32-Bad mood

1.7K 141 5
                                    

-T'as marqué un point, là, dis-je la bouche pleine.

  Je n'étais pas un fervent amateur des fruits de mer, mais ces beignets au calamar m'ont immédiatement convaincu.

   Je me trouve avec Henry à Ō zen, le seul restaurant japonais du coin avec buffet à volonté.

  Je ne cesse de jeter un coup d'œil par la fenêtre pour m'assurer que la voiture de Brenna est bien en place. Il ne s'agirait pas d'avoir des réparations astronomiques à faire à nouveau.

  Même si je me suis prétendu as du volant, j'ai dû admettre mon impossibilité à me garer et laisser faire Henry. Je n'ai pas encore l'instinct du créneau sur une place riquiqui.

-Je t'avais dit que c'était bon, se vante celui-ci.

  Je hausse les épaules.

-Ouais, le poisson, c'est pas vraiment mon truc d'habitude. En tant que carnivore accompli, tout ça.

-Quel égarement, se moque Henry.

-Ce n'est pas moi qui suis végétarien à 50%, lui rappelé-je.

-50, c'est toujours mieux que 0, se défend-il. Ou d'être cannibale.

-On devrait venir ici plus souvent, remarqué-je en prenant une quatrième assiette.

-C'est pas possible, fait Henry en secouant la tête. Tu n'es jamais rassasié ?

-Jamais, je réponds la bouche pleine.

  Et je continue de m'empiffrer, parce qu'un buffet à volonté...eh bien, c'est à volonté. Et je ne suis pas du genre à laisser des restes. Avec moi, le gaspillage n'existe pas.

  Je remarque le silence de Henry lorsque j'engloutis la dernière crevette (en oubliant la signification de mâcher, comme d'habitude).

  Il plisse les yeux vers la fenêtre.

-Qu'est-ce qui se passe ? m'enquis-je.

-On a de la compagnie, dit-il simplement.

  Mes muscles se crispent malgré eux, pendant que j'essaie de déterminer qui peut bien venir nous chercher des noises. Pas Brenna quand même ? Elle doit être furieuse que je me suis approprié sa voiture, mais elle ne saurait pas où....

  Mince, la balise GPS. J'aurais dû la débrancher bien sûr, mais ma tête était complètement ailleurs. Je sens que je vais le payer cher, mais ce n'est pas Brenna qui pousse la porte du restaurant, mais Martin, l'air furieux.

  Il ne met que deux secondes à me repérer et se dirige d'un pas décidé vers notre table. Trop tard pour envisager la fuite : il me barre la route vers la sortie.
  Je me lève quand même, essayant d'évaluer mes chances de survie après cette confrontation. Elles sont malheureusement très faibles.

  Martin arrive devant moi, et croise les bras, vêtu de son costard gris (assorti à sa foutue caisse anthracite) sur mesure et sa Rolex argentée. Même pour aller chercher son imbécile de fils adoptif dans un restau minable, il se sent obligé d'exhiber le fait qu'il soit plein aux as.

   J'ai de moins en moins envie de l'écouter.

-Il faut qu'on parle, se croit-il obligé de me rappeler.

-OK, je finis par accepter.

  Martin me regarde ostensiblement.

-Seul à seul.

  Henry se lève déjà, prêt à s'en aller, mais je l'attrape par le bras.
-Non. Parce que quoi que tu me dises, je le lui répéterai après, donc pas besoin de faire de vagues.

Mortal VenomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant