LOÏCK ET LE LOUP BLANC

Chapitre un.

Deux années se sont écoulées depuis la mort d'Hugo. Nyia a grandi et ressemble terriblement à mon compagnon, cela me perturbe à chaque fois que la regarde. Je ne peux pas la fixer dans les yeux sans penser à lui.

Elle représente son image et je ne sais pas comment agir avec elle.

Être chevalier et père de famille reste difficile à concilier. Je ne vois pas Nyia souvent et je me sens coupable de la priver de son père. Mais j'ai promis à Hugo de servir sa famille jusqu'à ma mort.

J'ai tout de même la chance d'avoir une sœur pour m'encourager et m'aider dans l'éducation de ma fille.

Comme chaque matin, je fixe la photo de mon défunt sur la table à chevet de notre chambre. Cette pièce n'a pas changé après sa mort. Elle était restée comme dans mes souvenirs.

Rien n'a changé de place. Elle représente l'intimité que j'ai partagé avec Hugo.

Il y a néanmoins un temps pour ressasser le passé, et un temps pour tout autre chose. Après avoir salué mon bien aimé en lui adressant quelques mots d'amour, je pars lever Nyia et l'aide à prendre son petit déjeuner. Malgré qu'elle grandisse plus vite qu'une fleur, elle reste la petite fille qui a besoin de son père. Elle est tout aussi forte qu'Hugo. Jamais elle ne pleure. Elle a beau savoir que sa mère se trouve parmi les anges, elle sourit toujours.

Je doute qu'elle comprenne réellement le sens de mes paroles quand le sujet est abordé. À son âge, les enfants sont insouciants, innocents. Hugo avait beau avoir la vingtaine, il était naïf et c'était ce que j'aimais chez lui.

Nyia a besoin de moComme toujours, son innocence me frappe. Elle se contente de sourire et de finir de manger avant de sortir de table.

Une fois apprêtée, je l'installe sur notre cheval en prenant soin de renforcer sa sécurité afin d'éviter tout accident.

Elle adore voyager à mes cotés. Cette petite et Hugo se ressemblent en tout point et je suis contente que physiquement, elle tienne de lui et non du monstre que je suis. De la haut, il doit être fier d'elle et chaque jour, je suis sur qu'il lui apporte tout son amour.

C'est dans sa nature d'être gentil, je suis persuadé que même au paradis, il prend soin des anges.

***

Arrivés devant la demeure de ma sœur, je prends Nyia dans mes bras après l'avoir détaché. Ma sœur est humaine. Elle vit dans la capitale de Ksentar'aya, avec son compagnon où coule une rivière magnifique rivière, en lisière de forêt.

Nos parents qui s'aimaient, n'appartenaient pas à la même race. Mon père était une bête.

-Je peux te la confier ? Lui demandé-je en présentant Nyia.

Elle me fixe à l'entrée de sa grande demeure avant de me céder le passage pour m'accueillir chez elle.

Elle s'appelle Inaya et ses magnifiques cheveux argentés sont raides et épais, en plus d'être longs. Elle incarne la féminité dans toute sa splendeur. Tout comme moi, elle possède les yeux de notre mère, un bleu presque transparent et transperçant. Inaya est plus âgée que moi mais avec cette douce apparence, je fais bien plus vieux à ses côtés. Mon physique bestial est rustique mais mon pelage argenté attire bon nombre de regard.

Dans le salon, il y a un coin aménagé pour ma fille afin qu'elle puisse jouer de son côté. C'est également un moyen pour rester seul avec ma sœur et discuter entre adultes. Elle me sert un thé maison, aux fruits rouges. Puis elle prend place sur un fauteuil non loin du mien, sur lequel je me suis confortablement installé.

Elle passe une main dans ses cheveux pour dégager son visage fin puisque quelques mèches retombent devant ses yeux.

-Comment te sens-tu ? Me demande-t-elle.

Comment je vais ?

Comme quelqu'un qui se sent seul. Comme quelqu'un qui ne peut pas faire le deuil de son Alter égo. Comme quelqu'un qui ne peut pas regarder sa propre fille dans les yeux sans penser au passé.

Comme quelqu'un de...

-Ridzac ? Je t'ai posé une question.

Je la fixe en prenant une expression neutre. Je ne veux pas qu'on lisse mes sentiments sur ma gueule. Encore moins depuis que je suis veuf.

J'étais amoureux de ce garçon bien plus que je ne l'imaginais.

- Je suis malheureux, ma sœur.

Je prends l'arête de mon museau entre mes doigts, le regard perdu dans le sien. Il n'y avait rien à faire pour moi. Personne ne pouvait me ramener Hugo. Pire encore, je devais protéger son imbécile de frère qui n'avait rien de mignon et qui me détestait.

Alors oui, je suis terriblement malheureux. Il n'y a pas d'autres termes. Pas d'autres tournures. Mais c'est un sentiment normal quand la personne qu'on aime meurt.

Nous avions eu la chance de nous marier et d'avoir un enfant. Un enfant qu'il n'a malheureusement pas eu le temps de connaître après son accouchement.

L'envie de tout ravager me ronge même après deux ans, comme un puissant poison. J'ai envie de foutre le monde en l'air et de retourner ciel et terre pour revoir le sourire de Hugo. Rien qu'une fois...

Seule Nyia me permets de tenir le coup. Je ne souhaite pas qu'elle connaisse ce sentiment de terreur. Je désire qu'elle grandisse comme toutes les petites filles, pour qu'elle puisse s'épanouir et connaître l'amour. Pour qu'un jour, elle fonde sa propre famille.

Je n'ai plus l'envie de vivre dans ce monde mais Nyia m'empêche de mettre fin à mes jours. Ma vie n'a plus de sens sans mon compagnon. Elle n'a aucune signification.

Mais je suis lié au passé par cette promesse.

- Ridzac, quand je mourrais, je veux que tu vives. Parfois, le destin peut être cruel, mais il faut savoir accepter ces épreuves pour avancer. Alors vis. Non pas pour moi, mais pour toi. Je ne veux pas que tu regrettes notre amour. Notre histoire aura été belle quelque soit la fin. Et je veillerai sur toi pour te guider quand tu te tromperas de chemin. Je serai ton ange gardien. Je ne serai donc pas complétement mort. Tu es la personne la plus merveilleuse au monde. Alors quand je rejoindrai le ciel, je jure sur ce que j'ai de plus précieux que je te guiderai pour l'éternité. Je veillerai sur toi et cet enfant. Alors vis, mon amour. Vis ta propre vie et écris ta propre histoire.