imaginer.
-Je ne me laisserai pas faire par ce type Sarah. On a trop perdu, on avait enfin la possibilité de se reconstruire sur de bonnes bases, ce salaud ne mérite que de mourir. Je ne suis pas prêt à m'agenouiller devant lui. J'ai gardé ces armes pour le jour où on devra le faire.

Je posai la question même si je connaissais pertinement la réponse :
-Le tuer ?...
-Oui.
Il prit ensuite une de mes mains en calmant sa respiration, jouant de ses doigts avec les miens.
-Au fait, tu devais me parler avant tout ça ? Dis-je tout bas.
-... J'aurais vraiment préféré t'en parler seul à seul, et pas dans cette situation là. Mais une fois que tout sera terminé on reprendra là où on en était ok ?
-Ça marche.
-Carl ? Repris-je à l'instant où il allait m'entraîner pour rejoindre le groupe.
Il tourna son regard vers moi, attendant que je continue.

-Je ne veux pas te perdre, soufflai-je.
Il s'approcha de moi, si près que nos deux fronts se touchèrent, si près que je sentis sa respiration souffler sur le bout de mes lèvres, puis il répondit sur un ton tout aussi bas :
-Ça n'arrivera pas, je te le promets.
Je résistai à poser une main sur son torse et me dégageai en hochant faiblement la tête.
-D'accord.
Il passa un pouce sur mes lèvres, puis me donna un sourire.

Plusieurs heures passèrent où aucun de nous ne prononça un mot. Nous nous contentions d'attendre, dans l'espoir qu'une solution miracle viendrait s'imposer à nous.

Puis soudain, un cri.

Je me précipitai à la fenêtre, arrachant les rideaux pour tenter d'apercevoir quelque chose : la nuit était déjà tombée depuis plus d'une heure.
Une jeune fille, non loin d'avoir ses 12 ans, tibutait dans la ville en pleurant, cherchant désespérement de l'aide.
Elle me fit l'effet d'un miroir temporelle, moi me retrouvant en elle lorsque tout avait commencé, l'estomac noué par la peur de ce nouveau monde.
Je courus jusqu'à la porte, mais quand je fus sur le péron, il était trop tard.
Un groupe de rôdeur s'entassait en cercle autour du petit corps déjà interte.

Une fureur folle m'envahit, je crus un instant que j'allais vomir, les larmes me montèrent rapidement aux yeux.

Une enfant. Un petit bout de chou tel que moi avant, qui ne savait pas comment se défendre.
Si on avait pris le temps de lui expliquer, si on lui avait appris les règles, si on l'avait mise face à la réalité comme on avait dû me faire...
Elle serait sûrement toujours là.
Une vie était déjà perdue par leur manque de réaction, leurs prises de désicion à la légère. Ils n'avaient rien fait pour s'adapter, ils avaient juste espéré que ça passerait.

Rester indéfiniment dans la maison ne servait strictement à rien : les rôdeurs ne s'envoleraient pas comme une pluie de poussière magique et rester infinement enfermé n'arrangerait pas notre problème.

Je crois que ce soir il était réellement temps de se battre.

Je tournai la poignet de la porte et m'élançai à travers la lueur ténébreuse du ciel.
Carl cria à un habitant de rester avec Judith, et s'élança derrière moi.

▪ Fuir ne vous sauvera pas ▪ Carl GrimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant