Cela fait dix minutes que j'écoute Cressida Holmes tenter de me faire comprendre que je ne suis pas hétéro.
Bien sûr, j'ai fait preuve d'une extrême mauvaise foi au départ, trop dégoûté pour la laisser me taguer de la sorte.
Puis j'ai commencé à écouter ses arguments, malgré moi, et le tableau qui en ressort est effrayant (même si ce n'est pas ça qui me faisait autant peur).Selon elle, le fait que je n'ai jamais cherché de relations sérieuses, ni eu un crush sur une fille depuis ma naissance est déjà une justification en soi.
Rajouté à ça mon absence total de ressenti après mes aventures d'un soir...Je ne m'étais jamais arrêté là-dessus. A chaque fois que j'ai couché avec une fille, c'était toujours pour répondre à un appel. Parce qu'elles le voulaient, elles. Pas toujours parce que je le voulais, moi.
Quelle galère de merde. Je ne peux pas être aussi simple à décrypter, et avoir fait l'impasse pendant des années, si ?
Cela doit être dû à mon caractère défaillant, qui m'obligeait à détester la Terre entière. J'ai toujours voulu me battre avec tout le monde, affronter la moindre personne qui n'allait pas dans mon sens...Tu m'étonnes que ça cachait forcément quelque chose...
Cress m'a ensuite fait subir un véritable interrogatoire sur mon indifférence face à la gente féminine. J'avais l'impression qu'elle y prenait beaucoup trop de plaisir, vu son investissement.
Mes réponses à ses questions ne m'ont pas enchanté. Plus on avançait, plus je lui donnais raison.
Et j'ai fini par comprendre ce qui me faisait tellement peur depuis le début de cette conversation. Et du coup, j'ai eu encore plus peur.
-Donc, si tu trouves les filles ennuyeuses...
-Ce n'est pas qu'elles sont ennuyeuses ! ai-je répondu en l'interrompant. Mais leurs sujets de conversation sont d'une imbécilité !
-Les tiens sont meilleurs peut-être ? s'est défendu Cress.
-Moi, c'est complètement différent. Je ne parle jamais.
-Mais oui !! Aidan le timide, c'est bien connu ! T'es seulement timide quand tu ne distribues pas des coups.
-Pas faux.
-Alors...Revenons au problème initial, a-t-elle déclaré.Je n'avais plus vraiment envie d'en parler maintenant que je savais exactement quel était le problème, mais Cress n'allait pas me lâcher, à présent que nous allions enfin dans son sens.
Alors j'ai joué la carte de la sincérité.-Si je te dis que tu as raison, on arrête d'en parler ?
-Je ne sais pas. Tu le penses vraiment ?
-Oui.
-Alors, je suppose que tu sais enfin pourquoi tu étais déprimé, devine-t-elle.
-Oui, avoué-je à contrecœur.Elle s'est levée, satisfaite, puis m'a désigné la porte du menton.
-Tu ferais mieux d'aller lui parler, me conseille Cress.
Je souris tristement.
-Je ne sais pas s'il voudra m'écouter.Elle lève les yeux au plafond, agacée par mon manque de courage.
-Oh Aidan, merde ! Tu as enfin trouvé la personne qui te fait réellement sentir en vie, et pas broyer continuellement du noir. Alors tu vas lever ton cul et aller immédiatement le voir, ou je te jure que je te trucide !Mon sourire s'élargit. Heureusement qu'elle est là, au fond. J'ignore combien de temps j'aurais continué à me mentir à moi-même et rester vautré dans mon coin à nier la réalité. Est-ce que je suis réellement sur le point de faire ça ? Moi, Aidan Goldshard, alias le mec incapable d'admettre ses moindres torts...
Il semble que j'ai changé, en l'espace d'un laps de temps où j'ai traversé les pires crasses..Je crois que je dois l'honnêteté à Cressida, après ce qu'elle vient de faire pour moi. Rares sont les gens qui supportent mon mauvais tempérament.
-Henry.
Juste un nom, pas de grande déclaration. Je lui dis juste la chose qui a occupé mes pensées ces derniers jours.
-Henry... Henry Wixells ? s'interroge-t-elle. Ah oui, son oncle tenait la plus jolie librairie de L.A, dit-elle avec nostalgie. Tiens, je ne l'aurais pas parié.
-On se connaissait avant.Je ne rentre pas dans les détails, peu désireux de lui apprendre à quel point j'ai été un con dans le passé.
Cress sourit, puis me plante un baiser sur la tempe.-Dépêche-toi d'aller le retrouver, m'ordonne-t-elle. Mais prends une douche avant.
***
Le mauvais temps n'a pas reflué depuis. Il fait toujours autant froid, en plus de la neige cinglante qui commence à recouvrir entièrement les trottoirs. Je suis fou de sortir en sweat-shirt, mais faute de vêtements de rechange, je serre les dents et avance dans le vent sec d'automne. Les vacances sont dans à peine deux jours, ce qui me fait penser à Brenna et son bal stupide. J'ai toujours l'intention de me désister mais il faudra bien que j'aille m'expliquer avec elle un jour ou l'autre. Encore une case de plus dans la liste de mes soucis.
J'arrive devant l'animalerie de Valencia, en fin d'après-midi. En plus d'être de garde aux urgences de Mémorial, et de faire du bénévolat à nettoyer les plages de L.A, cet imbécile de Henry passe souvent à l'animalerie-véto après les cours.
Si je le sais, c'est parce que Cress s'est mise en tête de mener sa propre enquête sur ses centres d'intérêt et a admis connaître sa sœur, Marie-Lou, qui a un an de plus que nous.
Cette fille, en plus de me détester, a une veine incroyable. Elle a réalisé son rêve de se faire publier à dix-sept ans, et possède un contrat d'édition avec PKJ de quatre ou cinq livres. Ah oui, et elle est déjà fiancée et enceinte d'un gosse. Sa vie est déjà tracée, à peine majeure. Qui ne l'envierait pas ?Je reste à guetter pendant cinq minutes à l'extérieur, essayant de transformer mon appréhension en courage, sans succès. Bon allez, il faut que je me jette à l'eau, ce n'est pas si compliqué, non ?
Alors que je me décidais à enfin bouger, une silhouette élancée pousse la porte de sortie, le téléphone à la main.
Je suis surpris de reconnaitre Marie-Lou. Pourquoi est-elle ici ? Je n'ai pas envie de créer un scandale en me montrant alors je reste caché. Et...j'écoute.
Sa conversation téléphonique.-Non, Meredith. Je te l'ai dit cent fois, je ne lui parle plus ! s'énerve Marie-Lou. Aave et moi, c'est terminé. De toute façon, il n'a plus jamais cherché à me voir après la fête.
J'en apprends des bonnes. Aave William, le capitaine de l'équipe de hockey de Saltwood a eu une relation avec Marie-Lou ? Putain, je n'en peux plus des coïncidences comme ça, c'est trop bizarre. Je continue d'espionner, trop avide d'informations.
-Arrête de me parler de lui, s'il te plait. Et ne dis pas à Adam que je t'ai appelé, il va encore péter un câble....(Son expression change subitement) Le test ? Quel test ? Mais...Meredith ! Tu ne penses tout de même pas qu'il puisse être...Je refuse de faire un test ADN ! s'écrie-t-elle en tremblant.
Malgré moi, je me mets à cogiter. Et je plaque ma main sur ma bouche quand les pièces du puzzle s'imbriquent. Un test ADN ? Pour savoir quoi ? Une seule réponse est plausible.
C'est tout simplement hallucinant. Cette Meredith pense que...Aave pourrait être...Le père de son bébé.
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Mortal Venom
Fiksi RemajaIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...