Mortal Venom

16-Out of the dream

La journée à marquer d'une pierre blanche est officiellement derrière moi.
Me voici de retour sur le foutu campus de Saltwood, où rien ne semble avoir changé depuis la semaine dernière. A part moi.

L'incident du Millénium Rider a malheureusement fait les gros titres, et je suis malgré moi devenu le centre d'attention de la plupart des étudiants. Ce qui avait franchement de quoi me déplaire. La question qui me mettait le plus en colère était :
-Bon sang, t'es vraiment tombé dans les pommes, Goldshard ?

Je fuyais comme de la peste ces imbéciles qui n'en croyaient pas leurs oreilles que le teigneux reclus se soit tout simplement évanoui sur un petit manège de rien du tout. Même si je pouvais mettre ma main à couper que les trois quarts d'entre eux ne monteraient jamais pour rien au monde dans le Millénium.
Bande d'hypocrites.

Alors que je déjeune dans mon coin, derrière la maintenance désaffectée des salles de chimie, comme d'habitude, je me fais rejoindre par un visiteur inattendu.

-Aidan ! lance Cress en m'apercevant dans mon nouveau havre. Tu as le chic pour trouver les cachettes les plus incongrues, en fait.

Cressida Holmes, ou Cress pour les intimes est une première année qui s'est forgée une réputation de rock-girl hyper talentueuse. Je crois qu'elle a un cousin qui est star de hip-hop ou un truc du genre, et qu'elle a plus de 968k abonnés instagram. Et un peu plus sur YouTube.
-Et toi, tu as le chic pour arriver à me trouver à chaque fois que je veux t'éviter.

Elle lève ses yeux bleus au ciel, estomaquée. Ce n'est pas que je hais Cressida; c'est même une fille géniale, mais j'ai l'impression qu'elle m'idéalise beaucoup trop et qu'elle fait une fixette sur moi.

J'ai dû coucher une fois ou deux avec elle par inadvertance, même si je lui avais explicitement fait comprendre que tout ça pour moi ne voulait rien dire, mais elle persiste à vouloir rester amie avec moi, ce qui me contrarie. Imaginez un peu qu'elle tombe amoureuse de moi, là, ce sera la panique totale.

Je préfère limiter le nombre de personnes malheureuses à cause de moi ces temps-ci.

-Et pourquoi tu veux m'éviter au juste, Aidan ? Tu sais très bien que je me fiche de ton histoire de fête foraine !

Je hausse les épaules et engloutis le reste de ma portion de frites à la sauce chinoise.

-Ce n'est pas à cause de ça, et tu le sais très bien. J'ai juste envie qu'on se voie moins, balancé-je sans filtre.
-Oh, tu m'énerves, se lamente-t-elle en croisant les bras. Je t'ai dit cent fois que je n'étais pas amoureuse de toi. Tu es peut-être un bon coup, mais tu n'es pas du tout mon genre, petit prétentieux.
-Ouais, mais vous dites toutes ça, les filles. Et après, on doit vous ramasser à la petite cuillère.
-Oh, tant pis pour toi. Tu rates un super passe-temps, ajoute-t-elle en se passant les mains du buste à la taille.

J'éclate de rire. Elle ne se gêne jamais pour me rappeler ses atouts, ou me dire ses quatre vérités. Soyons honnêtes, c'est pour ça que je suis resté aussi longtemps en bons termes avec elle.

-Tu sais où me trouver si jamais tu arrêtes de bouder, achève Cress.
Puis elle penche sa chevelure blonde vers moi pour me planter un baiser sur la tempe.
Avant de détaler, en pas chassés, vers le tumulte de la grande cour.

Je m'essuie le front, agacé par toujours autant de familiarité. Je déteste l'université. Franchement, ça n'a pas été créé pour moi.

L'après-midi s'écoule comme dans un rêve, où je n'écoute rien à la géographie et à l'histoire des arts. Je n'ai pas la tête à étudier en ce moment, je crois d'ailleurs que je n'ai jamais eu la tête à ça.