Le Labyrinthe - [Emma]

22 - Le refuge

Le souffle rauque, les oreilles sifflantes, les yeux piquants encore à cause du sable, et la respiration irrégulière, j'essayais tant bien que mal de voir quelque chose, mais impossible, il faisait trop noir.

« Emma, bordel ! 

Je cru d'abord qu'il s'agissait encore de la voix dans ma tête, mais elle se faisait de plus en plus claire.

- EMMA !
- Newt ?
- Enfin ! T'es devenue sourde ou quoi ? Combien de temps il nous reste ?

- Hein ? 

- Ta montre !
- Oh !

Je cherchais mon bras d'une main et allumait le cadran de la montre.

- Cinq minutes.

Newt souffla un coup.

- Super, reste avec moi encore un peu, tu peux faire ça ?

Je hochais la tête en silence, avant de me rendre compte qu'il ne me voyait pas.

- Oui, ça ira. Où sont les autres ?

- Aucune idée, on voyait rien dans ce bourbier. J'ai vu que tu n'avais pas terminé avec le tien alors je suis venu t'aider. J'espère qu'ils ont eu la même idée que nous, je sais vraiment pas par quel miracle on s'est pas fait foudroyer. Mais je suis sûr qu'ils vont bien. 

- Ouais...  

Trois minutes. On entendait toujours la pluie battre à plein régime au dehors, et le tonnerre résonner dans la plaine.

- Merci, marmonnais-je.

- J'allais quand même pas te laisser toute seule, non ? Tu as interdiction de mourir tant que je suis en vie.

- C'est noté. Une minute.

Je gardais les yeux rivés sur la montre.

- Trente secondes.
- Qu'est ce que c'est que ce bruit ? 

Un nouveau grondement sourd s'accompagna de la pluie.

- On sort, fit Newt en ouvrant notre abri. »

Un berg. Je lançais un regard plein d'espoir à mon frère, qui me fit aussitôt signe de le suivre. Nous commencions à courir sur le sol glissant, et je gardais un oeil sur lui pour que sa jambe folle ne lui fasse pas perdre l'équilibre. On distinguait difficilement la trappe du berg s'ouvrir devant nous, mais une horde de monstres s'interposa entre nous et notre ticket de sortie. Newt me poussa sur le côté quand l'un d'eux fonça sur nous, et je me retrouvais à rouler dans le sable détrempé. Je tentais de me relever pour apercevoir les blocards et les filles du groupe B se battre contre les derniers monstres, qu'ils écrasèrent rapidement. 

La vague d'adolescents accouru jusqu'à l'entrée du berg qui avait déjà commencé sa remontée. Je les suivais tant bien que mal, ayant complètement perdu mon frère de vue, et ne voyant nul part Minho ou Thomas. 

J'arrivais dans les dernières alors que le trappe était déjà à deux mètres au dessus du sol, et je sautais en l'air dans l'espoir de l'atteindre. Des paires de mains m'attrapèrent au vol et je fus rapidement projetée sur le pont qui se refermait. Je vis deux autres personnes monter à bord tandis que je m'allongeais de tout mon long sur la plateforme qui se referma dans un bruit sourd.

L'espace de deux secondes, nous n'entendions plus rien d'autre que le moteur de l'engin qui nous apparaissait comme un lointain bourdonnement.

« C'est qui, ces deux là ?

Un garde indiquait Jorge et Brenda du doigt. Je reconnu avec soulagement la voix de Thomas qui lui expliqua rapidement la situation, mais le garde secoua la tête.

- On ne vous a pas demandé de faire dans l'humanitaire. Ils dégagent.
- Hors de question. Sans eux, on serait tous morts.

- Comme tu voudras, choisis-en un, je tuerais l'autre.

- Non, répéta Thomas. Plus personne ne meurt à partir de maintenant.

Le garde s'apprêtait à protester mais le brun lui bondit dessus, attrapant son flingue au passage.

- J'ai dit, plus personne ne meurt !

Contre toute attente, le garde se mit à rire.

- Comme tu voudras, gamin. Tu as raison, c'est terminé, vous n'avez plus à mourir. Moi, c'est David, j'ose espérer que vous réussirez à me croire, mais c'est bel et bien terminé. Vous aurez le remède très bientôt, ainsi que votre liberté.

- C'est ça, et Poêle-à-frire et moi, on va se marier.

Un large sourire éclaira soudain mon visage. Je n'avais même pas besoin de reconnaître la voix pour savoir qu'il s'agissait du sarcasme légendaire de Minho. 

- Peu importe, reprit David. Reposez-vous, lavez-vous, mangez donc. Faites ce que bon vous semble maintenant. Tu peux même garder cette arme si tu veux, vous pourrez en avoir d'autres, autant que vous voulez. Vous n'avez plus rien à craindre. »

Je ne m'occupais plus de David, et me relevais en cherchant mes amis des yeux. Minho se tenait à côté de Newt, tout égratigné, mais en vie. Les deux garçons étaient dans un sale état, et la fatigue se lisait très clairement sur leurs visages. Je m'approchais d'eux et ils sourirent à l'unisson en  me voyant.
Newt se leva aussitôt pour me prendre dans ses bras d'un geste maladroit, avant de lancer un regard amusé au coureur qui ne m'avait pas quitté des yeux. Il marmonna un « Je vous laisse... » et rejoignit Thomas en boitillant. 

« Salut, dis-je pour rompre le silence.

Il ne me répondit pas, mais se leva et me serra dans ses bras avec force, et je ne pouvais que lui rendre son étreinte. 

- C'est terminé, chuchotais-je.
- Chut, m'ordonna-t-il.

J'obtempérais sans broncher et me contentais d'enfouir ma tête au creux de son cou, profitant au maximum de ce moment de calme.

Je ne savais pas trop s'il fallait croire David ou pas. Le WICKED nous avait déjà fait le coup, après tout. Mais ils nous avaient aussi dit que cette épreuve permettrait d'obtenir le remède. Et s'ils avait réussi, alors nous n'avions plus de soucis à nous faire. Encore fallait-il qu'ils aient réussi. Et qu'ils ne nous aient pas menti. Ce qui faisait beaucoup de conditions à réunir. Alors je décidais de profiter pleinement de cet instant de répit, puisqu'il ne durerait sans doute pas longtemps. Et j'étais persuadée de ne pas être la seule à le penser.

Mais pour l'instant, dans les bras du coureur, je me permettais d'oublier ce qui pourrait nous arriver ensuite, et même de ne plus penser à tout ce que nous avions déjà vécu. Je profitais seulement de l'instant, et savourais chaque petite seconde où je n'avais pas à me soucier immédiatement de maintenir le plus de monde possible en vie.