-Est-il toujours à l'infirmerie ? me demande Martin d'un ton accusateur.
Je soupire. Carter a de la chance d'être toujours vivant. Mon coup de poing lui a brisé les os du nez, et je crois qu'il est encore en train de pisser le sang.
Malheureusement, Jakes et quelques gars sont intervenus avant que je lui inflige des dégâts irréparables.
J'ai immédiatement été convoqué dans le bureau du proviseur, autrement dit, dans le bureau de Martin, qui doit assumer mes conneries.
-Oui. Et tant mieux pour lui.
-Qu'est-ce qui s'est passé, Aidan ? se lamente-t-il. Tu avais pourtant bien commencé l'année.
Je ne réponds pas, parce que je n'ai pas envie de lui dire pour Brenna. Je veux d'abord tirer moi-même cette histoire au clair avant d'impliquer son père, qui visiblement, n'a pas du tout l'air de mon côté dans ce coup-là.
-Il l'avait mérité, éludé-je. Je peux partir ou je vais avoir des ennuis ?Martin croise les bras et me toise d'un air réprobateur.
-Tout dépend de si Carter décide de porter plainte ou non contre toi.
-Quelle mauviette, sifflé-je entre mes dents. La prochaine fois, je ne le raterai pas.
-Aidan, me prévient Martin.
-Du calme, je plaisantais là, mentis-je.
-Tu ne peux pas quitter l'établissement avant que nous connaissons la décision de Carter. Mais tu peux m'expliquer pourquoi....
-OK.
Je prends mes affaires et quitte son bureau à la hâte. Si j'entends un mot de plus, je vais exploser. Je referme la porte en la claquant, récupérant mes mauvaises habitudes en un rien de temps.
Dans le couloir, juste à deux pas de la bibliothèque, m'attend Henry, adossé au mur près d'une des fenêtres.
-Alors ? me demande-t-il en m'attrapant par le poignet.
Je ne m'habitue toujours pas à sentir son affection physique. J'ai aussi l'impression d'avoir treize ans et de ne pas savoir quoi faire sans que le rouge me monte aux joues. Alors, je fais diversion.
-Ça dépend. Si ce trou du cul de Carter ferme sa gueule, je ne devrais pas avoir de problèmes.
Henry grimace. Il n'a jamais été fan de mon vocabulaire, mais vu les circonstances...
-C'est à cause de Brenna, c'est ça ? s'enquiert-il.
Je hausse les sourcils. Pourquoi tout le monde est au courant ?
Henry sort son téléphone de sa veste et ouvre l'application instagram. Il y'a toute une panoplie de posts et de photos d'un compte anonyme diffamant Brenna de la pire des façons.
Je reste sous le choc devant les mots putain de traînée, salope, pétasse, profiteuse, pute, tous écrits en gros et en rouge.
Ce ne sont pas les seules attaques. On l'accuse de s'être tapé un gars de vingt-cinq ans, pour de l'argent. Il y'a des photos d'elle en maillot, qu'elle aurait soit disant envoyé à un pédophile juste pour se faire de l'argent.Ce dernier mot le fait tiquer. Brenna est probablement plus riche que la moitié des gosses de cette ville, pourquoi des gens s'abaisseraient à croire qu'elle ferait quoi que ce soit pour de l'argent ?
Je reste un moment rivé à ses posts, incapable d'émettre le moindre son, le moindre commentaire. Je suis bouche bée, paralysé, interdit.
Puis...
-Putain ! crié-je tout à coup.
Un professeur qui passait dans le couloir me fusille du regard.
-Putain ! répété-je.
-Je ne sais pas d'où ça sort, me dit doucement Henry. Mais c'est devenu complètement viral.
-Je sais d'où ça sort, fais-je en grinçant.
Grayer.
-Aidan...
-Quoi ?! dis-je plus fort que je le voulais.
-Ne fais pas ça.
-Faire quoi ?
-Je te connais, déclare Henry en fronçant les sourcils. Tu vas vouloir aller faire payer la personne à l'origine de tout ça. Mais réfléchis une seconde : tu ne crois pas que tu as quelque chose de mieux à faire ?Je regarde ses yeux inquiets de mon énième pétage de plombs. Oh oui, il me connait beaucoup trop bien. Je rêve déjà de la tête de Grayer détachée de son cou. Mais Henry réussit l'exploit de me freiner dans mon accès de violence. Ses doigts caressent mes phalanges encore bleuies de mes précédentes altercations. Putain, il a une trop bonne influence sur moi.
-...Non, je ne sais pas.
-Tu ne crois pas...qu'elle a besoin de toi, à ce moment-là ?
Merde. Si. Il a raison. Si Henry dit vrai et que ces posts ont été viraux, il y'a de grandes chances pour que la réputation de Brenna soit morte et enterrée à ce stade. Et aussi de grandes chances pour qu'on lui ait tourné le dos à l'école...Putain, pourquoi m'occuper de Grayer alors qu'elle doit souffrir comme pas possible à cet instant ? Je suis vraiment aussi égoïste que ça ?
Puis je me souviens d'un autre détail.
-Le bal !
-Quoi, le bal ?
-C'est aujourd'hui, c'est maintenant, dans dix minutes !Henry se gratte la tête d'un air gêné. Ne me dites pas qu'il compte me dire de rester à cause de Carter ?
-Je te préviens, dis-je. Il n'est pas question que je reste ici !
-Je sais. Mais je n'ai pas ma voiture, avoue-t-il.
Mince. Voilà qui nous met dans une sacrée panade.
-Mais je sais qui peut nous y conduire, ajoute-t-il en souriant.***
Je hais Luke, avec sa coupe à la Jesse Eisenberg, parce qu'il veut peut-être me voler mon copain, mais j'avoue que ce soir, il me sauve la vie.
Je lâche même un merci à peu près sincère en descendant de sa caisse des années 90.
Le lycée est pourvu d'une agitation particulière, en l'honneur des vacances (#la semaine de révision). Beaucoup de jeunes sont déjà bien allumés et déambulent dehors, hilares et joyeux. Cette école ne m'a pas du tout manqué.
Avec Henry, je rentre dans le gymnase où la plupart sont en train de danser et s'éclater, sous la musique assourdissante des enceintes.
Les décorations de ballons multicolores nuls à chier et l'ambiance de Bruno Mars me rappellent immédiatement pourquoi je déteste ce genre de soirée.
-Tu la vois ? me demande Henry.
Je secoue la tête.
J'aperçois tout à coup quelqu'un venir vers nous. Il s'agit d'une jeune fille, de l'âge de Brenna, aux cheveux courts et à la peau foncée. Elle porte une robe de soirée rouge qui tombe jusqu'à terre et lutte pour ne pas se prendre les pieds dedans.-Hé ! m'interpelle-t-elle. Tu es Aidan, non ?
-Ouais. Mais on ne se connait pas, je lui réponds avec agacement.
-Je sais. Mais je m'appelle Antonella, je suis une amie de Brenna. Ça fait des heures qu'elle est enfermée dans les vestiaires, elle refuse que j'aille la voir pour la consoler, s'explique la fille. Je n'aime pas la voir comme ça. Si je pouvais attraper ceux qui ont craché ces horreurs sur elle...Je me sens tout de suite minable d'avoir laissé tomber Brenna.
-Bref. En plus, elle devait assurer un solo ce soir. Je ne sais pas si elle voudra chanter, mais je pense que toi, elle t'écoutera peut-être, si tu y vas, ajoute Antonella.
-J'y vais, je réponds.
-Je t'attends, me dit Henry en hochant la tête.
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Mortal Venom
Fiksi RemajaIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...