Comme à ma fâcheuse tendance, je réagis au quart de tour et agis sans réfléchir.
Je quitte ma cachette naze pour apparaître dans le champ de vision de Marie-Lou, qui se renfrogne immédiatement en me voyant. Elle raccroche son téléphone et le range dans la poche de son long manteau bleu marine.
-Aidan ? sort-elle avec dégoût. Tu viens encore chercher des noises à Henry ? Dans ce cas, tu peux t'en aller tout de suite.
-Non, je venais lui parler mais...
-Tu n'as rien à lui dire, me coupe-t-elle. Ne reviens plus jamais, tu m'entends ? Il a assez souffert comme ça.Je serre les poings. Elle ne m'écoutera jamais. Alors je change de tactique.
-C'est à toi que je viens parler, alors.
-Tu as dix secondes pour dire ce que tu as à dire, s'impatiente-t-elle.
-Aave. Aave William, tu le connais ? demandé-je maladroitement.Elle fronce les sourcils puis arrondit la bouche de surprise.
-Espèce de connard ! Tu m'espionnais ?!!
-Tu ne devrais pas t'énerver comme ça, dis-je calmement. Ce n'est pas bon pour le bébé.
-Dégage. Tout de suite, affirme-t-elle en me désignant la rue du doigt.
-Et tu devrais vraiment faire ce test ADN, ajouté-je.
-Arrête ! Tu n'as aucune idée de quoi tu parles ! s'exclame Marie-Lou. Tu ne sais pas...
-Je ne vais pas m'en mêler, la rassuré-je. Mais ce ne serait pas juste pour ton fiancé de...Elle m'envoie une gifle, en pleine figure, tellement fort, que je vois double pendant deux secondes. La douleur explose, incontrôlable. Je dois pincer les lèvres pour ne pas crier.
-Pour qui te prends-tu ? sanglote soudainement Marie-Lou. Tu es un poison, Aidan !
Les larmes aux yeux, elle tourne les talons et s'éloigne d'un pas rageur, en remontant la rue.
Je me frotte la joue, déçu de ne pas m'être fait écouter, et de ne pas en avoir appris plus.
Puis je le remarque, adossé à la porte, les bras croisés, l'air furieux.
Mince, il a entendu...-Heu...Henry ?
Je n'étais pas venu pour découvrir tout ça à la base, il le faut un peu de temps pour me rappeler ce que j'étais venu lui dire.
-Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? On se met d'accord pour ne plus se voir et arrêter de s'emmerder mutuellement, et toi, tu trouves le moyen de revenir, et en plus, tu fais pleurer ma sœur ?
-Non, ça ne s'est pas passé exactement comme ça..
-Tu as raison. Je ne sais pas comment j'ai fait pour avoir des sentiments pour un connard comme toi !! Va te faire foutre ! me lance-t-il avec un doigt d'honneur.Puis il retourne à l'intérieur en claquant la porte.
Le voir tourner les talons m'emplit tout à coup d'une panique que je n'avais jamais ressenti avant. Le genre qui vous fait perdre tous vos moyens pour vous pousser à faire des conneries.
La phrase d'Aave me revient en mémoire.
Si jamais tu tombes amoureux, ne laisse jamais cette occasion partir par fierté.
L'adrénaline me pique, et déverrouille mes muscles figés. Je me lance, sans comprendre comment, à sa poursuite, et traverse la salle d'attente bondée d'animaux mal en point, et de personnes âgées.Je le rejoins dans un couloir adjacent, désert, en train de s'éloigner rageusement.
Pas question qu'il s'en aille. Pas cette fois.
Je le rattrape, à mi-chemin, par l'épaule, et sans crier gare, je le plaque contre le mur avec une force inouïe.
-Lâche-moi, Aidan ! me hurle-t-il sans ménagement, en essayant de se dégager. Lâche-moi ! Et arrête de faire comme si t'en as quelque chose à faire de moi !!!
Ses yeux bruns n'ont plus la moindre once de douceur. J'essaie de réfléchir quoi répondre, mais avec mon bras qui l'immobilise, je suis quasiment en train de l'étrangler.
Bon sang, je perds encore les pédales. Qu'est-ce que je dois faire, putain ?
Qu'est-ce que je dois faire ?La seule chose qui me vient à l'esprit, la seule chose qui me parait approprié, la seule qui ait du sens à cet instant.
Je sais que c'est stupide, et que c'est même voire carrément du suicide, mais je le fais. Je presse mes lèvres contre les siennes.Je ne ferme même pas les paupières. Je ne baisse pas les yeux. C'est pourquoi à ce moment-là, je vois la confusion extrême qui s'empare de son regard. Il ne doit absolument pas comprendre ce que je suis en train de faire.
Remarque : moi non plus.Mais Henry finit par me repousser violemment.
-Putain, qu'est-ce que tu fais ? s'exclame-t-il, choqué.
-Bah, je t'embrasse là.
-OK, correction : pourquoi tu fais ça ?Mhm, voilà qui va être nettement plus difficile à justifier.
-Henry...J'ai été un con avec toi. J'ai pas arrêté de te repousser en me disant que tu serais bien plus heureux sans moi. Et même si c'est sûrement le cas, tu sais bien que je suis un putain d'égoïste ! Je ne veux pas que tu t'éloignes de moi.
Putain, je viens vraiment de dire ça ? Je n'y crois pas ! Mes joues s'échauffent instantanément. Je détourne les yeux avant que ça devienne trop gênant mais Henry n'en a pas fini avec moi.
-Et pourquoi tu ne veux pas que je m'éloigne de toi ? Ne va pas me sortir une connerie comme quoi tu m'apprécies parce qu'après toutes ces années...
-Putain, je le sais ! le coupé-je. Je n'ai pas arrêté de ressasser tout ça ! Je sais que tu ne me croiras peut-être pas mais je n'ai pas arrêté de penser à toi depuis cette nuit-là.
-Parce que tu te sentais coupable.
-Non ! Ça, c'est ce que je me faisais croire à moi-même, je rectifie. Tu te rappelles quand tout a commencé à partir en vrille ? (Je ressens une vraie douleur dans la poitrine à ce souvenir) Quand on a commencé à moins se parler qu'avant ?
Il hoche la tête, saisi par ce basculement, qu'il n'a jamais su expliquer.
-J'ai toujours cru que tu ne voulais plus m'adresser la parole, avoue Henry. Parce que tu avais compris que j'aimais aussi les garçons.
-Eh bien, non, ricané-je en secouant la tête. C'est encore plus con. J'ai arrêté de te parler parce que j'avais l'impression de ne pas compter autant pour toi que je l'aurais voulu. Mais aujourd'hui, je sais que c'est aussi parce que j'avais peur de ce que je ressentais.
Je n'ai jamais parlé aussi sincèrement de ma vie, et je suis dérouté de la manière dont j'ai tout déballé ce que j'avais en moi. Il était temps. Temps d'arrêter les faux-semblants.
Il est temps d'assumer mon égoïsme jusqu'au bout.
Henry me regarde avec stoïcisme. Je sais qu'il est en train de se demander s'il doit croire à mon revirement, si je suis sincère, ou si cette situation vient réellement de se passer.
Il finit par sortir de son mutisme.-Tu croyais vraiment que...tu ne comptais pas pour moi ?
-Bah oui ?Henry secoue la tête et son expression s'adoucit. Le regard plein de tendresse qu'il me lance ne m'aide pas à me concentrer sur ce qu'il dit.
-Aidan, tu me plais depuis le premier jour où on s'est rencontrés.
-T'es sérieux ?
-Oui. Et toi t'es sérieux ? plaisante-t-il en m'évaluant sans vergogne.
-Bien sûr que oui.
-Tu veux vraiment me faire croire que t'es soudainement devenu gay, Goldshard ?
-Ça ne date certainement pas d'hier, lui dis-je en lui décochant un coup de poing à l'épaule. Mais je te défends de me taguer comme ça.
-Évidemment, se moque-t-il. Je ne m'en serais pas douté.
Je ris avec lui, de bon cœur, puis croise les mains derrière ma nuque.
-Alors, tu me donnes ma chance ? demandé-je.
Henry s'adonne à une moue bizarre et laisse durer le silence longtemps avant de répondre :
-On peut vraiment rien te refuser, toi.

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Mortal Venom
Teen FictionIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...