-Promets que tu repasseras, me supplie Brenna au moment où je suis sur le point de sortir de la maison.
J'ai envie de lui promettre, mais je me connais. Je serais sûrement capable de faire le mort sans donner de nouvelles pendant deux ans, comme je l'ai déjà fait.
Alors je ne dis rien.-Autant parler à un mur, ajoute-t-elle devant mon silence buté. Allez, bon vent, Wreck-it Ayd.
Je ne peux m'empêcher de sourire. C'était mon surnom à l'école élémentaire. Ça me rappelle mon premier souvenir avec Brenna...
Cela faisait trois ans que Martin et Scarlett m'avaient adopté, et Brenna venait juste d'en avoir deux. À son premier jour d'école, elle s'est fait harcelée par une bande de petits imbéciles.
Ça a été ma première baston. Cinq contre un, je leur ai fait passer l'envie de la martyriser. Cet incident m'a valu le surnom de Wreck-it Ayd, qui ne m'a plus jamais quitté depuis. Les autres ont su ce qu'il adviendrait désormais s'ils s'attaquaient à un membre de ma nouvelle « famille ».
À l'époque, j'aurais aimé dire que je l'ai fait pour elle, pour la défendre, mais la vérité pure, c'est que j'avais besoin de mon quota de violence, de cogner sur quelqu'un.
Un gamin de même pas sept ans déjà conditionné à devenir un tueur en série aurait choqué les adultes, alors j'ai raconté que des minables embêtaient ma sœur, et que je leur ai réglé leur compte.
Ça a passé crème.-Ouais..Euh, à plus.
-Tu nous as manqués, tu sais, déclare-t-elle soudainement. On se faisait un sang d'encre tout le temps vu que tu ne donnais pas de nouvelles.
J'ignore quoi répondre. Que je suis désolé ? Peut-être qu'elle se sentirait mieux.-Je suis désolé.
Elle lève les yeux au plafond, puis me donne un coup de poing dans le bras.
-Arrête de mentir, va. Et passe le bonjour à Grayer de ma part.
-Si j'oublie pas.Vient ensuite le moment ultra gênant où elle se croit obligée de me prendre dans ses bras, et que je dois lui rendre maladroitement son étreinte, comme un débile. Je lui tapote maladroitement le bras, en ne me rappelant plus ce que je suis censé dire.
-Déconne pas, Aidan, OK ?
Comme si c'était mon genre.Elle se détache ensuite de moi, pour retourner à l'intérieur de la maison.
J'aurais peut-être dû être plus bavard. Lui demander si elle s'en sort en cours. Si elle aime toujours la guitare. Si elle sort avec quelqu'un.
Mais je n'ai jamais été le grand frère idéal, et ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer.Je me résigne à squatter une fois de plus chez Grayer, conscient que sa patience envers moi finira par avoir des limites.
Sous ces températures lourdes du mois d'août, je n'ai pas vraiment d'autres endroits où crécher.
Je soupire. Cesserais-je un jour d'être un fardeau pour les quelques personnes qui m'aiment encore ? J'ai bien peur que la réponse soit non.
Je suis beaucoup trop atteint de l'intérieur pour espérer atteindre la rédemption, le pardon, ou n'importe quelle connerie.
Parce que j'ai merdé, et pas qu'une fois, je ne pense pas avoir droit au bonheur.
Tant mieux. Je suis incapable de le ressentir de toute manière.Il aurait simplement fallu prononcer un simple mot. Pardon.
Mais j'en ai été incapable....********"**********************
-Et comme options ? Philo ? me demande Grayer en parcourant ma seconde fiche d'admission à Saltwood.
Je jette la balle de ping-pong sur le mur et la rattrape.
Cela fait deux jours que j'ai dû accepter cette réalité : quoique j'en pense, j'irai à l'université. C'est absolument dingue.-C'est nul la philo, je réponds en relançant la balle.
-Mais quel rabat-joie ! s'énerve Grayer. Tant pis, je coche grec appliqué.Je lance de nouveau la balle, en direction de son fichu crâne. Il se frotte la tempe en me toisant d'un air mauvais, avant de soupirer.
-Aidan, tu as vingt ans, je te fais remarquer. Et c'est moi qui remplis ta fiche d'admission parce que tu es trop borné pour le faire toi-même. Je ne suis pas ta bonniche, alors dis-moi vite quelle option je dois cocher.Je soupire à mon tour. J'ai suffisamment retardé ce moment. Autant m'y coller tout de suite.
-Y'a quoi comme sport ? l'interrogé-je.
-Hockey, football américain,...
Que des sports de débiles.
-Tiens ! Ils font du tennis aussi ! s'exclame Grayer.Je plisse les yeux. Mauvaise pioche. Il n'y a qu'un sport où j'excelle, et il a fallu que ce soit le tennis.
J'aurais pu être un monstre au basket, un champion de l'aviron, mais je ne valais rien sans une stupide raquette.-Oh non... encore, grimacé-je.
-Trop tard, j'ai déjà rempli.Je lui fais un doigt d'honneur, avant de me casser dehors. Il est vrai que les possibilités de cachette dans ce minuscule appartement ne sont pas nombreuses, mais j'ai envie d'être un peu seul.
Saltwood s'annonce mal. Très mal. Tout le monde sait que c'est une mauvaise idée de m'y envoyer, mais ils l'ont fait quand même.
Je ne sais pas ce que je dois penser.S'il n'y avait que ça...
Henry.
Putain. Il avait fallu que ce soit lui. Quand Martin me l'a annoncé lors de ma visite surprise, j'ai surréagi en envoyant valser une assiette à moitié pleine par terre. J'ai braillé des obscénités à l'homme qui m'avait pratiquement élevé, alors que Brenna essayait de minimiser les dégâts en m'entraînant me calmer dans le hall.
Si elle ne l'avait pas fait, j'aurais tué quelqu'un.J'ai des problèmes. De sérieux problèmes. J'ai toujours été un gosse hyperactif, hypersensible et totalement impossible à maîtriser. Et le temps n'a rien arrangé. Je suis resté cette bombe à retardement, qui encaisse un nombre de chocs donné, avant de vouloir tout réduire en poussière.
De hurler à la mort, de griffer quand j'avais cinq ans. Puis de froidement insulter et cogner à vingt.
Et ma patience allait en s'amenuisant.Je me demande bien ce qui me conditionne à être un tel con. Et si ces perpétuels accès de rage n'allaient pas finir par me causer des problèmes cardiaques.
Henry.
Prononcer ce nom me fait peur. Le penser aussi, me fait peur. En fait, je suis carrément mort de trouille à l'idée de le recroiser de nouveau.
La même université... Combien de chances y'avait-il pour que cela se produise ? Je soupçonne Martin d'y être pour quelque chose mais je me reprends. Ma colère m'aveugle bien trop souvent à mon goût.
J'inspire difficilement. Je n'ai pas revu Henry depuis l'incident de la librairie, quand l'ambulance est venue le chercher, en sang, étendu sur le verre cassé.
Que pense-t-il de moi à présent ? J'ai tenu cette question à distance trop longtemps, en pensant ne jamais le voir de ma vie, mais maintenant je m'interroge.Que pense-t-il de moi à présent ?

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Mortal Venom
Teen FictionIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...