Il neige. Vraiment.
Étant d'un naturel pessimiste, j'ai vu d'un mauvais œil cet orage glacé qui s'abattait en plein mois d'octobre sur Los Angeles. On est beaucoup trop habitués à un climat estival, et les saisons froides prennent au dépourvu tout le monde.Deux jours se sont écoulés depuis mon règlement de compte par la clique de Grayer. Mes bleus se sont légèrement estompés, et même si j'ai encore du mal avec les mouvements brusques, je suis relativement en forme.
Là où ça coince, c'est au niveau du moral, qui flirte toujours au ras du sol, une présence, comme une tumeur dans la poitrine.
Je ne vais pas bien.Et oui, je suis prêt à admettre que cela a quelque chose à voir avec Henry. Il m'a jeté son laïus en pleine figure, et j'ai été complètement désarmé. Alors je n'ai rien dit. Rien.
Et lui non plus.La situation allait finir par tourner au vinaigre, je le sentais, alors j'ai fui pendant qu'il avait le dos tourné. Lâchement, faiblement, comme j'ai toujours su le faire.
Pour aller où ? Mes options n'étaient pas illimitées.
J'ai échoué chez Cressida, et je lui en serais éternellement reconnaissant de ne pas m'avoir bombardé de questions sur ma face défigurée.Je n'ai pas repris les cours et ai passé mes journées sur le canapé, affalé comme une masse, sans me lever une seule fois. Je ne mangeais pas, et ne buvais pas non plus. J'avais cessé d'exister, tout simplement. Cela me semblait juste.
La faim me tenaillait le ventre, et je me sentais de plus en plus las, mais je faisais taire les grondements de mon estomac, plongé dans mon épisode de maladie de l'esprit.J'étais impossible à guérir. Ou je ne voulais pas être guéri, je n'en sais rien.
Le vendredi soir, Cressida est rentrée avec des sachets de course à la main, ne m'accordant même pas un regard. J'admirais sa patience vis-à-vis de moi, mais peut-être que je me trompais, et qu'elle allait me jeter dehors. Franchement, ajouter ma culpabilité envers elle à la liste de mes soucis ne m'aidait pas. Autant l'enlever de l'équation dans ce cas.
Alors je me suis redressé, pour la première fois depuis plusieurs jours, ankylosé, et je me suis frotté les yeux.Cressida a eu l'air surpris de me voir assis. Elle essayait parfois d'engager la conversation quand elle rentrait, mais a vite lâché l'affaire quand elle a constaté que j'étais devenu muet.
Elle s'est approchée du canapé, avec prudence, puis s'est penchée vers moi, pour me toucher le front.
-T'as de la fièvre ou quoi ? s'est-elle inquiétée.
-Non, je réponds en secouant la tête.
Puis je me rappelle ce que j'allais faire, ce que j'allais lui donner là tout de suite. Et je passe mes bras autour de sa taille, en collant ma joue contre elle, fatigué de tout ce qui me tourne dans la tête.-Fais-moi oublier s'il te plaît.
Je suppose qu'elle attendait que je prononce ces mots depuis que j'ai débarqué chez elle. Ça m'ennuie de m'envoyer en l'air juste maintenant par gentillesse, parce que baiser pour conserver un foyer frôle dangereusement avec le principe de prostitution.
Alors que je me perdais dans un délire stupide, le visage de Cressida s'est renfrogné. Quoi ? Ce n'est pas ce qu'elle attendait ? Quel est le problème encore ?
Elle lève les yeux au ciel et retire lentement mes bras autour de son bassin. Et elle s'assoit à ma droite, en glissant sa main dans la mienne.
-Aidan. Je ne pense pas que tu doive oublier, murmure-t-elle. Au contraire, je pense que je devrais te rappeler.
Quoi ? Je ne saisis plus du tout de quoi on parle. Elle est sérieuse ?
-Me rappeler de quoi ? dis-je de mauvaise grâce.
-Je ne connais pas ta vie, se défend-elle en haussant les épaules. Mais je ne t'ai jamais vu comme ça. Alors quel que soit le problème, tu as besoin d'en parler.
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Mortal Venom
Roman pour AdolescentsIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...