Le Reflet | Terminé |

La chute de l'ange

Je repensais à ma mère, la belle Alice.

Très jeune, elle avait déjà eu une beauté surnaturelle. Ses beaux cheveux noirs, faisait ressortir ses prunelles de glace. Un bleu semblable à celui de mon œil droit.
Elle était une femme joyeuse et fière. Jusqu'à ce qu'elle rencontre mon père.

Morgan Clarks. Un homme possessif et jaloux.
Du moins, voici le souvenir de ce qui reste de mon père. Pourtant il me semble qu'il n'avait pas toujours été ainsi. Il avait été un homme aimant... Mais sa chute était dû à mon existence... ma mère me l'avait dit.

// Flashback //

« De toute manière, papa n'était qu'un sale con. Un être incapable d'aimer. Un monstre... »

Face à moi, se tenait ma mère. Sa chevelure, autrefois brillante et souple, se réduisait à présent à de ridicules noeuds noirs.
Ses yeux bleus avaient pâlis, de même que son teint. L'ange de mon enfance avait chuté du paradis.

« Je t'interdis... de dire ça de ton père !
- Ah ouais ?! Bah alors dis moi ce qui a fait de bien pour que tu puisses encore l'aimer !!? Il fait tellement pitié que tu préfères de vautrer dans la luxure et l'alcool plutôt que d'affronter la vérité en face !
- Tais-toi Madison ! Tout ça, c'est arrivé par TA faute ! Si t'étais pas venue dans notre vie, jamais il ne serait mort ! Tu comprends ça !!? »

Mon père s'était suicidé. Les gendarmes l'avaient retrouvé décédé, une balle logée dans son crâne. Une trop belle mort pour cet être inhumain...

« Si vous avez pas voulu de moi, pourquoi vous m'avez pas abandonné !? Pourquoi vous m'avez pas tué !? Ça l'aurait pas dérangé de faire mourir sa propre fille !!
- Si on avait su que tu nous causerais autant de problèmes, tu serais déjà chez une autre famille assez folle pour avoir une fille aussi laide ! »

Les larmes coulèrent. Mais je ne perdis pas mon aplomb pour autant.

« Je te déteste ! Tu me trouves laide ?! Tu t'es regardé !? Tu pus l'alcool à plein nez ! Et tu préfères écarter les jambes plutôt que de remonter la pente ! Je te hais maman ! Tu m'entends ?! Je te hais !
- Tu n'es qu'une sorcière ! Une sale vermine qu'il faut exterminer ! »

Elle avait attrapé un pistolet, qu'elle avait toujours caché dans un des tiroirs de la cuisine, afin de se protéger des potentiels cambrioleurs.
Aujourd'hui, c'était de moi qu'elle voulait se protéger...
Elle pointait l'arme sur moi, vers mon cœur en miettes.

« T'attends quoi ? Tires... »

Ses mains tremblaient. Ses yeux étaient injectés de sang. L'ange était déchu...

« Mais putain tires ! Dépêches toi ! Si je suis si laide. Si je suis une sorcière, une vermine, alors tires ! Vises mon cœur ! »

Les larmes dévalaient les joues de ma mère, les miennes aussi. Elle me regarda droit dans les yeux..., posa le doigt sur la détente...
Mais jamais elle ne tira. Elle baissa son bras, laissant tomber l'arme au sol.

L'ange, même déchu, n'avait pas pu abattre sa progéniture...
Sa respiration était saccadée. Elle toussait, pleurant en même temps. Je faisais de même.

« Tu vois... tu es faible. T'as pas pu le dénoncer. T'as pas pu tuer ta fille. Il avait peut-être raison. T'es une bonne à rien. »

J'essuyais les larmes qui coulaient encore sur mes joues. J'avais tourné le dos à la créature décharnée qui pleurait toujours.
Avant de quitter ce lieu de malheurs, je murmurais :

« Tu peux continuer ta vie. La sorcière quitte sa chaumière. Je te laisse te faire piétiner par les hommes qui viennent ici. Avec un peu de chance, un d'eux se donnera une autre vermine à élever. Il te frappera comme papa le faisait. Et toi, tu te la fermeras. L'histoire se répétera... »

Toujours dos à elle, j'eus le temps d'entendre un petit "clic", un coups de feu, et aussitôt, je ressentis une vive douleur dans l'omoplate. La balle s'y était logée. Je me retournais, haletante :

« Bravo, je pensais pas... que tu le ferais. Dommage... t'as loupé le cœur de la sorcière. »

Ma mère tremblait, me regardant avec des yeux ronds et emplis de larmes.

« Je... je... je suis... déso...
- Gardes ... tes excuses pour Satan... sale monstre. J'ai plus besoin d'un ange gardien pour... me maintenir en vie maintenant... »

Je fis demi-tour et quittais pour de bon mon ancienne maison. Quittant par la même occasion tous ces souvenirs douloureux.

// Fin du flashback //

Voilà comment, à l'âge de dix-sept ans, une balle coincée dans l'omoplate, j'avais quitté le nid familial, débutant ainsi une nouvelle existence...