Elle m'aura eu jusqu'au bout. Mais je m'attache quand même au siège, car sans cette double ceinture de sécurité, c'est la mort assurée. Remarque : c'est peut-être préférable.
Le responsable checke les derniers retardataires tandis que Brenna nous encourage faussement de l'autre côté de la barrière.
Je me tourne vers Henry, qui n'a pas du tout à l'air d'avoir la moindre appréhension, contrairement aux gémissements plaintifs qu'on entend tout autour de nous. Il va encore y avoir des vomissements.
Ça a beau être ma première fois, je ne suis pas du tout stressé à l'idée de me retrouver propulsé à quarante mètres d'altitude. J'aurais même pris mon téléphone pour filmer ça, mais ils sont interdits, faute d'habitacle.
-Tu n'as pas le vertige ? demandé-je en balançant mes jambes dans le vide.
-S'il te plaît, tu parles à un surfer, se vexe-t-il.
-Je ne vois pas le rapport.
-Bon, à L.A, c'est peut-être rare, mais je t'assure qu'en Floride, les vagues peuvent atteindre facilement une quinzaine de mètres.-Et tu n'as jamais peur ?
-Quoi ? De me noyer ? Ou de la hauteur ?
-Les deux.
-De me noyer, si. Mais jamais de la hauteur. Je ne sais pas, t'as l'impression d'être au-dessus du monde, d'être....
-Libre.
-Exactement.Et le manège s'ébroue. Beaucoup de gens reviennent à la réalité et réclament à descendre, mais le Millénium s'élève déjà, tout doucement pour commencer.
-C'est nul, constaté-je une fois les vingt mètres dépassés à une vitesse de tortue.
-C'est parce que t'es un rabat-joie, se désole Henry. Regarde ça.Et il me tourne la tête vers la droite, vers le soleil qui descend à l'horizon, et les lumières du parc qui commencent à s'allumer. Vu d'ici, c'est vrai que c'est pas mal. Mais hors de question de l'avouer.
-Bah, j'ai déjà vu un...Soudain, la barre centrale se met à pivoter. On entre enfin réellement dans le véritable esprit du Millénium Rider. Des cris d'appréhension se font entendre, alors que les rouleaux se mettent à tourner à trois cents soixante degrés. Je me retrouve la tête à l'envers, à trente mètres d'altitude. Mais je croise les bras. Peut mieux faire.
-On dirait que les choses sérieuses commencent ! doit crier Henry pour que je l'entende au-dessus du vacarme.Et l'attache glisse pour nous propulser en chute libre vers le sol.
La vitesse est vertigineuse, surtout que les rouleaux n'arrêtent pas de tourner, qu'on se retrouve à tournoyer comme des toupies, alors qu'on tombe, tombe,...
C'est exaltant.
Mais ce qui l'est encore plus, c'est de voir l'enthousiasme de Henry, mêlé à la peur pathétique des autres passagers. Contrairement à eux, il est parfaitement dans son élément.Le manège s'arrête brutalement à vingt centimètres du sol, s'immobilisant enfin pour permettre aux petites natures de reprendre leurs esprits.
La plupart dégage en deux temps trois mouvement, sûrement en direction des toilettes, mais Henry se tourne vers moi d'un regard suppliant.
-Ne me dis pas que t'as pas envie de remettre ça !
-Et comment !
Pour une fois, mon cœur parle avant ma tête, et qui sait, c'est peut-être une bonne chose ?Le moniteur parait surpris de voir deux passagers vouloir remettre ça, mais il ne fait aucun commentaire. Tant mieux.
La deuxième fois est encore plus géniale que la première, car le nombre de gens sensibles a clairement diminué, et nous n'avons plus à nous plaindre des jacassements. Je laisse même exploser ma joie au moment de la descente infernale.
Suite à ce déluge incroyable de sensations fortes, c'est moi qui réclame une troisième.
Le Millénium Rider....
Je ne l'avouerai sans doute jamais, mais je suis bien content de partager ça avec Henry. Brenna n'aurait pas cessé de hurler, et Grayer m'aurait craché son déjeuner à la figure.Le manège remonte une dernière fois la barre des trente mètres de haut. Cette fois-ci, sous mes pieds, il fait nuit. Et les lumières sont cent fois plus éblouissantes. Je me tourne vers Henry, qui regarde la même chose que moi. La clarté nocturne le rend mille fois plus beau, en jetant des ombres sur ses sourcils et ses yeux. Il n'a même pas l'air de s'en rendre compte à quel point, des fois.
J'ai soudain envie de toucher son visage, moi qui n'ai jamais envie de rien, et qui pensais passer la pire journée de ma vie ici. C'est bizarre et ça me rend tordu, mais....
Je suis bien en peine de l'expliquer.
Alors je ne fais rien, et commence à me triturer les poignets.-Aidan ?
Mince. Se pourrait-il qu'il ait deviné mes pensées ?
-Quoi ?
Il prend soin de choisir ses mots.
-Est-ce que ça voulait dire quelque chose pour toi ce qu'on a vécu aujourd'hui ? demande-t-il en évitant mon regard.
QUOI ?
Je fronce les sourcils puis secoue la tête, paumé.
-Calme-toi, ajoute-t-il en me voyant paniquer. Je te demandais juste si on allait recommencer à s'ignorer en faisant comme si rien de tout ça n'est arrivé.
Le rouleau se retourne, nous mettant la tête en bas.
-Bah...
En temps ordinaire, j'aurais vraiment été capable de répondre que non, ça ne changerait rien. Parce qu'il ne faut pas en vouloir trop, et que je suis une mauvaise fréquentation, et tout le reste.
Mais...Suis-je prêt à renoncer à tout ça ? Cette nouvelle vague d'énergie que j'ai senti déferler en moi quand je m'amusais enfin pour de vrai, ces souvenirs qui ne sont pas tous aussi douloureux que ça enfin de compte, son visage qui...qui...
Il y'a un truc qui cloche.-Je ne te demande pas qu'on redevienne les meilleurs amis du monde, crois-moi, je n'en ai pas du tout envie, mais ce serait déjà une étape de ne plus s'éviter à longueur de temps, concède-t-il.
-Henry....Il semble lui aussi soudainement réaliser que quelque chose ne va pas. On a la tête à l'envers depuis trop longtemps. On aurait dû redescendre il y'a pas mal de temps maintenant.
-Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi on ne bouge plus ? m'indigné-je en me contorsionnant pour apercevoir le contre-bas (Une grosse poutre métallique me bouche la vue).
En même temps, une sensation désagréable me monte au cerveau.
Henry me retient par le bras.-Arrête de t'agiter comme ça. Tu vas tomber.
-Pourquoi j'ai mal à la tête comme ça ?
-C'est ton sang qui quitte tes jambes pour remonter dans ton crâne.
-Super, j'ai toujours rêvé d'avoir le visage de la même couleur que mes cheveux, essayé-je de plaisanter malgré mon envie d'exploser.
-Tu n'es même pas roux, fait remarquer Henry en continuant de surveiller le sol.Une panne. C'est le mot qui me vient à l'esprit. Une panne. J'ai de plus en plus de mal à respirer.
-Ouais, ouais. Ma génétique a planté, et ce n'est pas ton cas, on a pigé.
-Comment ça...a planté ? Attends, me nargue-t-il, tu viens vraiment de dire que tu me trouves beau ?Je ne sais plus ce que j'ai dit, et bientôt, je ne saurais même plus comment je m'appelle. J'ai si mal au crâne...
Henry réalise tout à coup l'état critique dans lequel je me trouve.-Oh, bon sang, Aidan, tu vires au violet !
-Mais pourquoi..Tu n'as pas mal, toi ?
-T'occupe pas de moi, imbécile, j'ai déjà eu l'habitude de ce genre de situations. Contente-toi de respirer ! (Il se tourne vers le sol) Ils ne peuvent pas se dépêcher, eux ????J'essaie de faire rentrer de l'air dans mes poumons, mais j'ai oublié comment on fait. La seule chose qui m'empêche de m'évanouir comme une sous-merde à côté de Henry, c'est ma fierté. Le score est à 98% de volonté contre 2% d'énergie.
-Eh, ne t'endors pas, OK ?
Mes yeux sont déjà plus ou moins en train de se fermer tous seuls ; ma tête me semble beaucoup trop lourde à supporter. Je ne vais pas y arriver...
-Je t'en prie, Aidan, ne t'endors pas, répète-t-il en saisissant ma main.Non, je ne vais pas m'endormir.
Bien sûr que non.
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Mortal Venom
Novela JuvenilIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...