Rien à perdre

Chapitre 9 - Partie 2

Le coup de feu puissant résonna dans les pleines alentours, captant l'attention des rodeurs bloqués dans les autres champs.

Le corps de Thomas gisait aux pieds de Troy, le front transpercé par la balle.

Troy rangea son arme et se dirigea vers Ariane et Andrew, tous les deux figés par la froideur avec laquelle Troy avait tué Thomas. Il arriva à la hauteur d'Ariane, ramassa ses armes et les lui tendis :

— Tiens, tu peux te lever ? lui demanda-t-il le regard vide, d'une voix égale, sans émotion.

La jeune femme lui répondit avec méfiance, ses yeux plongés dans le regard indéchiffrable du jeune homme.

— Oui ... oui je crois.

— Alors monte, on y va. Andrew, laisse-moi le volant, t'es pas en état de conduire.

Celui-ci s'exécuta, laissant Troy s'installer à sa place et prenant celle qu'occupait avant Thomas. Ariane monta à l'arrière avec difficulté et s'effondra sur son siège, complètement vidée de son énergie.
Elle était fatiguée, son esprit n'arrivait plus à fonctionner normalement, son corps fragile lui faisait souffrir le martyr.

Troy remit la musique à un volume excessif et démarra avec difficulté la jeep, qui était toujours encastrée dans la clôture. Au bout de quelques minutes de manœuvres et d'accélérations compliquées, il réussit à regagner la route et reprit le chemin du ranch à une vitesse excessive.

La route se fit en silence, personne n'ayant envie de discuter de ce qui c'était passé dans ce champ. Ariane repensa à la réaction qu'elle avait eue lorsqu'elle avait vu Troy pointer son arme sur Thomas. Elle se sentait honteuse d'avoir envisagé laisser Troy le tuer sans intervenir.
Elle n'arrivait pas à oublier les pensées obscures qu'elle avait eues à ce moment-là, cette envie irrésistible de se venger en voyant cet homme qu'elle haïssait mourir comme ça. Ce sentiment d'excitation à l'idée qu'il allait bientôt souffrir autant qu'elle, ou que les victimes qu'il avait faites.

Décidément, rien n'allait depuis qu'elle avait rencontré Troy ! Tout se détraquait dans sa tête, elle était troublée, intriguée par le jeune homme alors qu'elle le détestait, alors qu'il était lui aussi un tueur. Elle devrait le haïr autant que Henry ou Thomas, mais elle n'y arrivait pas. C'était complètement fou. Et maintenant, voilà qu'elle se mettait à penser comme lui, à souhaiter la mort de quelqu'un et à désirer qu'il souffre.

Ariane fut tirée de ses pensées par un bruit qu'elle connaissait bien désormais : le grésillement caractéristique d'un talkie-walkie.

— Troy ? C'est Jake. Tu es là ?

Le jeune homme se saisit de l'appareil d'un geste distrait et répondit à son frère :

— Ouais je suis là. Vous êtes bien arrivés ?

— Oui, on est au ranch. Pourquoi vous n'êtes toujours pas arrivés ? Il s'est passé quelque chose ? demanda Jake avec inquiétude.

— On arrive dans quelques minutes. On a eu une rencontre surprise avec quelques rodeurs, mais c'est réglé.

— Ok, tant mieux, on était inquiets. J'ai essayé de contacter Elias et les autres, ils sont toujours avec toi ?

— Non, les morts les ont eus, Thomas aussi, répondit-il d'un ton sérieux.

À ces mots, Andrew et Ariane se regardèrent. Il leur suffit d'un unique regard pour comprendre qu'ils pensaient à la même chose.

— Merde, ça craint. Bon, on vous attend, soyez prudents, conclut Jake.

Troy reposa le talkie et s'étira longuement. Il regarda Ariane dans le rétroviseur avec une lueur de curiosité dans les yeux. Visiblement, il avait retrouvé le sourire et son habituelle bonne humeur teintée d'arrogance. Comme si le meurtre de Thomas était déjà sorti de son esprit.