Une appréhension de malade a commencé à me gagner au fur et à mesure que la rentrée approchait.
Je n'allais plus pouvoir faire semblant. Et même si j'étais le pro de l'école buissonnière, il faudrait forcément que je m'y rende un jour, et là, tout pourrait arriver.Mince, moi, Aidan Goldshard, j'avais peur d'aller à l'école !
Non, c'est un fait beaucoup trop exagéré. Je ne saurais juste pas comment réagir si jamais je venais à le voir...lui.
Ce qui est surprenant, c'est qu'avant cette nuit où tout a basculé, Henry et moi étions quand même en bons termes.
J'avais l'habitude de me rendre dans la librairie de son oncle, où il y travaillait à mi-temps pour acheter quelques bouquins, à l'époque où je n'étais pas totalement inculte.
Henry me souriait tout le temps, et venait même parfois s'enquérir de mes choix littéraires, comme si ma vie pouvait intéresser qui que ce soit. Je crois que..c'était mon premier véritable ami.
Mais ça a mal tourné évidemment. Parce qu'Aidan Goldshard est un immense connard, et qu'il n'a suffi que d'une seule minable petite inflexion du destin pour que tout change du tout au tout.
Une rencontre désastreuse. Puis une trahison impardonnable.
Je crois que je me suis toujours plus ou moins douté que Henry était bi.
Il aimait beaucoup trop l'humanité pour un mec autant conscient des crimes, des conflits et des désastres écologiques. Contrairement à tous les autres gamins du quartier, il était sensible à tout et voulait être ami avec la planète entière. Et ça, pour moi,
C'était impardonnable. Les sourires qu'il me jetait ont commencé à me rendre fou de rage, et je suis devenu paranoïaque. Il me distribuait la même affection qu'à tous les autres, pour lui je n'avais pas plus de valeur que n'importe lequel des rigolos qui se coursaient en trottinette dehors.
Le plus dingue, c'est que pas une fois je n'ai tenté de mettre les choses au clair avec lui.
J'ai finalement cessé petit à petit de traîner avec lui, ce qui m'a conduit à la pire fréquentation que j'aie jamais connu. Appelez ça de la possessivité si ça vous chante, mais je ne suis pas un second choix.
Et c'est à ce moment-là que j'ai commis l'impensable.
Je sais, je ne suis qu'un connard de première. Le fait que j'en ai conscience en dit long sur ma façon de penser.
Mais voilà, c'était Henry. Et le destin saura bien faire les choses : j'en suis sûr. J'aurais beau tout faire pour l'éviter cette année, je mets ma main au feu que je réussirais quand même à le surprendre au détour d'un couloir, ou pire : être dans sa classe.
Si on m'avait dit que j'allais devoir assumer les conséquences de mes actes...
Tout aurait été vachement plus simple si je ne revoyais pas Henry Wixells de ma vie.******************************
Deux semaines plus tard :-C'est pas si mal alors ? redemande Grayer pour la troisième fois.
Je ne sais plus pourquoi j'ai accepté de lui faire visiter le campus. La pause entre midi et deux ne dure pas des masses, et j'ai des choses nettement plus intéressantes à faire, comme engloutir des pizzas.
Mais Grayer a insisté pour venir voir à quoi ressemblait Saltwood, et je n'ai pas pu dire non à mon chauffeur privé.Bizarrement, mon intégration s'est mieux passée que je ne l'aurais cru.
Je n'ai pas échappé à la philo et à la littérature finalement ; Grayer m'avait menti.
Mais ce n'est pas aussi barbant que ça en a l'air, même si les élèves ressemblent tous à Harry Potter.J'ai dû me présenter aux entraînements de tennis régulièrement. Le coach a horreur des déserteurs, et si je voulais ne pas me retrouver avec une option de merde à la place, j'avais intérêt à être présent.
Leurs craintes ont vite été balayés quand ils ont vu que je n'étais pas aussi nul que j'en avais l'air.
Je soupçonnais le coach de vouloir me promouvoir, mais si tôt dans l'année aurait éveillé des jalousies.
Dommage.
J'aurais bien éclaté quelques figures.Autre point non négligeable : j'ai réussi on ne sait comment à me rendre proche des hockeyeurs de Saltwood.
Je ne dirais pas que je suis leur pote, mais ils semblent avoir accepté qu'un deuxième année débarque de nulle part pour s'incruster avec eux.
Ça ne m'aurait pas posé problème d'être seul, mais c'est toujours ça de gagné....Puis dernier point : l'esquive gênante que je me crois obligé de taper depuis le début des cours. Je l'ai vu plusieurs fois, bien sûr, mais à chaque fois, je m'éloignais le plus possible, en espérant qu'il ne vienne jamais dans ma direction.
La fugue est une habitude chez moi. Seulement parce que l'alternative est la bagarre.
Pas étonnant que je ne me fasse jamais d'amis.
Qui voudrait de la compagnie d'un psychopathe tordu ?Grayer, apparemment.
-Mais j'aurais cru que leur stade serait beaucoup plus grand, ajoute-t-il.
-Désolé, princesse. Personne n'était au courant qu'il fallait respecter ta clause sur la largeur du terrain.
-Va te faire mettre, Goldshard, rétorque-t-il en bifurquant vers le deuxième bâtiment. Et sinon, quoi de neuf ?
-Comment ça, quoi de neuf ?
-Tu sais bien...Avec Henry.
Oh non.
Je hausse les épaules.
-Pas revu.
-Tu ne pourras pas l'éviter indéfiniment, tu sais.
-Je le sais, mais que veux-tu que je fasse ? Ramper vers lui en implorant son pardon ? Il ne l'acceptera jamais, Grayer.
-Ça, c'est sûr, gromelle-t-il.
Je m'arrête de marcher.
-Pardon ? fais-je en levant un sourcil.Grayer se passe une main dans les cheveux, gêné, puis se tourne vers moi.
-Je suis pas censé jouer à la commère, mais j'ai entendu un de ses potes lui dire, pour ton admission à Saltwood.Je soupire, exaspéré. Merde !
-Ouais. Il sait que t'es là, vieux, se croit obligé de préciser Grayer.
-J'avais compris.
-Oui, mais je veux m'assurer que t'as bien saisi le message. Il sait que tu es là, et il n'est pas du tout content que tu le sois.Je tente d'assimiler ce qu'il vient de dire. Je ne dis pas que je suis... surpris. Mais je crois que je conservais l'espoir qu'il ne m'en veuille pas totalement, ou que le temps ait effacé les traces de mes actes.
Apparemment pas du tout.Putain, Aidan, à quoi donc tu t'attendais ? À ce qu'il fasse comme si rien n'était arrivé et tourne la page sur ton comportement d'abruti fini ?
-Je...commencé-je.
Mais je n'ajoute rien. De peur que ma voix se fêle. Pas besoin que Grayer sache à quel point je suis en vrac.-D'un pote à un autre, poursuit ce dernier en me tapant sur l'épaule. Henry Wixells n'est pas prêt de te pardonner.

VOUS LISEZ
Mortal Venom
Ficção AdolescenteIl ne peut pas s'empêcher de faire du mal aux gens qui l'aiment le plus. Y compris ceux à qui il tient le plus. Sa famille, ses amis, et même la seule personne au monde pour qui il a des sentiments. Il agit toujours comme un poison, un poison mortel...