Je frappe la balle à revers en reculant. Puis je m'énerve.
-Coach ! Trent n'était pas censé l'avoir celle-là ?
-Pas faux. Trent, réagis ! s'égosille notre quadragénaire entraîneur. Sinon Carter te remplace.Trent plisse les lèvres. Il n'a aucune envie de rester sur le banc. Mais nos effectifs nécessitent qu'au moins cinq joueurs restent sur la touche. Et là, Trent vient de laisser passer plusieurs balles, que j'ai dû renvoyer un extremis, vu que je suis en duo avec lui.
En face, nos deux adversaires travaillent en symbiose, et même s'ils ne sont pas excellents, ils se complètent parfaitement.
Ce qui n'est pas le cas de Trent et moi.Je jette ma raquette par terre, à bout de patience.
-Carter n'a qu'à me remplacer, moi, dis-je à voix haute.
J'affiche mon mécontentement devant tout le monde.
Carter se lève tout heureux, attendant l'aval de Jakes, tandis que Trent vire au rouge écrevisse. Il se fait laminer le pauvre.Mais je n'y peux rien s'il est nul. Il n'aurait pas dû choisir ce sport. Si moi j'ai accepté, c'est parce qu'au tennis, il n'est pas impossible de jouer perso.
Le problème, c'est que dans les matchs locaux, on fait souvent des doublets.Ce qui m'horripile. Avec Trent, on file droit à la catastrophe.
-Un peu de respect pour tes coéquipiers, me sermonne Jakes. Sors deux secondes pour te calmer Goldshard.
Je ne me fais pas prier et quitte le terrain, laissant Trent et sa honte opérer.
En remontant par l'aile nord, je croise la bande de hockeyeurs en plein défoulement : ils ont dû être sélectionnés pour le nouveau tournoi. Je fais mine de les dépasser, mais Aave, le capitaine intempestif de ces joyeux poulains, m'attrape par le bras.
-Aidan ! me lance-t-il plus fort que nécessaire. Pourquoi partir aussi vite ? Tu ne veux pas savoir la nouvelle ?
-Je la sais déjà, dis-je en anticipant sa réponse. Vous êtes en lice pour le nouveau championnat, bravo.
Aave lève les yeux au plafond.-Bah oui, tout le monde le sait, ça, mais ce que j'essaie de te dire, c'est qu'on organise une fête à la fraternité samedi soir !
Je m'y attendais un peu, vu leur ego surdimensionné. Chaque occasion est bonne à fêter avec eux. Mais je déteste ce genre de soirée. Qui sait ce que je ferais sous l'emprise de l'alcool ? Mieux valait rester en dehors de tout ça.
-Déjà quelque chose de prévu, éludé-je.
-Un rencard ? me pousse Aave avec un clin d'œil complice.Je me retiens de lui envoyer une droite.
-Pas tes affaires.Dans ma tête, je voulais être gentil, mais j'ai l'impression que la réalité a sonné beaucoup moins amicale.
-Roooh, faut pas te braquer, Goldshard. C'est pas grave d'être amoureux. Elle s'appelle comment ?
Tout tourne autour des filles pour eux, j'ai l'impression. Enfin, les nuits sans lendemain quoi. Je crois qu'aucun d'entre eux n'est genre à se prendre la tête avec des relations sérieuses. Comme moi.
Aave est sympa de continuer à supporter mes sautes d'humeur imprévisibles, car je soupçonne quelques uns de ses coéquipiers de ne pas trop m'apprécier. Je peux les comprendre.
Alors j'essaie de faire un effort.-Ouais, c'est cool, dis-je en évitant la question et le mensonge qui va avec.
Parce que je n'ai strictement rien de prévu ce week-end. Parce que j'évite de sortir le plus possible. Parce que je ne suis pas, et ne serai jamais amoureux.
Mais heureusement pour moi, je suis un excellent menteur.-Bon, tant pis pour samedi alors. Tu rates quand même un truc de dingue ! précise Aave avant de déguerpir avec ses amis.
Tu parles. Rater quoi ? Dans une semaine, ils auront trouvé un nouveau prétexte pour organiser une autre teuf de ce genre. Accablant.
******************************
Je n'ai tellement pas de vie sociale que je me jette à corps perdu dans mes devoirs en plein samedi.
Quand les jeunes de mon âge sortent avec leurs amis, moi je reste cloîtré dans un appartement miteux à essayer de pondre une dissertation sur la perception du syndrome de Stockholm.
J'ai été tenté d'écrire que tout ça n'était qu'une connerie, comme quoi éprouver de l'empathie pour son bourreau était une marque de faiblesse psychologique flagrante, et que par conséquent, les victimes n'avaient pas toute leur tête, et leur avis n'était pas à prendre en compte.
Mais je savais que le professeur n'attendait pas ça, alors j'ai joué les hypocrites, et soutenu que parfois le cœur a ses raisons que la raison ignore. Une belle phrase de con, si vous voulez mon avis.
À vingt-deux heures trente, j'ai fait une pause pour manger les restes d'omelette espagnole que Grayer avait mis de côté.
Il n'est toujours pas rentré d'ailleurs. Je le soupçonne d'être à McDonald, avec une flopée d'imbéciles, à s'envoyer des triple cheeseburgers.Grayer ne cesse de se plaindre de prendre des kilos en trop, mais il bouffe dix tacos par seconde. Je n'aime pas jeter la pierre pour un oui ou pour un non, mais s'il veut vraiment maigrir, pourquoi ne se fait-il pas aider ?
Si au moins il allait à la salle...Il a pris un abonnement d'ailleurs, mais n'y va jamais.
Je lui pique quelque fois sa carte et me fais passer pour lui quand j'ai envie de me dépenser gratuitement. Mais bon, il n'a pas besoin de le savoir.
Ma solitude commence à me peser et mes pensées dérivent vers cette fête où j'ai refusé de participer. Je ne suis plus trop convaincu d'avoir fait le bon choix, ça m'aurait peut-être changé les idées.
Puis je me souviens d'autre chose. Brenna.
Et mince, j'avais dit que je ne me mêlerai pas de ses affaires, alors je n'interviens pas. Point final.
Je tiens deux minutes avant de sortir de l'appart comme un forcené et dégainer mon téléphone. J'espère juste qu'elle n'a pas changé de numéro depuis le temps.
Une sonnerie. Deux sonneries. Trois.
Mince, réponds à la fin !-Allô ?
Le soulagement m'envahit. Je me suis vraiment inquiété pour rien.
-Aidan ?
Ah. Elle a reconnu mon numéro. J'entends plusieurs personnes rigoler en fond sonore ainsi qu'une musique de Fifth Harmony. Un doute me saisit.-T'es où ? demandé-je subitement.
Elle ne répond pas tout de suite, le temps de demander à quelqu'un avec elle de se taire. Je jette un coup d'œil à ma montre : il est minuit passé.
-Bah...Pas à la maison, là, lâche-t-elle.
-T'as laissé Colleen toute seule ?
-Idiot. Elle dort chez sa copine, la rousse là, Iris.
-Brenna, je te le demande une dernière fois. Tu. Es. Où. Exactement ?
J'entends tout à coup un coup de klaxon dans le combiné et je me maudis intérieurement.
-T'es en train de conduire, imbécile ??? explosé-je tout à coup.
-Oh, ça va. Je n'ai pas bu une seule goutte ce soir. Je ramène juste deux amies chez elles.
-C'est ça, joue les chauffeurs ! hurlé-je comme un con. Dis-moi tout de suite où tu es, putain !
-Aidan, calme-toi ! Je suis à côté du supermarché, sur la route de la colline où il n'y a personne. C'est pas comme si je savais pas...Un incroyable crissement de pneu se fait entendre par le haut-parleur. Mon sang se fige dans mes veines. Des cris stridents suivent, plus surnaturels les uns que les autres. Et parmi eux, celui de Brenna.
-Aidan !!!Le bruissement des pneus cesse instaténament, en même temps qu'un choc épouvantable envahit mes oreilles.
Puis plus rien.
Plus de cris.
Plus de bruit.
Rien.-Brenna ? dis-je en espérant me réveiller de ce cauchemar.
Mais aucune voix ne vient me répondre.
-Brenna, tu m'entends ? S'il te plaît, réponds.
Rien.
Le vide.
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Mortal Venom
Novela JuvenilIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...