10-Dead inside

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   Mon avertissement semble avoir porté ses fruits.
  Pas une seule fois je n'ai reparlé à Henry depuis dimanche dernier. Il a mis un point d'honneur à m'éviter toute la semaine. Pas une parole, pas un regard. C'était comme si je n'existais plus à ses yeux.

  C'est mieux comme ça, hein ?
Hein ?

  Je tente de m'en persuader tous les jours. De me dire qu'il est plus heureux loin d'un psychopathe dans mon genre. Mais même si c'est peut-être son cas, moi, je me sens complètement mort à l'intérieur.

  C'est simple : je n'ai plus goût à rien. Il ne se passe pas un jour sans que je me demande ce que je fabrique sur cette planète à part saouler les gens qui m'entourent.

Je me souviens encore de ma fâcheuse tendance à tout bousiller autour de moi, à la moindre contrariété. Je jetais les sacs, les plateaux-repas, les verres, que ce soit fragile ou non. Scarlett a passé trois longues années à me faire perdre cet automatisme. Le nombre d'embêtements que j'ai pu causer aux Goldshard est infini.

  En parlant d'embêtement, Grayer a failli avoir une crise cardiaque en découvrant le montant total des réparations qu'allaient lui coûter sa voiture. J'ai promis de lui rembourser la totalité des dépenses, mais Martin s'en est mêlé et a décidé qu'il allait régler la note lui-même. Ça m'a énervé.

  Mais de toute façon, ce n'est pas comme si j'avais un taf pour compenser. Je me fais entretenir gratuitement, comme un ingrat, depuis ma naissance. Mais qui fait ça, bordel ? Ah oui, un égoïste.

  Martin a assuré que cela ne le dérangeait pas de s'occuper des réparations et dommages collatéraux. Que j'avais causés. J'ai eu beau insisté, il n'a pas cédé d'un pouce. Je devais avoir l'air ridicule de toute façon, à faire valoir mon aide, alors que j'étais sans emploi.

  Mes options se limitent à pas grand chose en plus. Je peux travailler dans la mécanique, parce que j'y connais deux trois trucs utiles, ou alors devenir chasseur à gages, en priant pour ne pas me faire coffrer avant mes vingt-et-un ans.

  Tout ça me donne envie de cogner sur quelqu'un. J'ai tout du profil du boxeur acharné à ses temps perdus, seulement je ne pratique pas trop. S'il s'agit d'un sport de combat (ce qui est en soi assez cool), le quota de règles à suivre est beaucoup trop élevé.

  Quand je me bats, j'ai tendance à taper pour faire mal, et pas pour marquer des points. Ce sport n'est définitivement pas fait pour moi. En plus, même frapper dans un punching-ball ne me met pas spécialement de bonne humeur, et oui, ça a voir avec le fait que la cible n'est pas vivante.

  À part ma parenthèse de baisse considérable de morale, les choses n'ont pas vraiment changé. Et là, je parle pour moi. L'accident n'a pas fait les gros titres de Saltwood, comme me l'avait dit Henry, mais par contre, tout le lycée de Brenna est au courant.
  Cette dernière n'a même plus envie de retourner à l'école tellement l'engouement pour cette situation est énorme. Dans un sens, c'est vrai. Mais Martin, lui, est en colère, qu'elle délaisse délibérément les cours à cette période de l'année.

Pour lui, il parait clair que tout est de sa faute, et qu'elle n'aurait jamais dû organiser de fête à la maison.
  Il ne manquait jamais de le remettre sur le tapis à chaque fois que je passais. L'ambiance devenait électrique chez les Goldshard.

  Mais je continuais à faire des efforts, parce qu'il faut bien cesser de jouer à l'enfant gâté au bout d'un moment, et que je n'avais plus de raisons de me tenir éloigné d'eux.

-Il ne va jamais me lâcher, ne cessait de répéter Brenna à chaque fois que j'étais là.
-À sa place, je serais aussi en colère, je crois. Bon, un peu plus contre moi, mais t'as failli y laisser ta tête dans l'histoire.
-Ouais. Et j'ai survécu juste pour me faire sermonner tous les jours.
-C'est déjà bien, non ?
-Pour l'instant, non.

Mortal VenomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant