31-Vendetta

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  Avoir arrangé les choses avec Henry m'a tout de suite mis de meilleure humeur. J'ai été soulagé qu'il me pardonne aussi facilement. Mais bon, je savais aussi que mes chances étaient limitées, et que si je merdais de nouveau, il n'allait peut-être pas faire preuve de la même clémence.

  Mais je n'avais pas l'intention de reprendre mes habitudes pour lui faire du mal à nouveau.

  Qui plus est, je voulais rester passer du temps avec lui quand mon téléphone s'est soudain mis à sonner.

  J'ai décroché, à contrecœur.

La voix au bout du fil était tout sauf amicale.

-Aidan...

  Martin. Il avait eu vent de ma fuite de Saltwood.

-Oui ? fais-je innocemment.

-Cesse de te comporter comme un enfant pour une fois. Où es-tu ?

-À la maison, mentis-je. 

  Une mouette se met à piailler, me trahissant.

-Tu ne pouvais pas trouver mieux ? J'y suis, à la maison ! se révolte-t-il.

   Je grimace.

-Heureusement pour toi, Carter a décidé de ne pas porter plainte. Et ne crois pas que je ne suis pas au courant que tu aies séché les cours. Mais ce n'est pas le seul problème. Reviens immédiatement, j'ai des choses à te dire.

-Tu ne peux pas me parler au téléphone ? proposé-je.

-Je n'ai pas le temps pour ta mauvaise volonté. C'est très grave là.

  J'ai soupiré.

-OK, j'arrive.

-Pas la peine, rétorque Martin. J'ai envoyé Brenna te chercher.

-Comment sait-elle où...

  Un coup de klaxon m'a fait lever le nez. J'ai tourné la tête en direction de la route, à dix pas de notre position. La voie à sens unique qui jouxte le côté est de la plage. La voiture de Brenna était stationnée dessus et elle agitait les bras en essayant de capter mon attention.

J'ai raccroché sans remercier Martin, j'étais agacé qu'il me somme comme ça de rentrer, sans rien m'expliquer. De quoi voulait-il parler ?

  Qu'est-ce qui valait la peine que je fasse tout ce chemin ?

  Je me suis tourné vers Henry, qui essayait de décrypter la situation face à mon silence.

-Je dois y aller, Martin m'attend. Tu veux qu'on te ramène ?

-Je dis pas non.

  On a rejoint Brenna, qui s'impatientait toute seule.

-T'as vraiment cogné ce Carter parce qu'il m'a insultée ? s'est-elle enquise avec admiration.

   J'ai ignoré sa remarque.

-Comment t'as su où j'étais ? demandé-je en montant à l'avant.

  Elle démarre au moment où Henry referme la portière.

-Marie-Lou, dit-elle simplement.

-Elle ne sait pas tenir sa langue, ajoute Henry.

  Même si je sais qu'il pense encore à ce secret démentiel, je ne rajoute rien. Ce ne serait pas bon de toute façon, de remettre ça sur la table.

  Brenna allume la radio et c'est une chanson italienne qui se fait entendre pour une fois. Du rap en plus : In Italia, de Fabri Fibra.

Je me mets immédiatement à soupirer, parce que je sais que Brenna la connait par cœur, et qu'elle se croit obligée de nous le montrer.

  Malheureusement, il se trouve que Henry la connait aussi, et se met à chanter avec elle.

  Je crois qu'ils le font uniquement pour me foutre en rogne.

  Même si ça reste amusant, de les voir se prendre pour des Européens. Leur accent est à pleurer de malaise.

  Mais j'arrive à m'empêcher de sourire, leur offrant uniquement ma mauvaise humeur, que Martin a su instillée.

  Une idée me vient à l'esprit. Comme d'habitude, il s'agit d'une idée vraiment mauvaise, mais ce n'est pas comme si j'étais un modèle de vertu.

  Alors que Brenna s'engage sur l'énième rue, je me redresse sur mon siège.

-Attends avant de ramener Henry, lui dis-je. Je préfère que tu me déposes en premier, qu'on en finisse.
-Heu.. OK.

  Elle tourne alors deux rues plus tard, nous desservant dans notre bonne vieille banlieue. Elle s'arrête devant le garage, puis me jette une grimace d'encouragement.
-Heu...Tu peux nous laisser une minute, s'il te plait ? lui demandé-je d'une voix que je voulais sympathique. Je dois juste dire quelque chose à Henry.

  Brenna me jette un regard surpris, avant de tourner la tête vers Henry, tout aussi incrédule. Elle sait que ce n'est pas pon genre d'avoir des requêtes pareilles, mais j'ai changé, bon sang !
  Elle finit par se décider et m'accorde ma minute.

  Je la regarde partir en claquant la porte, m'assurant qu'elle s'éloigne assez pour ne pas nous espionner. Puis je me tourne vers Henry.
-Je te connais assez Aidan pour savoir que tu mentais, m'accuse ce dernier.

  Les commissures de mes lèvres s'étirent toutes seules. Henry me retourne mon sourire, complice. Je ne l'ai pas dupé une seule seconde.
  J'éclate de rire et me place côté conducteur. En deux secondes, Henry se retrouve assis dans ma précédente place.

-Tu sais conduire ? s'inquiète-t-il.

-On va bien voir, dis-je en démarrant.

   La voiture émet un vrombissement assourdissant, (qui a sûrement alerté Brenna) quand j'appuie sur une des pédales et démarre avec un temps de retard sur les chapeaux de roue. Et s'engage avec une rapidité effrayante sur l'asphalte de la route goudronnée.
  Je pousse un beuglement de cow-boy, grisé par la vitesse de l'engin. Putain, c'est tellement génial !
  Henry n'a pas l'air de partager ma joie. Son visage est déformé par la terreur.

-Aidan, tu vas nous tuer !

-Mais non, fais-je en lui souriant. Tu t'inquiètes pour rien.

-Regarde la route !

  Je ralentis en dessous de cinquante kilomètres/heures, n'ayant pas trop avant de me prendre une amende pour excès de vitesse, et une autre pour conduite sans permis.

  Les routes de L.A s'étendent devant nous, et je parviens à nous emmener sur les routes du littoral.

-Tu vois ? Tu avais tort de t'inquiéter, le blâmé-je.

-C'est ça.

  Pour dégriser l'atmosphère, j'allume la radio, sur une station que j'affectionne plus que les autres. En retour, je ne suis pas déçu. C'est September, qui résonne dans les haut-parleurs.
  Enfin de la véritable musique !

  Mû par je ne sais quelle raison, j'appuie sur le bouton faisant basculer le toit ouvrant. L'air qui s'engouffre au-dessus de nos têtes est glacial, mais je suis pris dans l'euphorie de la musique, et me mets même à taper du rythme sur le volant.

  Henry me regarde amusé, avant de faire le truc complètement fou de sortir la tête par le toit, levant les mains en l'air, et criant son gigantesque enthousiasme au monde entier.

J'explose de rire, en tentant de ne pas nous causer d'accident parce que je suis encore novice dans le domaine de la conduite.

  Le paysage de L.A vaut le coup d'œil ; notre ville a de quoi se vanter. Le long de la route est jalonné par des palmiers immenses, et de l'autre côté par des grattes-ciel aux fenêtres réfléchissant la lumière.

  Je n'ai jamais été plus vivant qu'à cet instant, avec le vent qui ébouriffe mes cheveux et me cingle le visage, le garçon que j'aime à côté de moi.

   Alors oui, je peux dire à ce jour, sans hésitation, et sans flipper (comme dirait Brenna) que je suis heureux.

Mortal VenomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant