Chapitre trente-quatre.

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Sur mon épaule, Estella est en position assise à se tenir contre moi pour fuir Quartaffel. Le lion en a après l’humain mais je ne peux pas le laisser toucher au garçon. Je me dirige vers le palais accompagné de mon protégé, suivi de près par Quartaffel. Ce dernier porte contre lui son épouse, Elisabeth. Cette dernière est déterminée face à Estella et si elle reste petite et frêle, je réalise que ce n’est qu’une enveloppe et qu'elle peut être un redoutable adversaire pour les grands.

Une fois à l'intérieur du palais, nous découvrons une véritable boucherie. Le jeune prince à la chevelure dorée porte une main à sa bouche pour ne pas respirer l'odeur des cadavres et du sang. Daeron a protégé le palais d'Ibn Fadhan des attaques du Conseil. Quartaffel s'enrage face à la puissance écrasante du loup noir. Mais très vite, il se jette sur nous, me séparant du garçon. Quand je tente de lui porter secours, la bête se jette sur moi pour me mordre violemment à la gorge. Je suis rapidement maîtrisé sous les yeux choqués du garçon qui tient mon pistolet dans les mains. Quand il tente de me venir en aide, Elisabeth l’arrête en pointant sa lame tout près de sa gorge. Le garçon avale avec peur sa salive, réalisant que la situation est délicate. Quant à moi, j'ai manqué de vigilance face au lion. Je me vide de mon sang face à Estella qui réfléchit pour prendre la meilleure solution. Si nous sommes tous plus ou moins blessés, Estella ne l'est pas grièvement.

Mais mon état est plus critique. Si le lion ne lâche pas sa prise sur mon cou, c'est dans le seul but de me maintenir en vie pour qu'Estella faute. Je me sens vide et absent à la fois, comme dans un ailleurs où je peux retrouver Hugo. Mais je le sais, ce dernier ne souhaite pas me revoir pour que je puisse rester aux côtés de Loïck. Je repense alors à mon geste. J’ai détruit Loïck qui s'est blessé dans le seul but de ne pas donner naissance à l’enfant qui se trouvait dans son ventre. Ariane avait raison, nous ne sommes rien de plus que deux êtres égarés, mais j'ai compris grâce à elle. À mon retour, je la remercierai. Mais quand je regarde ce garçon au corps frêle, je n’ai pas le droit de mourir en le laissant dans cette situation délicate. Ce dernier trouve le courage de pointer son arme vers Elisabeth.

Elle vint de lui raconter son passé. Grâce à elle, j’appris qu’ils étaient frère et sœur. Ayant vécu un drame avec le Conseil, ils avaient été séparés dès l’enfance par Van Gilst, l’ancien bras droit et frère de cœur de Quartaffel. Daeron lui avait ôté la vie lorsqu’il avait surpris ce dernier couché sur Estella quand il n’était qu’un enfant.

- Ne me force pas à tirer, Elisabeth.

Ils se ressemblent. Elisabeth a noué ses magnifiques et longs cheveux en une couronne de tresses grâce à un magnifique ruban en soie. Elle porte l’armure du Conseil mais de manière délicate et purement féminine. Elle ressemble à une poupée de porcelaine avec ses grands yeux jaunes et son teint blanc. Elle a les joues légèrement rosies et une peau de bébé. Elle est aussi belle que son frère, son parfait opposé féminin. Si je juge l'expression du garçon, je devine parfaitement que ses attentions sont bonnes et qu'il ne compte pas appuyer sur la détente. Sauf si Quartaffel ne lui en laisse pas le choix. Ma vie est entre leurs mains mais je décide de m'en remettre au garçon aux attentions pures.

- Je n’hésiterai pas à tirer si mes amis et Daeron sont en danger, ma sœur.
- Pourquoi tu refuses de venir vivre avec moi, Estella !?

Derrière cette délicate apparence se cache une hystérique. De rit presque inhumainement devant son frère tout en versant des larmes de tristesse. C’est comme si en elle, il y avait une autre personnalité. Un côté plus dangereux, rongé par les regrets et la dépression d'avoir perdu un frère pendant si longtemps. 

- Pourquoi est-ce ce Daeron est-il aussi important pour toi, hein !?

Quartaffel ne bouge pas de moi, maintenant la pression sur ma gorge. Je laisse échapper un couinement de douleur alors que le jeune homme répond à sa sœur.

- Parce que je l’aime au même titre que tes sentiments pour Quartaffel, Elisabeth. Je ne me l'explique pas, sourit-il naïvement. Nous sommes âmes-sœurs alors je me sacrifierai pour le protéger.

Ses mots sont d'une puissance inégalable. Estelle me redonne le courage de croire en mon amour pour Loïck. À présent, j'ai conscience que ce prince sombre et insociable soit mon Alter égo. Et je veux le retrouver. Oui, le retrouver et le serrer dans mes bras. Le faire enfin sourire au même titre que Nyia. Si elle est la fille d’Hugo, elle est un peu comme la sienne à présent. Loïck et moi avons eu de mauvais début, mais j’en comprends maintenant les raisons. Il s’est sacrifié pour permettre à Hugo de m'aimer parce que son frère était passé avant son propre bonheur. Pour lui, tant que son cadet était heureux, cela lui suffisait. Mais aujourd’hui, nous avons tous les deux compris que le bonheur ce n’était pas ça. Pendant des années, nous nous sommes fuis, éloignés pour ne pas trahir l'image d’Hugo. Mais je suis le mieux placé pour parler de mon défunt. Je suis sur que de tout en haut, il prie pour notre union, notre bonheur et notre amour. Je le sens, là, tout au fond de mon cœur. Hugo ne nous a jamais quitté, son image perdure dans nos souvenirs et c'est grâce à eux que nous pouvons enfin avancer.

- Pourquoi tu m’as oublié, Estella ? Nous étions si proches. Est-ce que j'ai un jour compté pour toi, ne serait-ce qu'un seul instant ?

Estella regarde celle qui se tient en face de lui. Liés par le sang, les différents traumatismes qu'a subi le garçon lui ont fait perdre une partie de ses souvenirs. Et Elisabeth fait partie des choses qu'il a perdu.

- Je… Je suis désolé, Elisabeth.

Séchant ses larmes, elle relève la tête pour regarder ce frère perdu. Celui qu'elle avait connu n'existait plus. Aujourd’hui, Estella était quelqu’un d'autre.

- Je te déteste, grand frère.

Le jeune homme semble affecté par les mots de sa jeune sœur. S'il ne se souvient plus d’elle, ce n’est pas pour autant qu'il ne ressent rien pour elle. Le désir de la prendre sans ses bras, de la voir sourire et l’entendre rire aux éclats. Estella souhaite le bien de la jeune femme mais cette dernière croit en une trahison de la part de son frère. Elisabeth a beau avoir une apparence de poupée et les yeux en larmes, elle n’est pas fiable. Ces années de solitude ont eu raison d'elle, son hystérie reprend le dessus sur sa personne. Et je suis forcé de constaté qu'il n'y a plus rien à faire pour elle.

LOÏCK ET LE LOUP BLANCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant