Je n'ai pas réussi à prononcer une parole durant un court instant. Puis j'ai repris mes esprits.-Je venais simplement te remercier d'avoir sauvé Colleen, fais-je, sur la défensive. C'est tout.
Martin grimace en essayant de se redresser. Je ne l'aide pas, de nouveau furieux et prêt à détaler.
-Tu pourrais quand même faire semblant d'avoir plus de compassion.
-Mais je n'en ai pas. Fin de l'histoire, tranché-je implacable.
-Quand je pense que j'ai fait exprès de vous cacher ça, exulte Martin en riant. (Une violente quinte de toux le saisit, pendant une dizaine de secondes) Parce que je savais ! Je savais que tu réagirais comme ça Aidan ! Je n'en reviens pas de la quantité de haine que tu caches en toi ! Je n'en reviens pas d'avoir élevé....une espèce de lâche ! s'écrie-t-il malgré sa faiblesse. Tu es toujours en train de fuir ! Fuir ta famille, fuir tes amis, fuir ceux que tu aimes ! Ce n'est pas vivre, ça !
La haine, dont il parle et qu'il nomme si bien, sort d'un coup de son repaire : à savoir mon âme.
-La ferme ! crié-je en tapant le mur avec une force qui me brise les articulations. Tu n'as pas ton mot à dire là-dessus !
Et comme je n'ai plus rien à ajouter, sinon une volée de coups, je quitte la pièce, dégrisé par ce qu'il vient de me dire.
Espèce de lâche.
J'essaie de me convaincre que c'est faux, qu'il ne peut pas dire la vérité, mais je commence à avoir des sérieux doutes. Parce que sa voix continue de résonner dans ma tête.
Espèce de lâche.
Mon cœur se met à battre de plus en plus vite. Je n'aurais pas dû venir. Colleen n'a pas besoin de moi ; elle a sa mère. Je ne suis bon qu'à créer des problèmes et faire du mal aux autres. Je prends un autre chemin que le principal, pour sortir d'ici.
Hors de question de croiser Scarlett.
Je serais bien incapable de me justifier de toute façon. Je descends les escaliers du troisième étage à toute vitesse en balançant la blouse et le masque.
Espèce de lâche.
Putain, je suis en train de devenir fou. La voix ne cesse de répéter sa litanie à l'intérieur de ma tête. Je me plaque les mains sur les oreilles, en essayant d'accélérer. Une bouffée de claustrophobie m'envahit, me plongeant dans une palette de sentiments négatifs. Faites que ça s'arrête, faites que ça s'arrête, faites que ça s'arrête...
Quand j'étais gamin, ça m'arrivait souvent. Comme si j'avais la tête prise dans un étau, je me mettais à crier pour que tout ça s'arrête. Scarlett me prenait alors dans ses bras, attendant, parfois des heures, que je me calme. Et quand rien ne pouvait me consoler, elle me laissait dormir avec elle et Martin, jusqu'à ce que je succombe à l'épuisement.
Espèce de lâche.
Ils ont adopté l'enfant le plus difficile au monde. Le plus compliqué. Le moins reconnaissant. Et alors que je commençais à me sentir enfin chez moi, ils m'ont trahi.
J'arrive au rez-de-chaussée comme une furie, et m'évade enfin de la prison qu'est devenue Memorial.
Une fois dehors, je reprends enfin mon souffle, dégoûté de la situation, mais avant tout, dégoûté de moi-même.Je manque de faire un bond en l'air quand quelqu'un me touche l'épaule, mais il ne s'agit que de Henry.
La confusion qui m'anime me joue des tours et je recule instinctivement, cherchant à mettre de la distance entre lui et moi. Le parking me paraît bien désert tout à coup.

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Mortal Venom
Teen FictionIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...