Chapitre vingt-quatre.

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Daeron avait eu raison la dernière fois. Son compagnon est enceint. Mais ce n’est pas moins de trois petits. Il semble un peu paniqué en attendant le réveil de son tendre époux. Comme je passe la nuit à Ibn Fadhan, j’ai toute la soirée pour le rassurer. Avoir un enfant et ce qu’il y a de plus beau. Nyia est ma plus grande fierté, la plus belle réussite. Je ne regrette pas mon passé avec Hugo et notre amour.

- Ridzac, pourquoi tu as menti tout à l'heure ?

Je fixe Daeron du coin de l'œil alors que nous partageons un bon verre de vin.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Ne me mens pas, mon ami.

Je déteste ce côté-là de Daeron. Qu'il devine mes mensonges.

- Je sais que ce garçon était tout pour toi, mais tu aimes son frère, non ?
- Bordel Daeron, je déteste quand tu as raison de la sorte.

Il passe une main sur mon épaule en la caressant pour me rassurer.

- Ne gâche pas cette seconde chance, Ridzac. La vie t'a mis sur le chemin l’élu de ton cœur.

Je fixe Daeron sans comprendre le sens de ses mots.

- L’élu de mon cœur ? Mais c'est…

Il termine son verre avant de rire délicatement.

- Même un enfant aurait compris, ajoute-t-il avant de rebrousser chemin.

Décidément, je n'arrive plus à comprendre mes sentiments, partagé entre deux garçons. Peut-être a-t-il raison ? Loïck serait une seconde chance d’aimer quelqu’un de nouveau ?

Pour l’heure, je vais passer la nuit ici afin que demain, je puisse emmener Estella à Ksentar’aya comme il me l’a demandé. Étant enceint à présent, Daeron veut qu’il rencontre ma fille pour qu’il ne doute pas de lui et de leur mariage. Quand on connaît le passé de ce garçon, on ne peut que vouloir le protéger. J’appréhende un peu la réaction de Loïck mais je ne peux plus faire machine arrière.

***

Le lendemain, alors que j'attends Estella devant les portes du palais, ce dernier met un temps fou à me rejoindre à notre fiacre. Et quand il se présente devant moi, son visage est anormalement rouge.

Daeron n'a pas pu s’empêcher de poser ses mains sur son compagnon avant de se séparer, ses phéromones empestent et tout indique qu’ils ont passé un moment fort sympathique dans leur chambre. Mais ne préférant pas perdre du temps et me mêler de ces histoires, j’invite le garçon à monter à bord. Je salue mon ami en lui assurant qu'il était entré de bonnes mains, puis nous prenons la route.

À l’intérieur, il est assis en face de moi, sur la banquette à l’opposé. Daeron s'occupe de ce garçon depuis qu'il est enfant et je vois bien a quel point il a éduqué. Estella a de bonnes manières et la gestuelle des plus grands d’Ibn Fadhan. Pas étonnant que lui et Daeron soient des Alter égo.

Puis en toute innocence, il lance la conversation :

- À quoi ressemble votre royaume, Ridzac ?

Je croise les jambes et les bras pour prendre une position confortable, et lui répondre :

- Ksentar’aya est un petit royaume à côté du tien. Mais je suis certain qu'il va beaucoup te plaire.

Estella me fixe, pensant sûrement à sa situation.

- Tu sais, parfois l’éloignement fait du bien, blondinet.
- Comment ça ?

Je lui souris en plongeant mon regard dans ses yeux.

- Tu es aux côtés de Daeron depuis tout petit. Tu as besoin d’élargir ton horizon, jeune homme.

C'est normal qu'il ne comprenne pas mes paroles, mais Daeron agit pour son bien. Il y tient comme a la prunelle de ses yeux. Cette innocence est précieuse pour notre monde. Nous autres bêtes, en avons besoin pour ne pas nous égarer dans la voie des ténèbres.

Alors ainsi, pris par mes pensées, je plonge mon regard dans le décor qui file sous nos yeux. Apaisé par la présence innocente de ce garçon en face de moi. Je ferme les yeux pour oublier mes doutes et ma douleur, en pensant seulement au fait que je vais voir Nyia et que je pourrais la prendre dans mes bras. J’ai besoin de la prendre constamment dans les bras pour être certain d'exister à ses côtés.

En recouvrant la vue, je découvre un Estella endormi sur la banquette. En me redressant, je le secoue doucement par l'une de ses épaules pour le réveiller.

Le garçon se frotte les yeux en réalisant que la nuit est tombée sur Ksentar’aya.

LOÏCK ET LE LOUP BLANCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant