Chapitre 10 - Partie 2

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Quand il la vit, Juan se redressa difficilement. Le jeune homme avait les poignets attachés aux montants de son lit par des menottes. Il souriait malgré la fièvre violente qui semblait le dévorer de l'intérieur. Son corps luisait de sueur et ses yeux autrefois si vifs, étaient fatigués et injectés de sang.

Ariane se pencha vers lui et parla avec douceur :

— Hé salut vieux. Je suis heureuse de te voir, articula-t-elle avec difficulté.

Le jeune homme peinait à parler, mais malgré sa voix tremblante de fatigue, il lui répondit d'un ton joyeux :

— C'est plutôt à moi d'être heureux, on t'a laissée en plan entourée de rodeurs. Et tu t'en es sortie ... comme toujours.

Elle eut toutes les peines du monde à ravaler ses larmes et fut d'une voix nouée d'émotion qu'elle essaya de paraître plus sûre d'elle. Elle ne voulait pas inquiéter inutilement Juan. Le jeune homme était déjà bien assez conscient de son état sans qu'elle n'en rajoute.

— Oui je m'en suis sortie, il était hors de question de vous laisser tranquille. J'avais bien l'intention de continuer à vous saouler encore longtemps.

Juan se mit à tousser et Terry se précipita vers lui pour lui tendre un petit récipient en métal où il cracha un flot de sang brunâtre. C'était bientôt la fin. Le virus avait presque gagné la partie et ils le savaient tous.

— Comment ? Comment ça a bien pu arriver ? balbutia Ariane en se tournant vers Éric et Terry.

— Quand on t'attendait, les rodeurs se sont agglutinés sur la voiture. Ils ont mordu Juan juste avant qu'on ne parte, et quand ont est arrivé ici, il s'est effondré. Jeremiah voulait l'abattre immédiatement mais Jake l'a convaincu d'attendre votre retour à toi et Troy, répondit Terry la voix tremblante.

— Il aurait peut être du le faire, je supporte plus cette fièvre ... articula difficilement Juan.

Il eut une nouvelle quinte de toux et reprit la parole, le souffle court, le corps baigné de sueur.

— J'en peux plus. Faites le maintenant s'il vous plaît, supplia-t-il tout en tremblant violemment. Je veux pas me transformer. Je sens le virus en moi, il est déjà en train de me changer. Pitié tuez-moi, tuez moi-maintenant avant que je commence à perdre la tête.

Il avait dit tout ça avec une voix tellement assurée malgré la peur et la douleur qu'Ariane se mit elle aussi à trembler. Ce n'était pas possible, elle avait déjà dû achever Maria et aujourd'hui, cela recommençait avec Juan ! Elle n'en était pas capable. Pas encore, pas aujourd'hui après tout ce qu'ils avaient vécu pour s'en sortir !

Elle recula sans s'en rendre compte et regarda Terry et Éric, les yeux remplis de détresse.

— Non Juan, tu comprends pas ! La fièvre t'a pas encore totalement affaibli, tu peux encore tenir quelques heures ! On peut pas te ... pas maintenant ... supplia Terry, le corps secoué de violent sanglots.

Juan se mit alors à crier, à bout de forces :

— C'est vous qui ne comprenez pas ! Je veux pas mourir à cause de cette foutue fièvre. Je refuse de délirer et de devenir pitoyable avant de crever ! Si je dois partir, alors je veux le faire en étant lucide ! Vous dire adieu et partir en paix.

Ses paroles ramenèrent Ariane à la réalité. Elle comprenait ce que Juan voulait leur dire, elle savait que le jeune homme préférait mourir d'une manière digne. C'était une chose qu'elle comprenait et qu'elle respectait. Et elle pouvait l'y aider. C'était même la seule chose qu'elle pouvait faire pour lui : l'aider à partir avec dignité, avec humanité.

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