Mortal Venom

28-What's next ?

Ça m'a fait tout drôle de dormir dans ma chambre.
Dans l'absolu, rien n'avait changé de place depuis que j'étais parti, même si la tirelire que je cachais derrière l'armoire a disparu.
Adieu mes maigres économies.

Mais sinon, les murs bleus, la vieille commode bancale avec la lampe de chevet tordue, le tapis en cachemire,...Tout était là, a portée de main.

J'ai laissé les heures défiler, allongé sur mon vieux matelas, à passer en revue les anciens souvenirs que j'avais d'ici. Mes comics étaient-ils encore à l'abris
dans mes tiroirs ?

Je voulais vérifier mais l'épuisement me clouait dans ma position fœtale. J'étais si fatigué que je me suis endormi au bout de seulement une demi-heure. Résultat d'une journée plus que bizarre, dans tous les sens du terme.

  Le lendemain, je sors du sommeil avec une idée fixe en tête : arranger les choses avec l'histoire de Marie-Lou. Oui, ce ne sont pas mes affaires, et oui, elle va sûrement me détester d'être intervenu, mais personnellement, je ne crois pas trop à sa promesse de parler Aave.

Surtout que si je me souviens bien, ce dernier avait prévu de partir en vacances je ne sais où avec sa famille. S'ils sont déjà hors de Los Angeles, c'est foutu.

  Je me lève en toute hâte, faisant ma toilette et prenant un petit déjeuner substantiel le plus rapidement possible.

  J'enfile un sweat-shirt (celui que je portais à la fête foraine) et un jogging gris foncé, avec ma paire d'Air Max qui traîne par terre, avant de courir hors de la maison, sans prévenir personne de mon départ. Tant pis.

  Espérons que Brenna ne croit pas que je me sois enfui de nouveau ; elle ferait probablement une crise cardiaque.

  Le trajet jusqu'à la fraternité où squattent les William la plupart du temps est à bonne distance de mon quartier. Elle se situe tout proche du littoral, dans la partie sud du campus.

   Comme je n'ai pas de voiture (ni de permis d'ailleurs), je m'y rends à pied, en courant, ce qui n'est pas mal en soi, ça me fait un jogging matinal.

  J'en profite pour sortir mes écouteurs et me brancher sur une playlist d'une trentaine de titres, ce qui devrait tenir jusqu'à Saltwood, au moins.
  Le volume monté au maximum, les chansons de OneRepublic m'explosent dans les oreilles. Ça a toujours été le groupe préféré de Henry, mais récemment, je me suis également laissé porter. Counting Stars, Start Again, What you wanted puis ma préférée : Kids.

  Après avoir longé la route de Long Beach, celle avec les faux palmiers plantés le long du chemin, je me retrouve devant la partie sud de Saltwood.

   Vivre ici est assez cool car la vue est magnifique évidemment, et que la plage se trouve à deux pas.
  Aujourd'hui, il ne fait pas très bon, certes : le ciel est un peu grisâtre et le vent souffle sans répit. Mais les jours de beau temps, cet endroit est juste génial.
   Je frappe à la porte, en espérant de tout mon cœur que ces imbéciles de sportifs n'aient pas encore mis les voiles.
  Puis je tourne la tête, et aperçois un pick-up bleu clair sortir de la place où il est garé.
  La voiture d'Asher.

  Je m'élance à toute vitesse, en piquant un sprint digne d'un Usain Bolt dopé aux stéroïdes.
  Heureusement, je l'intercepte avant qu'il s'engage dans la route.

-Hé ! s'indigne le conducteur, qui n'est d'autre que l'insatiable Asher William, alias la Terreur de la Glace.

   C'est également mon jour de chance car Aave est avec lui, boudant sur le siège passager. Jusqu'à ce qu'il me reconnaisse.

-Goldshard ! s'exclame-t-il avec son tact habituel. Tu as décidé de nous pourrir les vacances ou quoi ?

  Je lève les mains en l'air, en signe d'apaisement, parce qu'Asher peut toujours décider de m'écraser.

-Je dois te parler, mec. Seul à seul.

  Aave tourne sa casquette des Bruins à l'envers et fait la moue.

-Pourquoi seul à seul ? Tu veux me draguer ou quoi ? Parce que je ne suis pas inté...

-Ta gueule, William, râlé-je en lui faisant un bras d'honneur à distance. Et amène-toi vite fait.

  L'excentrique capitaine de l'équipe de hockey de Saltwood finit par obtempérer, non sans rouspéter une dernière fois.

  Je le tire par le bras pour l'amener à l'écart, devant une benne à ordures, qui a une odeur absolument immonde et infecte à la fois. En comparaison, le crottin de cheval serait mille fois plus préférable. Les mouches qui se débattent au-dessus commencent à venir nous embêter. Trop tard pour faire le difficile maintenant.

-J'espère vraiment que ça en vaut la peine, Goldshard. Ça sent pire que quand Jakes lève les bras.
-Oui. Je t'assure que oui.
   Aave retire sa casquette pour se passer la main dans sa tignasse aux reflets de jais.
-Donc...s'impatiente-t-il avec un soupir.
-Euh...C'est à propos de...Marie-Lou.

  Son sourire nonchalant disparait immédiatement et son expression se fige.

-Comment tu peux être au courant ?
  Je ne sais pas trop quoi dire alors j'opte pour une réponse évasive.
-C'est la sœur de Henry.
-Putain de merde, se désole-t-il.

   La partie la plus difficile s'engage. Je n'ai pas l'intention de tout lui révéler, mais il faut qu'il aille s'expliquer avec elle. Je ne vois qu'une solution.

-Elle a cassé avec Adam, je lui apprends.

  La réaction d'Aave me prend totalement au dépourvu. Après une seconde de stupéfaction, il me tourne le dos pour se précipiter vers le pick-up de son frère.

  Intrigué, je le suis en courant, pour le voir bondir par dessus la portière et se réceptionner sur le siège de devant.
-Waouh. Qu'est ce qui se passe ? s'étonne Asher.
  Aave me tend la main pour me faire signe de monter.
  Je l'attrape et me fait refourguer à l'arrière, sans place pour m'assoir.
-Chez les Wixells, ordonne-t-il d'un coup. En quatrième vitesse.

   Asher ne demande aucune explication, ne pose même pas de questions et s'exécute. Franchement, je suis admiratif de ce gars. Aave a de la chance d'avoir un frère aussi compréhensif. La voiture démarre sur les chapeaux de roue, me faisant basculer en arrière. Je manque de me fracasser la tête mais mes coudes m'empêchent de me briser le crâne en absorbant le choc à sa place.

  Je me demande encore si j'ai fait le bon choix en intervenant alors que nous arrivons dans le quartier hupé des Wixells.