Chapitre trente-trois.

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- Svetlana…

Ariane s’arrête de courir après avoir ramassé l'arme à terre. Elle reste tétanisée face à la puissance du taureau qui vient d'achever Svetlana après l’avoir mortellement mordu. Il a mutilé le corps de son bien aimé sous ses yeux en pleurs. Les larmes de mon amie coulent inlassablement sur ses joues et quand il s’apprête à l’attaquer à son tour, je me mets devant lui pour repousser son attaque.

- Enfuis toi, Ariane ! Ne reste pas là !

Je tente de lui faire gagner de précieuses secondes mais elle est bien trop bouleversée pour faire un pas en avant ou en arrière. Elle tremble et regarde le corps de Svetlana. Le sang de son maître recouvre son corps et le sol, l'homme est mort au milieu de fleurs qui ont échappées à la puissance destructrice de Torodero.
Mais à mon tour, j’arrive à ma limite. La bête me porte un coup au ventre que je parviens à esquive. Il ne me blesse que superficiellement.

- Ariane !

Je tente de la raisonner mais n'y parviens pas. Ariane vient de perdre sa moitié et son existence s'est comme arrêtée en un instant. Elle réussit à regarder la bête dans les yeux qui jouit de l'expression de mon amie. Je profite de ce moment là pour lui planter mon épée dans l’épaule avant de la retirer rapidement. Son sang me gicle à la figure mais réussis à arrêter un nouveau coup de sa part.

- Si tu ne me descends pas maintenant jeune fille, Loïck est le prochain sur la liste ! Alors tire ou abandonne le !

Je regarde Ariane pour tenter d’utiliser une nouvelle fois ma voix.

- Ne l’écoute pas, Ariane ! Il tente de te déstabiliser !

Ma lame contre la sienne ne va pas tarder à se briser sous mes yeux. Elle se fissure face à la puissance de Torodero et bientôt, je suis le prochain sur la liste. Si je meurs, je ne veux pas qu’Ariane soit la prochaine.

- Lâche cette arme et pars d’ici ! Je t’en supplie, Ariane !

Elle me regarde les yeux larmoyants et prononce du bout des lèvres :

- Svet…lana.

C’est comme si elle réalisait que seulement maintenant sa mort.

- Ariane !

Puis là, ma lame se brise en milliers d’éclats. Torodero me fonce dessus pour m'asséner un ultime coup qui ne me touchera jamais puisque le bruit sourd de l'arme à feu vient de retentir au même instant.

La balle touche le taureau à la tête qui s’effondre sur le côté de tout son poids. Un nuage de terre et de poussière se forme en un instant avant de vite se dissiper. Quand je recouvre la vue, Ariane est à genoux à prendre le corps de Svetlana contre elle. Elle pleure et crie le prénom de celui qu'elle aime. Et un instant, je comprends parfaitement sa souffrance et la peur de perdre Ridzac à mon tour.

- Je t’aime, Svetlana. Tellement… dit-elle à celui qu’elle aime tant.

Quand je tente de poser une main sur son épaule, je ne le fais pas. Elle tremble énormément et je ne me sens pas à la hauteur pour la rassurer. Même si je le fais, cela ne consolera pas sa peine. Depuis toujours, elle aime Svetlana et il venait de mourir juste sous ses yeux.

- Ariane, tu ne dois pas rester là…

Elle est dans un état de choc et blessée. Nous devons nous occuper de ses blessures le plus rapidement possible. Alors je tente de l’aider à ses relever mais elle crie comme une hystérique pour rester près de Svetlana.

- Je t’en prie, Loïck. Va t'en.
- Ariane, tu…
- Je ne peux pas vivre sans celui que j’aime. Svetlana et moi n’étions pas des Alter ego mais je l’aimais… ma vie n’avait de sens qu’à ses côtés.

Et la mienne avec Ridzac. Je comprends parfaitement ce qu'elle ressent. Cette tristesse et cette douleur ne s’effaceront jamais.

- Loïck, pars retrouver Ridzac je t’en prie.
- Mais je ne peux pas te laisser toute seule ici, Ariane ! Tu…
- S'il te plaît…

Quoique je fasse ou quoique je dise, elle ne viendra pas avec moi. Je ne préfère pas la contrarier. Je recule avant de me retourner pour avancer et la laisser seule. Je marche au milieu des fleurs détruites, blessé également par ce conflit.

Puis, j'entends la détente retentir et le bruit de larme ravager mes oreilles une nouvelle fois. Quand je me retourne, je regarde le corps d’Ariane s’effondrer sur le sol.

- ARIANE !

Je cours vers mon amie en la prenant contre moi à mon tour. Elle… elle venait de se suicider pour rejoindre celui qu’elle aimait.

- Ariane, non…

Je pleure contre mon amie. Je me remémore notre première rencontre lorsque j’ai appris qu'elle serait ma fiancée. Si chacun de nous l'avait accepté, ni elle ni moi souhaitions nous engager. Entre nous était née une belle amitié. Et souvent, je venais la voir pour recevoir de précieux conseils. Ariane était quelqu'un de bien et ne souhaitait qu’être avec Svetlana. Ni plus ni moins.

- Reposez en paix, Ariane, Svetlana. Merci d'avoir fait parti de mon existence.

Avant de partir sauver Ridzac, je repositionne leurs corps et mets leurs mains sur leur ventre pour y glisser une fleur à l'intérieur. Avec tristesse et détermination, je regarde leurs corps. Ils se sont sacrifiés pour que je puisse sauver Ridzac. Je n’ai pas le droit à l'erreur. Je presse le pas pour quitter la demeure et indique aux survivants où sont les corps pour qu'ils prennent la relève. Je quitte rapidement les lieux en sang, montant sur mon cheval et prenant la direction d'Ibn Fadhan.

Attend moi, Ridzac ! Pensé-je dans un coin de ma tête, implorant les dieux pour qu'il soit encore en vie.

***
Arrivés à Ibn Fadhan, je traverse au galop les ruelles de la capitale. Les citoyens que je croise mon chemin se jettent presque à terre pour éviter de se prendre le cheval de plein fouet.
Je suis déjà venu ici pour écouter le discours de tête d’ange, je n’ai aucun mal à reconnaître le chemin et à me diriger vers le palais. Je sens encore ma blessure au ventre me titiller en plus de la fatigue accumulée. Mais Ridzac court un grand danger et je ne compte plus rester dans l'ombre à attendre qu'un miracle se produise. Je veux laisser une chance à notre histoire, et connaissant mon frère, je sais qu'il ne veut que notre bonheur. Jusqu’à maintenant, je me suis privé de ma moitié parce que je croyais salir Hugo. Mais je me suis toujours trompe.  Hugo est mort et rien ne peut me le ramener. Il a laissé derrière lui une famille qui a besoin de moi à présent. J’aime Nyia comme ma propre fille et Ridzac est mon Alter égo et je ne veux plus ignorer les sentiments pour lui.

Alors je fonce toujours plus loin dans la capitale pour atteindre le palais d'Ibn Fadhan. Ridzac porte sur ses épaules un fardeau qu'il refuse de partager avec moi. Alors je vais utiliser ma détermination pour lui montrer qu'il a tort d'agir en solitaire. Les bêtes sont si mystérieuses et solitaires, je n’arrive pas à lire en lui. Tout ce temps, on s’est ignoré parce que nous croyons faire le mal, mais c’était une erreur. Une terrible erreur. En fermant les yeux tous les soirs, je voyais toujours mon frère au loin, il avait constamment un sourire aux lèvres. Tout ce temps, j'ai ignoré cette image de lui mais a présent, je sais qu'il veille sur nous.

Déterminé, j’arrive au palais d'Ibn Fadhan par l'arrière des jardins. Je descends rapidement du cheval en manquant d’équilibre et tombe au sol. Je me relève rapidement et reprend le chemin pour rejoindre le palais. Une fois devant la porte, je l’ouvre avec brusquerie et pénètre dans un palais ravagé et sombre.

Au sol, il y a des éclats de verre, des rideaux arrachés et ses impacts. Du sang recouvre les murs mais il fait trop noir pour y voir quelque chose. Je m'avance avec prudence avant de marcher sur un obstacle très inconfortable. Si l’odeur du sang menace de me faire vomir, ce n’est rien comparé à la main sur laquelle mon pied est posé. Je recule brusquement en me retenant de dégueuler, le corps froid et tremblant. Je découvre dans l’horreur des cadavres et des membres éparpillés un peu partout. Les murs portent les traces d'un conflit violent, le sang frais envahi le palais. Il ne reste rien de cet endroit. Un cauchemar me paraissait plus apaisant. Néanmoins, je n’ai pas le temps d'avoir peur et de douter, je dois trouver Ridzac. À présent que j’ai réellement conscience de notre lien, je ressens sa présence ici même, dans ces lieux. Et l'intensité du signal ne présage rien de bon, je le capte à peine. C'est un signe suffisamment fort qui me fait comprendre que Ridzac est en danger. Je sors alors mon épée de son fourreau et pour la première fois, ma main tremble. Mais malgré ma peur, je décide de me frayer un chemin parmi les corps et le sang. Les poutres qui servent d’obstacles mais que j'enjambe ne m’empêchent pas d'avancer. Au contraire, je les passe plus déterminé que jamais dans l'espoir d’arrivé à temps et de sauver Ridzac.

Une fois passés, je me dirige vers le hall d’entrée où le lien s'intensifie  malgré sa faible intensité. Je me hâte, haletant en chemin pour le retrouver. Je ne veux plus que personne ne se sacrifie pour nous. D’abord mon frère, puis Ariane et Svetlana. Mais après ? Pour ne pas connaître le nom du prochain sur la liste, je vais devoir être fort pour affronter le plus grand des dangers.

LOÏCK ET LE LOUP BLANCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant