11-Stressed

2.2K 173 10
                                    


¶§£ -11.

Je regarde l'horloge du séjour, avec ce stupide pendule qui se balance comme une antiquité. J'ai toujours détesté cette imbécilité mais Martin a ce côté énervant vintage, incapable de vivre dans son époque. Je crois qu'il s'habillerait dans une friperie s'il le pouvait. Mais statut de proviseur oblige à faire des concessions. Si je radote autant à propos du goût des Goldshard pour l'ancien, c'est pour éviter de penser à cette réalité qui vient de subitement s'effondrer ce soir. Et tout ce que je viens d'apprendre.

Henry.

Il faut toujours que ce soit lui, c'est pas possible. Je ne sais pas ce que je dois comprendre mais en tout cas, je me suis bien fait avoir à mon propre jeu.

-Est-ce que tu es en colère ? me demande timidement Brenna, après être montée border Colleen, qui déferlait déjà de bonheur à l'idée de la journée qui l'attendait demain.
Est-ce que tu es en colère ?

Franchement, quelle question.

-Oui.

Brenna s'écroule sur le canapé, fatiguée du mutisme dans lequel j'étais terré depuis tout à l'heure. Je ne suis pas forcément sûr d'avoir envie de savoir, mais je vais péter les plombs dans cinq minutes si on ne me donne pas du grain à moudre.

-Alors, je t'écoute, lancé-je en me massant les tempes. Depuis combien de temps est-ce que Colleen connaît Henry ?

Brenna fait semblant de s'éclaircir la gorge avant de répondre.

-En fait, depuis que tu étais parti vivre chez Grayer.
Je fais mon possible pour m'astreindre au calme.
-Et...Comment ?
-C'est lui qui venait, m'informe-t-elle en haussant les épaules. Il passait tout le temps demander si tu étais là. Je savais que tu me tuerais si je lui disais où tu habitais alors je n'ai jamais rien dit.

Je ferme les yeux. Je n'aime pas ce que j'apprends. Henry était proche de cette famille et je n'étais même pas au courant. En fait, je n'étais au courant de rien du tout. Combien de choses ai-je manquées en me forçant à mettre tout le monde à l'écart ?

-Il nous parlait tout le temps de toi, continue Brenna. C'est limite si on l'intéressait, nous. Je pense que Colleen le trouvait gentil parce qu'il a une tête de gentil, mais franchement, il est trop sympa. Tu savais qu'il faisait du surf ?

-Oui, rétorqué-je trop rapidement.
-Bref, il jouait aussi de la guitare, c'était cool, par contre, il ne valait pas un clou comme chanteur.

Je réprime un sourire. C'est aussi quelque chose que je n'ai pas oublié, ça. Mais bon, il n'y a que ça qu'il ne sait pas faire.

-Il a arrêté de venir le jour où...Enfin, tu vois quoi.

Je voyais très bien, oui.
Et je n'avais plus envie de parler. J'étais de nouveau dans un coup de mou, de retour dans mon monde mort et sans couleurs, et rien ne me titillait. C'est comme si j'étais en vie sans l'être. Ce qui n'a pas de sens, évidemment.

-Tu es toujours fâché ?

Je soupire.

-Tu m'as posé la question il y'a trois minutes.
-Aidan...Si tu ne te sens pas pour demain, je peux...
-Laisse tomber, je vais assumer ma connerie jusqu'au bout, je tranche.

Puis je me lève, dépité par cette journée qui avait si bien commencé pourtant. Mais ma capacité à me retrouver dans la mouise m'a de nouveau surpris, et cette fois, je ne suis pas sûr que ce que j'ai accepté d'endurer soit la bonne décision. C'est même clairement la mauvaise, mais qui est doué pour faire les mauvais choix ? Moi.

-Tu veux que je l'appelle, moi ? m'interroge Brenna.

J'acquiesce. Ce sera cent fois pire si ça vient de moi. Il vaut mieux que j'aille dormir, pour ne pas devenir fou tout de suite. Et réfléchir aux conséquences de mes actes, c'est pas mal aussi.

Tout part d'une simple blague mal placée pour m'exploser à la figure. L'ironie du sort fait bien les choses, en ce moment.

Je sais que j'aurais pu tout laissé tomber à la seconde où Colleen a laissé entendre cette possibilité. Mais au fond, n'ai-je pas envie de le revoir ? Henry a longtemps été l'un de mes seuls et véritables amis, je ne peux pas nier à quel point il me manque parfois.

Je passe le reste de la nuit à penser à ce que je vais bien pouvoir lui dire après l'avoir repoussé de la sorte. Comment réagira-t-il ? Cette question m'empêche de trouver le sommeil, si bien que je suis toujours réveillé à six heures trente avec une allure de zombi déterré.

Mais je ne me lève pas. Je continue d'essayer de dormir, parce que j'en ai cruellement besoin.

Au bout d'un moment, mes efforts finissent par porter leur fruit, et je sombre inexplicablement dans l'inconscience. Où je me fais rattraper par un rêve. Non, pas un rêve, un souvenir.

Une ruelle sombre, des bruits de circulation en arrière plan. La librairie D.K juste en face du trottoir, à dix pas de moi.

-Alors, tu ne vas pas te défiler, Aidan ? me répète Samuel en rabattant sa capuche sur sa tête.

-J'ai autant besoin de cet argent que toi, je te signale. Maintenant, boucle-là et attends-moi ici. Il faut que j'aille vérifier si Henry est toujours là.

Sam fronce les sourcils.

-Je croyais qu'il t'avait dit qu'il te filait la boutique ce soir.

-C'est le cas, dis-je en levant les yeux au ciel. Mais tu tiens vraiment à faire une mauvaise rencontre en partant trop sûr de toi ?

-Vas-y dans ce cas, m'intime Samuel en me tendant le sac poubelle. À toi de te salir les mains.

Mortal VenomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant