Rien à perdre

Chapitre 18 : Vieille rancune

Ariane resta figée, un long frisson parcourant son corps tout entier. Ceci, non par peur, mais par surprise. Une surprise vraiment très désagréable.

Cette voix, cet homme qui venait de pointer un pistolet sur sa nuque, elle savait très bien qui il était. La jeune femme murmura, sa voix déformée par la rage :

— Henry ...

— Salut chérie, tu m'avais manqué. Je t'avoue que j'ai rêvé de ce moment depuis le jour où ce connard d'Éric et le frère de Troy m'ont jeté hors de la base. Je vais bientôt profiter de ce ranch à votre place, éxulta le grand brun.

Ariane bouillonnait intérieurement de colère. Alors, c'était encore Henry qui venait leur causer des ennuis ? Il ne les lâcherait donc jamais ?

— Alors c'est toi. C'est toi qui a guidé ces types jusqu'aux abords du ranch. Comment ? Tu nous as suivis ?

Le canon du pistolet appuya un peu plus fortement sur sa peau. La voix d'Henry, déformée par la haine, explosa aux oreilles de la jeune femme :

— Qui d'autre ? Vous avez osé me laisser seul et sans protection dans ce putain de désert ! C'était une belle connerie...

— Tu l'avais largement mérité, espèce de sale rat ! siffla-t-elle, l'estomac noué par le dégoût.

— Doucement, petite garce ! Oublie pas que c'est moi qui tient le flingue. Pose tes armes par terre et ne bouge pas, aboya-t-il.

Elle était malheureusement obligée d'obéir et cela décuplait son envie de faire payer sa traîtrise à Henry. C'était inutile de lui donner une bonne raison de la tuer, sinon elle n'aurait plus aucune chance de retrouver Éric.
Mais Ariane n'avait pas peur, elle savait parfaitement qu'Henry ne la tuerait pas s'il n'y était pas obligé. Sinon il l'aurait déjà fait depuis longtemps.

Elle posa de mauvaise grâce toutes ses armes sur le sol et reprit sa position initiale, à genoux sur la terre poussiéreuse. Derrière elle, Henry savourait sa victoire et il se lança dans un monologue exalté :

— Si tu savais à quel point j'attendais ce moment ! Quand vous m'avez foutu dehors avec juste une bouteille d'eau et un flingue, j'ai marché et je suis tombé sur la horde. Elle avait déjà détruit le campement, mais quelque chose l'avait fait changer de direction pour se diriger vers la base. Alors je l'ai un peu aidée ... en les guidant. Un peu de bruit et ces abrutis de cadavres m'ont suivi comme un gentil troupeau de mouton ! Et puis, j'ai tué un des gardes de Troy en le prenant par surprise quand il regardait la horde arriver. Mais vous avez réussi à vous en sortir malheureusement, alors je vous ai suivis. Vous aviez laissé une bagnole sur place avec trois mecs morts dedans, c'était pile ce dont j'avais besoin ! J'ai vu votre putain de ranch et je suis parti camper ici pour chercher un moyen de vous buter. C'est là que j'ai rencontré les autres, il m'a pas fallu longtemps pour leur faire comprendre que le ranch était notre prochain refuge !

Ariane était stupéfaite par les révélations qu'elle venait d'entendre. Éric et Jake avaient fait preuve de bonté et d'humanité en laissant à Henry une chance de vivre malgré ce qu'il avait pu faire. Et il avait préféré utiliser cette chance pour se venger et les faire souffrir !

Alors, c'était ce qu'il se passait lorsque l'on se conduisait humainement aujourd'hui ? On ne récoltait plus que du malheur et des morts ? Si c'était le cas, alors à quoi bon continuer à agir comme avant cette foutue apocalypse ! Visiblement, les survivants de ce monde étaient redevenus des animaux, des bêtes avides de sang.

Troy n'était pas le seul tueur sans scrupules que ce monde avait engendré ou révélé. Il était juste le premier à avoir assumé pleinement la part de noirceur qui hantait son âme.
Il avait compris bien avant tout le monde que se conduire en homme bon et juste, finirait forcément par se retourner contre lui ! Et même si Troy était un cas à part, sa violence et son goût pour le sang étant déjà ancrés en lui bien avant le réveil des morts, il ne faisait que vivre selon les nouvelles règles de ce monde.