6-Agressive mode

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La transition avec ma nouvelle vie s'est avérée tout simplement horripilante.
J'ai eu envie de me griffer le visage toute la semaine suivante.

Premièrement, l'anniversaire de Colleen. Je comptais vraiment me défiler à la base, comme je l'aurais sans doute fait il y'a quelques années, mais je me suis dit que je lui devais bien ça.

Je me suis retrouvé au milieu d'une bande de gamins surexcités, qui sifflaient toutes les secondes dans leurs serpentins et me tiraient le bras pour que je les porte sur mon dos.

Bien sûr, je n'y ai pas échappé. Et j'ai même constaté sur le moment que Brenna me filmait, tordue de rire par ma tentative d'amuser la bande de joyeux bambins.

J'allais la tuer.
Et me tuer ensuite.

Deuxièmement, les entraînements des Triskels prenaient de plus en plus de place dans mon emploi du temps, ce qui me déplaisait énormément. J'ai dû troquer la matière Peuples & cultures (qui me scindait deux heures par semaine) contre l'histoire des arts, ce qui n'a absolument rien à voir quand on y pense.

C'est là que ça se gâte parce que, devinez qui est assis derrière moi en histoire des arts ?

Je n'ai vraiment pas de chances cette année. Et dire que j'étais le champion de l'échec scolaire avant.

J'aurais pu conserver cette réputation, mais ce qui était en jeu était beaucoup plus important à présent.

Martin m'avait offert une énième chance, et même si je n'en avais pas envie, il ne tenait qu'à moi de ne pas tout faire foirer comme je savais si bien le faire. Je voulais sincèrement changer, et ne pas régresser dans l'affreux cycle auto-destructeur qui m'a valu mes TIG.

Mais c'était dur, de me fondre dans le rôle du mec bien. Très dur. Surtout avec Wixells dans les parages.

Sa haine contre moi m'intriguait toujours. Il me dévisageait à chaque fois que je passais devant lui, et marmonnait des trucs inintelligibles dans mon dos en cours. Si je ne le connaissais pas, j'aurais vraiment pu croire qu'il me cherchait, voire même harcelait.

Ma réponse à tout ça était de l'ignorer royalement, chose pour laquelle j'étais plutôt doué.

Mais chaque patience a ses limites, et la mienne n'a jamais eu la réputation d'être de longue durée.
Alors que je cherchais les membres de l'équipe de hockey en plein intercours, je l'ai surpris une fois de plus à me jeter un regard meurtrier.

Et en le dépassant, j'ai craqué.

-C'est quoi ton problème ? ai-je lancé en me retournant d'un coup.

Il a froncé les sourcils.

-Parce que tu ne le sais pas ?
-Non ! ai-je explosé. OK, tu me détestes, j'ai compris. Mais ta haine contre moi ne va pas te rendre tout ce que t'as perdu alors pas la peine de perdre ton temps.

Henry a pris une grande inspiration avant de récupérer son calme.

-Je me demandais où était passé le vrai Aidan Goldshard, s'est-il empressé de rajouter. Celui qui se croit obligé de blesser gratuitement les autres.
-Ferme ta grande gueule, ai-je répondu au quart de tour. Tu ne sais strictement rien de ma vie.

Henry s'est détaché du casier contre lequel il s'était adossé pour foncer sur moi, enhardi par sa colère.

-J'en sais suffisamment pour voir que tu n'es même pas fichu de reprendre contact avec la famille qui t'a élevé.

C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Le filtre qui me permettait de ne pas cracher mon venin s'est envolé.

-Rien à foutre, ai-je renchéri. Pourquoi t'as pas crevé ce soir-là, on se le demande.

Le visage de Henry perd toute sa dureté pour se retrouver pris d'épouvante totale. Là, c'est sûr, j'ai dépassé les bornes.

Je vois son poing se serrer pour fondre vers mon visage, et je sais que je mérite sûrement le crochet qu'il me destine, mais j'ai les idées beaucoup trop embrouillées pour réfléchir correctement.

Je lui attrape le bras au vol, et lui coince derrière le dos, en le plaquant de toutes mes forces contre les casiers. Il se cogne la joue, et réprime un cri de douleur.

Je suis juste derrière lui, toujours consumé par la haine.
La haine.

-Henry, dis-je doucement juste au dessus de son oreille. Ne retente plus jamais ta chance. Je te garantis que la prochaine fois, je te brise la colonne vertébrale.

Je le relâche brutalement, reculant de quelques pas pour m'éviter d'avoir à lui faire face de nouveau. Il ne relève pas tout de suite la tête, et continue de se masser le bras en soufflant.

Je suis un con, franchement. Je n'ai même pas d'excuses pour ce que je viens de faire, c'est juste mon instinct qui réclamait du sang. Il a fallu que je naisse pour faire du mal aux autres. Je me déteste, putain.

Henry lève finalement son regard vers moi. Je suis frappé par ce que j'y vois. La souffrance, oui, mais aussi...La capitulation. L'anéantissement.
Sans cette raideur insoutenable qu'il s'oblige à avoir, mon esprit se met automatiquement à remonter le temps.

J'ai presque l'impression de le revoir, plusieurs années plus tôt, assis sur le comptoir avec ses cheveux blonds, en train de plaisanter avec tous les clients. Son éternel sens de la générosité. Son amour inconditionnel des autres.

Le Henry que j'ai toujours connu.
Henry.

-T'as rien perdu, Wreck-it Ayd, lâche-t-il avant de tourner les talons.

Mortal VenomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant